L’enfance d’Ethel s’achève brusquement lorsque sa mère quitte le nid familial pour ne plus revenir, laissant à la jeune fille la charge de ses jeunes frères et sœurs dans leur demeure isolée. Alors qu’un hiver impitoyable s’abat sur eux, Ethel doit faire face à un choix difficile : se résigner à son sort, ou bien aller tenter sa chance de par le vaste monde…
Voici Retour à Hairy Hill, gagnant du prix du meilleur film d’animation de l’édition 2023 des Sommets du cinéma d’animation.
Retour à Hairy Hill est un projet que le réalisateur Daniel Gies porte depuis près d’une décennie. L’univers qu’il crée avec ce court-métrage s’inscrit dans une forme de réalisme magique, à la rencontre entre le naturel et le surnaturel. Pourtant, c’est une histoire vraie qui a inspiré les scénaristes, celle de l’enfance de la grand-mère du réalisateur. Grandie à Hairy Hill, un petit village isolé de l’Alberta, ses parents l’abandonnent à un jeune âge, ce qui la laisse seule pour s’occuper de ses frères et sœurs. Éventuellement, le groupe d’enfants est découvert par les autorités qui séparent la fratrie dans différentes familles d’accueil. Leur destin ne se recroisera plus jamais.
Cette histoire tragique sert de base pour le ton et les thématiques du récit. Dans sa transposition sous le format de l’animation, elle acquiert une nouvelle forme plus poétique et symbolique. La représentation des personnages est le meilleur témoin de cette transposition : les parents sont tous les deux représentés par des animaux (le buffle pour le père et le corbeau pour la mère), les frères et sœurs aux traits plus humanoïdes n’ont pas de visage, ne laissant que la protagoniste comme figure purement humaine.
Sans dialogue, le cinéaste installe habilement l’environnement et les personnages. À travers quelques inserts et objets signifiants, on nous fournit efficacement les clés de compréhension tout en nous donnant le temps de nous imprégner de l’atmosphère.
Malgré le narratif en toute simplicité et l’efficacité des symboles, quelques questions demeurent en suspens. Ce qui me laisse le plus perplexe, c’est la raison qui pousse la protagoniste à partir sans ses jeunes frères et sœurs, qu’elle laisse derrière dans la maison froide et vide pour partir à la découverte du monde. Il est bien sûr inutile de justifier tous les événements et actions des personnages, l’ambiguïté et le mystère permettant une liberté d’interprétation beaucoup plus engageante qu’une histoire rigide et linéaire. Par contre, ce geste primordial commis par la protagoniste me semble paradoxal avec le reste du récit, l’unité familiale et le sens du devoir étant visiblement au cœur des préoccupations du personnage.
La plus grande réussite de Retour à Hairy Hill est le travail d’animation. Avec des couches de textures comme la poussière, le grain de pellicule, des effets de lumière et des changements de mise au point, les images sont organiques et les différentes méthodes d’animations se chevauchent fluidement. Ce qui accroche l’œil en premier, ce sont les marionnettes de papiers, dont le style d’animation se rapproche du stop-motion. Avec la flexibilité du papier, les traits de la protagoniste sont malléables, ce qui lui offre une gamme d’émotions impressionnantes. Qui aurait cru qu’une marionnette pouvait projeter une aussi grande profondeur d’âme?
Cette personnification ne se manifeste pas seulement chez les personnages, mais également dans l’environnement. Les éléments naturels semblent plus vrais que nature, on a l’impression de pouvoir toucher la neige, se perdre dans le brouillard ou se brûler sur le feu.
Dans l’absence de dialogue, la maison s’exprime : les pas qui font craquer le plancher, le vent qui fait grincer la porte…Cette vieille maison à un certain charme, mais elle se retrouve elle aussi victime de la rigueur de l’hiver. C’est en effet le passage des saisons, le changement du orange désaturé de l’été au bleu désaturé de l’hiver, qui marque le point de rupture.
Face à un environnement hostile, les options des personnages sont limitées : se battre ou s’abandonner à la nature. S’abandonner à la nature à un sens très littéral ici : les humains se métamorphosent en animaux. Le retour à la nature, c’est se libérer de la conscience humaine et de la lourdeur d’âme qui l’accompagne. Retour à Hairy Hill se déploie ainsi comme une fable allégorique dont l’atmosphère lourde est contrastée par un message qui porte un espoir doux.
Return to Hairy Hill est présenté aux Sommets du cinéma d’animation, les 12 et 13 mai 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième