« Si on n’est pas capable d’amener une gang à’ campagne passer un été… Je sais vraiment pas s’qu’on fait ici. »
C’est l’histoire d’un prêtre au cœur immense, avec une Église en faillite, sur le bord de fermer, et pour qui sauver les itinérants de son quartier est si important que son couple passe en deuxième.
Après avoir hérité d’un domaine en Gaspésie, lieu de son enfance, Marc Côté (Patrice Robitaille) a l’idée d’en faire un camp de vacances pour une poignée de sans-abris hétéroclite de son quartier. L’arrivée de sa bande peu commune dans le village tranquille vient ébranler ses habitants et remuer les démons du passé que tout un chacun doit finir par affronter.
Le temps d’un été, l’humanité et la nature se fondent sur une toile évoquant la solitude et la mélancolie vue à travers les yeux fatigués des citadins cherchant un peu de solace là où il est censé en rester encore un peu.
D’abord, le scénario semble conçu pour Louise Archambault et ses talents de réalisatrice. C’est en soi une culmination de ses efforts dans Il pleuvait des oiseaux, Trop et Merci pour tout. Le tout combiné au regard sensible de la scénariste Marie Vien, l’œuvre trouve comment nous faire voir chaque être d’une manière unique. Au-delà de l’envie de briser les stéréotypes qui entourent l’itinérance, elles veulent nous donner l’élan d’aller à la rencontre de l’humain qui s’y cache et les histoires diverses qui l’habitent. Le tout doucement porté par une musique aux paroles lentes et aériennes accompagnées d’un peu de piano évoquant des gouttes d’eau ou des larmes. Cela pourra peut-être en convaincre quelques-uns de rester à la fin du générique pour voir le nom des interprètes de ces morceaux.
La trame narrative est quelque peu rocailleuse par moment. Certaines transitions sont dures lorsque le film débute de manière classique avec un personnage principal. C’est une fois arrivé au domaine que Marc lègue sa place à une narrative plus vagabonde. Les personnages secondaires gagnent en importance au profit de celui du prêtre qui devient doucement un observateur souriant et presque passif. Cela dit, il en ressort un peu plus à l’image d’un Jésus souriant en regardant ses apôtres vivre innocemment; ce qui reste du bon samaritain chrétien. C’est ce qui semble être une des idées principales derrière le film. Un questionnement sur le rôle de l’Église dans nos vies modernes et de ce qu’il reste de son message spirituel.
Plusieurs thèmes y sont effleurés à travers une approche des vestiges de la religion au Québec comme l’oppression religieuse sur les minorités, la vision de la normalité sociale, la charité, le pardon, l’acceptation, le passage de la vie à la mort; celle du père et de son héritage.
L’image du père est constante et sous-entendue tout au long du film. Le rôle de Marc est celui d’un père de la religion avec son histoire personnelle tournant autour des différentes figures paternelles qui l’entourent. Miali (Océane Kitura Bohémier-Tootoo), une jeune Inuit déracinée est enceinte d’un homme suggéré, invisible, absent; elle s’entiche de Sébast (Justin Leyrolles-Bouchard), un jeune homme issu de la DPJ qui cherche sa place dans un monde qui l’a constamment rejeté et qui voit en l’amour qui les unit une chance possible au bonheur avec elle et à la paternité et Sam (Martin Dubreuil) qui est un père absent dans la vie de ses filles. Il est impossible de ne pas s’interroger sur le futur de l’homme en général et du rôle incertain qu’il doit maintenant porter.
Le temps d’un été ne montre pas les vies passées des personnages et pourtant c’est précisément ce que l’on aurait cru voir, pourtant l’accent est entièrement mis sur qui ils sont devenus ou deviennent encore. C’est ainsi que le film raconte cette histoire. Et raconter devient vite une béquille pour l’exposition des personnages. Malgré la belle brochette d’individus excentriques et attachants, la voix n’arrive pas à élever complètement l’intériorité de tout un chacun, et ce, malgré l’incroyable visuel qu’offrent scènes et paysages dont les reliefs sont soulignés avec poésie.
