« Do you remember a little girl who passed away last Friday? They say they don’t have her. I’m trying to figure out what to tell the mother. »
[Te souviens-tu d’une petite fille qui est décédée vendredi dernier? Ils disent qu’ils ne l’ont pas. J’essaie de trouver quoi dire à la mère.]
Rose (Marin Ireland) est une pathologiste qui préfère travailler avec des cadavres plutôt que d’interagir avec les vivants. Elle a aussi une obsession – la réanimation des morts. Celia (Judy Reyes) est une infirmière de maternité qui a construit sa vie autour de sa fille de six ans, dynamique et bavarde, Lila (A.J. Lister). Lors d’une nuit tragique, Lila tombe soudainement malade et meurt, les mondes des deux femmes s’entrechoquent. Elles s’engagent sur un chemin sombre et sans retour où elles seront forcées de se demander jusqu’où elles sont prêtes à aller pour protéger ce qui leur est le plus cher.
Avec Birth/Rebirth, Laura Moss offre un premier film remarquable dans lequel elle réinvente le mythe d’horreur classique de Mary Shelley, Frankenstein, avec une compréhension si contemporaine qu’il devient quelque chose d’excitant, de terrifiant et de singulièrement nouveau.
Rose et Celia, les deux protagonistes de ce film, représentent deux expressions différentes de la maternité et de la volonté de donner la vie. Celia a embrassé son identité de mère biologique. Rose, obsédée par la création de la vie avec son esprit, essaie de construire un mur entre son intellect et les processus naturels de son corps.
« The fear of the transformational nature of giving birth, of a potential loss of identity, led me to craft a story of two very different mothers. » [La peur de la nature transformationnelle de l’accouchement, d’une perte potentielle d’identité, m’a amenée à créer l’histoire de deux mères très différentes.]
Laura Moss
La réalisatrice montre aussi que ces deux visions de la maternité – ou du don de vie – ne sont pas séparées de façon carrée, mais plutôt qu’elles s’entremêlent et peuvent s’inverser. D’ailleurs, au cours du film, les polarités de ces femmes s’inversent et, au fur et à mesure qu’elles se lient, on en vient à remarquer leurs similitudes ainsi que leurs différences.
Mais ce que Birth/Rebirth montre, c’est aussi comment l’instinct parental prend éventuellement le dessus sur la raison. Ainsi, Moss crée un genre de Frankenstein bicéphale avec ces deux femmes qui, au final, sont guidées par ce même instinct, celui de protéger leur progéniture. Et c’est là que ce long métrage devient intéressant.
Alors que Rose, au début, est un peu coupée de son propre corps, obsédée par le besoin de créer un héritage – ce qui est lié à ses propres sentiments à l’égard de sa mère –, mais pas celui de nourrir un être vivant. Celia, elle, est tout entière tournée vers les soins, non seulement en tant que mère, mais aussi dans sa vocation d’infirmière. Elle s’occupe vraiment des femmes et défend les intérêts des mères qu’elle soigne.
« Je voulais créer un environnement qui permette à Rose de développer de l’empathie, en particulier à l’égard de son enfant/création, et de réfléchir aux conséquences de ce qu’elle fait. Et de réfléchir à la façon dont Celia pourrait s’endurcir dans sa quête obstinée de garder son enfant en vie. La question de savoir ce qu’est une mère, ce qu’est une bonne mère, m’a beaucoup intéressée. »
Ce superbe travail au niveau de ces 2 personnages féminins forts permet de bien faire passer les petits illogismes du film.
On sent aussi qu’il y a un gros travail de recherche qui a été fait au niveau du réalisme. Et c’est là que réside le côté terrifiant de ce film. Évidemment, de ramener un cadavre à la vie n’est pas réaliste. Mais les techniques utilisées, les détails médicaux, la biotechnologie et les soins, tout ça semble tout à fait crédible. Quant à l’image, la réalisatrice a fait le choix de composer une image froide. À l’image de Rose, mais aussi du système médical qui est souvent d’une atmosphère glaciale.
Au niveau de la musique, Moss a travaillé avec la compositrice Ariel Marx sur une partition vraiment unique. Marx a enregistré la réalisatrice, mais aussi sa mère, elle a enregistré la fillette de leur ingénieur du son, Claire, âgée de trois ans, en faisant différents sons et en les manipulant pour obtenir ces voix que nous entendons dans la trame sonore du film. Il y a aussi des sons corporels, des sons de moniteur cardiaque fœtal, des sons d’échographie. Elle a pris cet environnement sonore qui exprimait vraiment le thème et l’a transformé en un orchestre.
Ces éléments créent une ambiance particulière et donnent un ton original au film.
Il n’y a pas beaucoup de violence dans le film. En tout cas, pas visuellement.
« C’est l’horreur d’avoir un corps. C’est l’horreur de se confronter à son corps, ce qui est, je suppose, l’horreur du corps, mais ce n’est pas toujours nécessairement quelqu’un qui fait violence à quelqu’un d’autre qui évoque cette horreur. »
Laura Moss
Ce qui est réellement effrayant ici, c’est de voir jusqu’où on est prêt à aller pour pousser les découvertes scientifiques et technologiques. Au final, ce qui est effrayant, c’est de voir à quel point l’éthique est malléable lorsqu’on a l’impression qu’on est proche d’une découverte importante.
Avec Birth/Rebirth. Moss nous propose une œuvre provocante et intellectuellement dérangeante.
Birth/Rebirth est présenté au festival Fantasia le 31 juillet 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième