« Je suis sincèrement navré, mais votre dossier n’a pas été accepté. »
Après avoir vu sa demande de financement rejetée pour son film sur l’excision, Frédérique (Tatiana Rojo) est choquée par la proposition du Directeur de la banque (Phil Darwin) de faire d’elle sa maitresse en lieu et place. Elle décide de le déstabiliser. Avec l’aide de son mystérieux ami Jo (Passi), recherché pour plusieurs braquages, et de son frère Gérard (Serge Abessolo), un habitué des commissariats, Frédérique recrute des femmes aux aptitudes exceptionnelles pour braquer virtuellement la banque.
Avec Mayouya : un film africain sans budget, Claudia Yoka propose une comédie aux accents burlesques et utilisant les clichés sur l’Afrique afin de défaire les idées reçues sur la femme africaine soumise et baignant dans des traditions séculaires, et montrer la modernité de l’Afrique et de ses femmes.
Claudia Yoka est une réalisatrice, productrice du Congo-Brazzaville qui a créé, en 2002, l’association Clapcongo pour la relance du cinéma congolais et lève des fonds des entreprises privées pour soutenir des productions locales et des formations.
C’est donc en ce sens qu’elle s’est lancé dans la production d’un film qui traite exactement de ça : le financement du cinéma congolais. Pour être totalement honnête, son film souffre exactement de ce qu’il dénonce, c’est-à-dire d’un financement adéquat. Mais j’y reviendrais plus loin.
Ce qu’elle propose ici, c’est une comédie satirique qui rappelle, en quelque sorte, Bienvenue au Gondwana dans sa façon de parler de l’Afrique. La réalisatrice utilise l’humour afin de critiquer sa société congolaise, et au sens plus large les sociétés africaines. Mais plutôt que d’être dans l’univers politique, son film se situe dans le milieu du cinéma et traite de la place des femmes sur le continent.
Profondément abattue et grandement frustrée de voir tous les efforts qu’elle a fournis voler en éclats, Frédérique ressasse les propos délurés du banquier et arrive à la conclusion qu’il mérite une leçon pour ses idées rétrogrades. Imaginez qu’un banquier vous refuse un prêt, mais qu’en échange de cette triste nouvelle, il vous propose de faire de vous sa ixième maîtresse. Cette réalité congolaise d’un passé pas si lointain est dénoncée par la réalisatrice. Mais l’objectif est aussi de montrer que cette façon de voir la femme africaine n’est plus la réalité actuelle. Est-ce que la personne qui ne connaît pas les sociétés africaines modernes comprendra ce message? Ce n’est vraiment pas sûr. Par contre, celui qui le réalise rira en regardant ce film.
Dans Mayouya : un film africain sans budget, Yoka met à l’avant-plan des femmes. Nia (Stana Roumillac): hackeuse hors pair, elle est précise et ne perd jamais son sang-froid. Sarah (Tata Osca) : très joueuse et bavarde, c’est la Reine de la diversion. Kady (Habi Touré) : froide, elle anticipe les actions des personnes qu’elle rencontre, elle est spécialiste des arts martiaux et parle très peu.
L’idée est de montrer que les femmes congolaises ne sont pas des femmes soumises, écrasées par le patriarcat. En tout cas, pas plus qu’ailleurs. En même temps, elle dénonce ces endroits où l’excision reste une pratique, bien qu’elle soit maintenant cachée.
Ce qui est vraiment dommage avec Mayouya, c’est que le film a été fait avec un mini budget, et ça paraît. Je ne mets pas en doute la volonté et l’effort. Ni la thématique et le scénario. Tout ça est bon. Et je crois que la réalisatrice est consciente des limites.
« Je n’avais pas beaucoup de moyens, mais j’avais de la volonté. Les comédiens ont apporté eux-mêmes une partie des costumes, des accessoires, les imprévus se sont multipliés. Mais, 90% des acteurs ont donné le meilleur d’eux pour arriver au bout. Je suis heureuse d’avoir produit et réalisé une comédie panafricaine où chacun est à sa place. »
Claudia Yoka
En fait, le principal problème de ce film – et c’est souvent le cas dans le cinéma centre-africain – c’est le son. La prise de son est vraiment terrible. Au point que par moment on décroche. On passe régulièrement d’un son tout à fait correct, à un son « en canne » qui rappelle celui qu’on capte avec une caméra sans microphone ajouté. On entend aussi la différence de son en fonction des plans. Par exemple, lors des champs/contrechamps, les bruits ambiants ne sont pas raccords.
Les autres faiblesses dues au manque de budget sont plus pardonnables. Même si on voit parfois que certaines scènes auraient gagnées à être reprises, on pourrait vivre avec si les problèmes de son n’étaient pas si dérangeants.
Mayouya : un film africain sans budget se présente comme une comédie aux accents burlesques dont l’intrigue principale tourne autour d’un braquage virtuel de banque, et ce, aux seules fins de financer un film. Le système international de transfert bancaire SWIFT est réputé fiable à 99,99%. Le long métrage joue la carte de la dérision en utilisant les 0.01% restants.
La réalisatrice offre aussi une belle surprise aux connaisseurs de cinéma africain en donnant un caméo à Gaelle Voukissa.
Malgré ses faiblesses, Mayouya : un film africain sans budget mérite tout de même d’être vu.
Mayouya : un film africain sans budget est présenté au festival Vues d’Afrique, le 23 avril 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième
Bonsoir, je tombe avec beaucoup de retard sur cette critique de mon film et je la trouve juste. Nous avons eu les pires tracas avec le son et le manque de sérieux des personnes censées vous financer. mais, votre analyse est si pertinente que je vous en remercie. Je prépare un nouveau projet sur lequel je serai mieux entourée. Mayouya a déjà remporté 4 prix à ce jour et c’est le sujet et le jeu des acteurs qui ont été primés. Le film fait beaucoup rire et c’était important de dénoncer sans hurler notre rage. Encore merci pour votre belle conclusion!
Merci madame Yoka pour votre commentaire. Ce sera un plaisir de regarder votre prochain film si l’occasion se présente.
Bonsoir Monsieur Grondin, je suis ravie de pouvoir vous écrire à nouveau car le film est disponible sur la plate-forme tv5monde plus et nous avons pu financer des corrections de son et je suis moins “inquiète ” quand je le présente. il fait son petit chemin et c’est ce qui nous encourage à tenir bon. existe t-il un moyen de vous joindre par e-mail?car, j’aimerais avoir un échange sur les potentialités du cinéma congolais.
merci
Bonjour madame Yoka,
Vous pouvez m’écrire à l’adresse info@lepetitseptieme.ca.
Ensuite je pourrai vous réécrire de mon adresse personnelle. 🙂