La construction vagabonde s’interrompt répétitivement par la narrative de Marc, ce qui ne joue pas en faveur d’un film de cœur qui tend vers l’organique et l’authentique. On se tourne un tantinet sur notre banc à sentir l’histoire tourner dans une direction avec une méthode davantage mécanique pour forcer une révélation larmoyante ou une cigarette qui met en feu une tache d’huile de moteur afin de pousser le récit en avant. Le film donne aussi l’impression par moment d’être trop long et à la fois d’être trop court.
À travers cela, quelques personnages centraux restent beaucoup moins exploités et du même coup manque de pouvoir installer un attachement palpable entre eux et les autres membres du groupe (sans compter que le film fait un peu plus de deux heures). Cela finit par miner quelque peu les climax des dynamiques qui s’opèrent au sein de ce camp d’été de fortune. Cependant, et je le souligne, le jeu des acteurs est sans doute ce qui est le plus percutant. Ils arrivent systématiquement à venir tirer une émotion à l’auditoire, et ce, peu importe l’émotion, peu importe la scène.
Au niveau de l’Art au Québec, j’ai senti que les mots prononcés par le Curé Beaulieu (Gilbert Sicotte) dans Le temps d’un été expliquait ce qui pour moi était une grande force chez nous, se résumant en : « Si on veut faire de l’or et on a juste de la boue alors on fait de l’or avec de la boue ». L’ironie existe dans le rôle de Marc qui lui-même tend à cette amnésie nationale qui ne croit pas pouvoir faire beaucoup à cause du manque de moyens. L’épiphanie de constater comment il n’a peut-être pas besoin de ce qu’il voulait pour accomplir ce qu’il pouvait.
Ainsi, c’est avec une larme à l’œil que j’écoutais les personnages raconter leur douleur sans pour autant montrer ces moments. En effet, de constater comment il serait possible de dépeindre plusieurs paysages non-canadien avec notre propre territoire et qu’on ne s’évertue pas à vouloir nous montrer des contrées éloignées sans considérer s’y rendre véritablement.
Cependant, il est difficile d’en vouloir au film qui finit par mener à ce même constat — fait plus haut — face à la vie des autres qui foulent le même sol (surtout de ceux que l’on ne connait ou ne côtoie pas). On ne peut que s’imaginer leur vie et en constater le résultat sans pouvoir tout comprendre en claquant des doigts. Nous sommes témoins du résultat et pas du chemin et c’est là que réside sans doute la clef pour arriver à tendre la main et s’apprivoiser à la recevoir.
Est-ce que le point de vue budgétaire nous empêche sporadiquement de prendre compte de ce qu’il est possible de faire avec peu? C’est selon moi ce qui guide le film sur une ligne droite avec adresse et subtilité; questionner ce qui peut être fait avec peu ou ce que l’on peut faire. Une question qui transcende l’individu jusque dans notre société moderne. Comment faire pour retrouver le sens de la charité et du don de soi dans un pays où la religion fut excommuniée, autant les mauvais que les bons côtés? C’est lorsque les interrogations les plus fondamentales sur la mort et l’amour restent sans réponses et nous assaillent que l’espoir et la foi prennent tout leur sens. Le temps d’un été, c’est un bon lavage de conscience qui rappelle de faire attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Et j’espère que vous ferez de même.
J’ai envie de vous laisser avec les paroles de Peter Hammill dans la chanson Arrow du groupe Van Der Graaf Generator :
“Compassion”, you plead
As though they kept it in a box, ha!
Well, that’s long since been empty
I’d like to help you somehow
But I’m in the self-same spot
Oh, my condition exempts me
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième
Tres belle critique de se film que je n’ai pas encore vue. L’article quoi qu’un peu long nous donne envie de le voir sans révélé les “punch” du scénario . Merci
Ça donne le goût!
intéressant un peu long la 1e partie. aurais aimé plus de contenu sur le passé des itinérants. belles valeurs. déplore que les chansons n étaient pas choisies dans le répertoire français. un film québécois, je le souhaite en français pour tout le contenu.