« Regarde-moi. »
Du jour au lendemain, Vincent est agressé à plusieurs reprises et sans raison par des gens qui tentent de le tuer. Son existence d’homme sans histoires en est bouleversée et, quand le phénomène s’amplifie, il n’a d’autre choix que de fuir et de changer son mode de vie.
Première réalisation de Stéphan Castang, portée par Vincent Leklou (qui a une bonne tête de victime en passant), Vincent doit mourir décrit l’anxiété et la colère sourde qui caractérisent notre époque jusqu’à devenir une maladie chronique inexplicable. Le long métrage a été présenté le vendredi 21 juillet dans le cadre du Fantasia Festival.
Comment refouler vos pulsions assassines? Comment traverser une vague de colère inexplicable? Comment faire quand les tripes prennent le dessus sur la raison? On en devient malade n’est-ce pas? C’est tout le concept du film!
Au détour d’une blague malencontreuse à l’égard d’un stagiaire, Vincent (qui s’est rapidement excusé) se voit devenir dans un premier temps une cible pour ce dernier qui tentait de le terminer à coup de laptop. Un autre jour, le comptable poignarde la main de Vincent à répétition, avec son stylo. Alors que les agressions les plus délirantes les unes que les autres se multiplient (c’est un compliment), le protagoniste pense qu’il est victime d’une étrange machination : un simple regard de ce graphiste sans histoire peut déclencher des envies de meurtre des gens autour de lui voulant rapidement l’expédier ad patres.
La plus grosse qualité du film, c’est qu’il ne cherche pas à être autre chose qu’un film de genre. Un long métrage jouissif qui parle des bas instincts humains (qui n’a pas eu envie de filer une droite à un voisin juste parce qu’il est insupportable?). Un croisement entre un thriller, un survival, une comédie et une romance enchevêtré dans une aventure ou le héros cherche à fuir plutôt qu’à confronter. Et comme tout film de genre, les possibilités de métaphores abondent.
«On est dans une telle accumulation de colère, de révolte, de frustration, d’incompréhension, que l’envie d’en découdre, l’envie de se taper dessus, on la sent. C’est palpable dans des choses extrêmement triviales, comme quelqu’un qui vous double en voiture ou pour des choses beaucoup plus importantes. On est dans un moment où il suffit de pas grand-chose pour que ça bascule du mauvais côté. »
Stéphan Castang (réalisateur)
Il est évident que Vincent doit mourir est une métaphore de notre société d’aujourd’hui gangrénée par la violence et les images violentes qui l’a, sans doute, rendue malade. Entre les images-chocs dans les réseaux sociaux, et les chaînes d’informations en continu qui peuvent, potentiellement, rendre paranoïaque, la violence s’est tellement immiscée dans notre quotidien au point de devenir une banalité.
Comme le dit si bien l’adage, la haine entraîne la haine, la violence engendre la violence. Une spirale de haine donc, que le film met en scène avec un sens aigu du design avec les effets sonores qui rendent douloureusement palpable chaque claque et coup de poing. Mais aussi des idées formidablement dégueulasses comme la bagarre entre Vincent et son facteur dans une fausse septique (mon estomac peut en attester). Comment sortir de ce vortex? Notre rapport à la violence évolue et change ai fil du temps pour le meilleur, mais surtout pour le pire.
Si la haine est une plaie, l’amour est sa compresse? Après une fuite effrénée qui l’isole au fond de la pampa française, le long métrage prend une allure de road movie quand Vincent rencontre Margaux (et ses problèmes), au détour d’une commande de hamburgers. Cette rencontre change la dynamique du film en le rendant plus poétique. Le long métrage arrive à calmer son rythme et se poser tout en gardant sa cohérence. Les scènes prennent plus de place, le découpage est moins enchainé, c’est à ce moment que la jauge d’empathie est au max envers Vincent et Margaux. De plus, c’est grâce à la dynamique du duo que le film offre certaines de ses plus belles scènes aussi sensuelles que comiques, aussi douces que violentes. À deux, « ils devront composer […] avec la violence, comme on doit construire avec ses propres monstres. Car comment être aveugle à sa propre violence?».
Une dimension romantique qui donne encore plus de sens et d’épaisseur au propos du film. Comment vivre dans une société violente? Comment y échapper? Fatalement la violence va déteindre sur la personne et de facto sur le couple, non? In fine, il en résulte, un film ayant des traits de film pré-apocalyptique, anticipant sa propre dystopie qui amènera le petit couple à vivre en autarcie.
Vincent doit mourir, est un film généreux brassant plusieurs autres thématiques comme la solitude, la marginalisation, le complotisme — entre autres — tout en gardant son aspect jouissif et divertissant. Le récit avance de manière constante, preuve d’une vision jusqu’au boutiste qui fait évoluer l’intrigue au-delà du cas de Vincent. Au final, si la société nous traite comme un paria faut-il pour autant s’isoler ?
Vincent doit mourir a été présenté au Festival Fantasia le 21 juillet 2023.
Bande-annonce
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