« — Ça fait combien de temps avec Toni?
— Ça fait… Ça a commencé il y a 4 ans. »
Sète, 1994. Amin (Shaïn Boumedine), apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Accompagné de son cousin Tony (Salim Kechiouche) et de sa meilleure amie Ophélie (Ophélie Bau), Amin passe son temps entre le restaurant de spécialités tunisiennes tenu par ses parents, les bars de quartier, et la plage fréquentée par les filles en vacances. Fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, Amin reste en retrait et contemple ces sirènes de l’été, contrairement à son cousin qui se jette dans l’ivresse des corps. Mais quand vient le temps d’aimer, seul le destin – le mektoub – peut décider.
Avec Mektoub my love : Canto uno, Abdellatif Kechiche propose un film de près de 3 heures qui s’intègre parfaitement dans sa filmographie. Une œuvre magistrale qui n’a pas trop causé de scandale, une chose assez rare pour le réalisateur.
Il y a 3 constantes dans le cinéma d’Abdellatif Kechiche : la qualité, la longueur et les scandales. C’est surtout pour cette dernière que j’ai décidé de traiter de Mektoub my love : Canto uno.
Lorsqu’il a réalisé La vie d’Adèle chapitre 1 et 2, le réalisateur avait aussi prévu de tourner les chapitres 3 et 4. Mais les scandales et chicanes entourant le film auront eu raison de la suite. Il s’est donc lancé dans un autre projet de fou : l’adaptation en au moins 3 films du roman La Blessure, la vraie, de François Bégaudeau.
« Dans La Blessure, la vraie, les possibles sont si nombreux que deux films de trois heures chacun pourraient prétendre en exprimer tout au plus que le tiers, et après avoir rencontré Shaïn Boumédine, qui allait interpréter Amin, j’ai songé à une suite. Plusieurs suites, en fait, car si ce qui constituera le deuxième volet de Mektoub, my love est déjà filmé et en grande partie monté, j’aurais envie de réaliser dix autres films avec Shaïn dans le rôle d’Amin, que l’on suivra ainsi jusqu’à l’âge de 45 ans. »
Abdellatif Kechiche
Cette suite dont Kechiche parle, c’est Mektoub my love : Intermezzo. Le film a été présenté en compétition à Cannes en 2019 et, contrairement au premier volet, a causé un énorme scandale à cause, entre autres, d’une scène de sexe particulièrement longue et graphique. Puis, une autre chicane avec une de ses actrices. Clairement, le réalisateur n’est pas toujours sur la même longueur d’onde que ses actrices.
Ce deuxième volet n’a donc pas été revu depuis sa présentation à Cannes. Beaucoup l’attendent (moi le premier). D’autant plus que le troisième volet serait en préproduction.
Mektoub my love : Canto uno est une ode à la vie des années 90, à Sète, en Occitanie. Il montre la vie des jeunes d’origine maghrébine qui y vivent leur jeunesse sous le soleil et la chaleur de la vie. C’est aussi une œuvre qui rend hommage à la beauté et à sa captation. Avec Amin, Kechiche montre l’arrière-scène du miracle de la captation d’images (le cinéma comme la photo). Une des scènes phares du film survient alors que le jeune homme attend patiemment la naissance d’un mouton pour en faire des photos.
C’est aussi un film qui montre la rencontre.
« …il y a cet autre miracle, celui des rencontres. Rencontres avec des êtres qui me renversent, dont je deviens le prisonnier, car oui, je suis prisonnier de cet acteur et de ces actrices, tous extraordinaires. »
Abdellatif Kechiche
Clairement, le réalisateur tente de montrer son amour du cinéma, de l’image, de la lumière, et de la vie. Clairement, son cinéma est empreint de 3 thèmes centraux – qui sont probablement les 3 enjeux de sa vie personnelle – l’amour, le sexe et l’image.
Dans Canto uno, on retrouve justement une image magnifique, qui transcende la chaleur humaine et tous ses drames, ainsi que la chaleur du soleil, qui rythme la vie du Sud.
Kechiche est un créateur controversé. Certains disent que ses méthodes de travail son douteuses, voire tyranniques. D’autres crient plutôt au génie. La vérité se situe probablement quelque part entre les deux. Cela étant dit, ses techniques sont connues de tous dans le milieu. Maintenant, ceux qui décident de travailler avec devraient en être conscient et l’accepter avant même de commencer. Ça éviterait bien des conflits.
Personnellement, je fais généralement le choix de séparer la valeur créatrice et artistique de la personne. S’il a commis des crimes, qu’il soit jugé pour. Mais ça ne changera en rien la valeur de ses œuvres.
En attendant, je reste dans l’attente de son deuxième volet…
Bande-annonce
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