Le duo Alokori – An Laurence, guitare et voix; et Sara Constant, flûte et électronique – présente une toute nouvelle œuvre de performance musicale acoustique, électronique et d’art sonore de leur propre cru inspirée par les métaphores de la distance, la fragilité du sentiment d’appartenance et la construction d’un chez soi.
Voici une description plutôt intrigante qui m’a amené à assister à cette prestation, présentée à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal, dans le cadre du festival Accès Asie.
Pour ceux qui, comme moi, n’ont jamais assisté à une performance de musique contemporaine expérimentale, le spectacle présenté ce vendredi était quelque peu déconcertant. Les premières minutes sont déstabilisantes, alors que les deux femmes sont assises par terre et font jouer des cassettes audio. À ce moment-là, j’ai compris deux choses : que j’étais parti pour un voyage atypique et que je n’étais pas préparé à assister à ce qui se préparait.
Une fois la stupéfaction des premières minutes passées, je me suis laissé imprégner de l’univers de ces deux créatrices courageuses et inventives. En plus d’une guitare et une flute traversière, des haut-parleurs, une lampe, des fils et des bancs vides remplissent la scène. Mais chacun de ces items ne servira pas en même temps et ne servira surtout pas de la façon typique.
Chaque item fait partie d’une section. Chaque section est planifiée et ce que les artistes y feront aussi. Par contre, à l’intérieur de ces séquences du spectacle, l’improvisation est de mise. Par exemple, à un moment de la performance, An Laurence et Sara Constant placent des petits haut-parleurs sur les tabourets et y déposent des boules d’aluminium qui rebondissent grâce à la vibration. Ce qui crée un genre d’effet pop corn assez étonnant. Mais ce qui se produit pendant cette séquence n’est pas planifié à 100%. Les deux créatrices savent ce qu’elles veulent montrer, mais l’ordre de ce qu’elles feront et le nombre de répétitions est laissé à l’improvisation. Mais une improvisation bien calculée.
C’est ainsi que les spectateurs sont transportés dans cet univers déroutant – mais tellement imaginatif – pendant environ 45 minutes. La durée est parfaite puisqu’à la fin, on aurait envie que ça se continue. Dans l’expérimental, il faut savoir quand s’arrêter, avant de perdre son auditoire. C’est vrai pour la musique comme ça l’est pour le cinéma.
Je ne suis pas un expert en musique. Mais je suis un expert en cinéma et j’ai une grande passion pour le cinéma expérimental. Et j’ai remarqué de nombreuses ressemblances entre Alokori et le cinéma qui me plait tant.
D’ailleurs, pendant le spectacle, des projections sont parfois présentées en même temps que la musique. Des images souvent semi-abstraites. À un moment, des genres de particules orangées se déplacent sur l’écran, donnant un peu une impression de feu. À un autre moment, ce sont des rubans de cassettes en tas. Ces images seules n’auraient pas tant de sens, mais lorsqu’on les associe à l’univers sonore, tout fait sens.
Par moment, j’avais l’impression de regarder des films présentés lors des projections des Nouveaux alchimistes au FNC. Des images et des sons qui semblent ne rien vouloir dire, mais qui lorsqu’on prend le temps de se laisser imprégner prennent tout leur sens.
Je pense à des œuvres comme All my scars vanish in the wind (Carlos Velandia et Angélica Restrepo) dans laquelle des particules bougent pour éventuellement faire du sens, ou encore le long métrage Phantom Islands (Rouzbeh Rashidi) dans lequel les personnages à l’avant plan sont presque toujours flous ou hors champ. Des films un peu étranges, mais marquants.
Je ne connaissais pas ces deux artistes avant de me pointer à cette soirée incroyable. Et honnêtement, je crois que rien ne me ferait plus plaisir que de m’assoir avec An Laurence pour discuter de son processus créatif. D’ailleurs, je suis ressorti du spectacle avec une envie incontrôlable de créer.
Oui, je vais m’y mettre!
© 2023 Le petit septième