« Ton animal humain est malade. Je peux te guérir. »
Dans un village isolé du Costa Rica, Clara (Wendy Chinchilla Araya), quarante ans, endure une vie répressive religieuse et retirée sous le commandement de sa mère. Son étrange affinité pour les créatures, grandes et petites, permet à Clara de trouver du réconfort dans le monde naturel qui l’entoure. La tension monte au sein de la famille alors que la jeune nièce de Clara (Ana Julia Porras Espinoza) approche de sa quinceañera, déclenchant un réveil sexuel et mystique chez Clara et un voyage pour se libérer des conventions qui ont dominé sa vie.
Avec Clara Sola, Nathalie Álvarez Mesén propose une oeuvre de réalisme magique sur une femme coincée par l’oppression de sa mère. Un film au rythme lent qui amène doucement le spectateur là où il n’est pas habitué d’aller.
La religion catholique est encore très forte dans les pays d’Amérique latine. L’oppression de la religion est au centre du récit de Clara Sola. Fresia (Flor María Vargas Chaves), la mère de Clara, est une femme très croyante, au point d’avoir ruiné la vie de sa fille.
La grande question à laquelle le spectateur devra répondre par lui-même, c’est de savoir si la vieille femme utilise Clara et la religion par pur égoïsme, ou si elle croit vraiment que sa fille est en contact direct avec la Vierge Marie et qu’elle réalise des miracles.
En effet, des gens du village et des environs vont parfois voir Fresia afin de se faire miraculeusement guérir pas Clara. D’ailleurs, elle, elle ne semble pas y croire réellement. En mettant en place cette notion de religion, la réalisatrice pose un regard sur le côté malsain de la piété. Elle montre comment la religion aide à garder en place les rôles qu’ont attribut aux sexes. La religion catholique (et ce n’est pas la seule) est construite selon un schéma patriarcal. Et ce schéma est tellement bien mis dans la tête des femmes que même dans une maison où il n’y a aucun homme, ces normes patriarcales restent imprégnées. Clara Sola pointe donc du doigt les femmes en tant que partie intégrante de la recette du patriarcat nocif.
Qui dit religion, dit également sexualité dégradante. Clara a été élevée par une femme qui n’a eu et n’a de cesse de lui répéter qu’elle est dégradante, car elle ressent des désirs sexuels. Une des recettes qu’emploi la vieille femme est me tartiner les doigts de Clara avec des piments forts afin d’éviter que sa fille ne se caresse.
J’imagine que d’avoir une fille vierge, même à 40 ans, ça aide Fresia à croire que sa fille est directement liée à la vierge Marie…
Le lien entre l’humain et la nature est aussi au centre du récit. Le film joue sur l’idée que dans un monde rétrograde, gouverné par la religion, être en contact étroit avec la nature et s’accepter tel qu’on est réellement est un acte de rébellion en soi. Pour bien illustrer son point de vue, la réalisatrice met constamment en opposition la pureté religieuse — le blanc et la virginité — et le contact avec la nature.
Clara est toujours habillée de blanc ou de vêtements d’une couleur pâle, proche du blanc. Le cheval que possède la famille (Yuca) et duquel Clara est très proche est blanc. L’un comme l’autre sont enfermé dans un carcan de règles fermes et oppressantes afin de satisfaire Fresia.
Yuca est un équivalent à Clara. Le cheval représente l’animal qu’on enferme pour notre propre plaisir, alors que Clara représente l’humain enfermé dans ses propres codes.
L’un comme l’autre est pratiquement immaculé, tout de blanc habillé. Alors qu’en réalité l’un comme l’autre ne rêve que de se rouler par terre, et d’avoir un contact direct avec la nature. D’ailleurs, pour que Clara puisse se libérer de l’oppression de sa mère, elle devra accepter de libérer Yuca de l’oppression des humains.
Avec le personnage de Clara, la réalisatrice veut aussi montrer ce lien intime que l’humain peut avoir avec la nature. Après tout, nous devrions en faire partie intégrante plutôt que de jouer à essayer de la contrôler, non?
La femme de 40 ans ne demande qu’à vivre ce lien avec la nature. Elle semble avoir une réelle connexion avec Yuca, elle à un insecte de compagnie — à défaut d’avoir un chat — qu’elle laisse se promener sur elle et dans ses cheveux. D’ailleurs, dans la scène où elle rencontre Santiago (Daniel Castañeda Rincón) (un jeune homme qui vient donner un coup de main à la famille), elle se fait dire qu’elle a un gros insecte sur elle. Elle recule vivement en disant au garçon de ne pas l’enlever, car c’est là qu’il vit. Elle semble réellement connectée avec l’insecte. Elle aime aussi s’étendre sur le sol, qu’il soit en gazon, ou en boue. Ce qui ne plait évidemment pas à la mère qui tente par tout les moyens de garder sa fille « pure ». Ces scènes de connexion avec la nature sont toujours filmées de très près. Des gros plans du visage, des mains, des cheveux… Une belle façon de montrer l’intimité qui s’en dégage.
Disons que tout ça amène à réfléchir.
Dans son film, Nathalie Álvarez Mesén intègre des éléments de réalisme magique. C’est ainsi une façon de rendre le film plus poétique, mais surtout de montrer que la nature restera toujours plus grande que ce que l’homme veut bien y voir.
Cette magie intervient principalement au niveau de la relation que Clara entretien avec les animaux et insectes. Voici donc un beau film pour nous permettre de réfléchir à notre place dans ce monde que l’on prend trop souvent pour acquise.
Clara Sola est présenté au FCMS le 7 avril 2023.
Bande-annonce
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