« J’ai vraiment hâte qu’on commence les rénos, un petit coup à donner pis living the dream ‘sti »
Sarah et Jonathan achètent un bungalow à rénover pour en faire la maison de leurs rêves. Les mauvaises décisions, le manque de cash et les mensonges poussent le couple à franchir des zones extrêmes. Leur vie se transforme en cauchemar. Jusqu’où iront-ils pour sauver leur amour et les apparences? Watch out les petites réno!
Le deuxième long métrage de la réalisatrice Lawrence Côté-Collins commence avec une atmosphère intrigante et prometteuse qui installe rapidement le ton. La maison, dans toute sa décrépitude, est bien en vie. Le son de ses entrailles domine la trame sonore inquiétante rappelant les films les plus anxiogènes de David Lynch. L’atmosphère se détend assez rapidement avec l’arrivée du contre ton : un humour noir, un peu pince-sans-rire. La cohabitation entre suspense et humour est un défi, le stress et le rire étant deux sentiments presque opposés. Bungalow réussit à moitié son pari de ce côté, l’humour des mises en situation et des dialogues est bien dosé et bien écrit, mais certains punch tombent à plat à cause du rythme un peu trop lent, qui est toutefois nécessaire pour installer le suspense.
Avec un format d’image et un grain similaire à la pellicule, des plans symétriques rappelant la plasticité des films de Wes Anderson, des jeux d’éclairages sursaturés de ceux de Nicolas Winding Refn, on peut dire que Bungalow est un film à l’esthétique soignée. Autant dans le chaos de la maison avant les rénovations que le kitsch des pièces monochromes à thématique douteuse, le directeur photo Vincent Biron trouve le beau. Un travail qui va bien sûr de pair avec celui de la directrice artistique Sylvie Desmarais. La contribution et l’intérêt de la réalisatrice pour ce département ainsi que celui des costumes sont manifestes, ce qui explique également la réussite esthétique du film. Sa touche se ressent également dans les intertitres colorés présentant le passage des mois.
Avec sa veste zébrée, ses faux ongles frais à tous les mois, sa vape, ses talons hauts et son chihuahua Sugar sous le bras, Sarah, incarnée par Sonia Cordeau, représente l’archétype de la diva du cheap. Pour prendre des exemples de célébrité dont la persona peut être considérée comme, on peut penser à Snooki dans la téléréalité Jersey Shore. Elle est par contre plus futée qu’elle a en l’air et sait comment user de ses charmes à son avantage.
Avec son manque d’habileté manuel, son intérêt marqué pour l’époque médiévale, son repère dans le bar du quartier et son fantasme de man cave, Jonathan, incarné par Guillaume Cyr, représente l’archétype du gros colon. Jonathan est un gentil géant dont la carrure contraste avec la sensibilité. Ce qui le mène ultimement à sa perte, c’est sa naïveté et son désir de subvenir aux besoins de sa famille.
Les personnages secondaires qui entourent les protagonistes sont de couleurs et d’importances variées. Une mention spéciale ici à Josée, la travailleuse que le couple engage pour s’occuper des rénovations, qui représente une variante rafraîchissante de l’homme de construction macho. Par contre, plusieurs autres personnages secondaires manquent de traits caractéristiques, ils sont un peu fades comparé au protagoniste exubérant et aux décors qui le sont parfois encore plus.
Ce couple, comme on le voit souvent dans les films se déroulant en banlieue, est à la recherche du rêve américain et ils semblent en bonne voie de l’accomplir. C’est déjà réglé pour le couple et le chien, mais ça se complique quand on arrive à la maison et aux enfants… Pour les aider dans la réalisation de leur rêve, Sarah fait appel à une émission de rénovation. Ce pastiche qui peut rappeler Décors ta vie ou encore Méchant Changement met en lumière la plus grande contradiction de ce type d’émission : une grande emphase sur l’apparence, mais pas sur le durable et le fonctionnel. Ceci souligne à grand trait notre rapport déformé et malsain à notre lieu de vie.
Avec ces personnages parfois pathétique et incapable d’atteindre leur idéal à cause de leur manque d’argent et de leurs mauvaises décisions, je demeure un peu perplexe sur le message à en tirer. Il est évident que l’on s’attaque à la poursuite factice du rêve américain, mais plutôt que de questionner le système dans lequel cet idéal s’inscrit, on semble directement critiquer l’absurdité du rêve de ces personnages.
Somme toute, Bungalow présente une esthétique à la fois maîtrisée et originale, mais l’hyper esthétisation prend parfois le dessus sur les personnages et le message.
Bande-annonce
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