« Serge a toujours eu beaucoup de succès avec les femmes, il y en a forcément eu de moins jolies que d’autres. »
Dans une luxueuse villa en bord de mer, une jeune femme modeste (Laure Calamy) retrouve une étrange famille : un père inconnu et très riche (Jacques Weber), son épouse fantasque (Dominique Blanc) , sa fille, une femme d’affaires ambitieuse (Doria Tillier), une ado rebelle (Céleste Brunnquell) ainsi qu’une inquiétante servante (Véronique Ruggia Saura). Quelqu’un ment. Entre suspicions et mensonges, le mystère s’installe et le mal se répand…
C’est avec impatience que j’attendais le nouveau film de Sébastien Marnier : L’origine du mal. Ce réalisateur s’est beaucoup démarqué en 2018 avec son film l’heure de la sortie. Un thriller éco-angoissant dans lequel l’influence directe de John Carpenter se faisait sentir. Notamment avec l’excellente bande sonore du groupe Zombie Zombie. Dans ce nouvel opus fraîchement sorti dans le cadre du festival Cinemania, Sébastien Marnier trace avec angoisse et brio le portrait d’une famille française cruelle et profondément égoïste.
Comme dans un véritable thriller « chabrolien », nous découvrons au sein de cette demeure luxueuse en apparence sereine et sans histoire, l’inquiétante étrangeté de cette famille de femmes bourgeoises qui gravitent autour d’un père au charisme tantôt charmant tantôt nocif. C’est alors que s’installe un climat plutôt malaisant autour de Stéphane (Laure Calamy), cette modeste ouvrière un brin naïve, qui a juste envie de faire partie d’une famille et souhaite par-dessus tout retrouver son paternel jusque-là absent de sa vie.
Dans cette atmosphère volontairement lourde et toxique, le spectateur est sollicité en permanence par l’identité exacte des protagonistes à travers un jeu de faux-semblants, de nombreux rebondissements et de dialogues percutants alimentés par une pointe d‘humour noir. D’un point de vue plus technique, la direction photo est très soignée, la direction artistique a été étudiée avec précision jusqu’au moindre détail. Pour évoquer l’art du mensonge, nous retrouvons au montage, la technique du fameux « split screen » qui souligne parfaitement la solitude, l’écart et les différentes perspectives des personnages comme dans un bon film de Brian de Palma.
Comme dans un véritable roman d’Agatha Christie, nous sommes saisis par un combo de révélations très surprenantes et plutôt réussies, malgré une résolution sans réelle transition. Sébastien Marnier critique ici la grande bourgeoisie et son appétit féroce pour la surconsommation compensatoire ainsi que ses lourds secrets qui peuvent anéantir une famille au grand complet. Le récit oscille entre la caricature (les achats compulsifs de l’épouse, la ténébreuse domestique) et le malaise qui se crée au fur et à mesure que nous avançons dans le récit.
Le casting a été sélectionné avec soin. Nous retrouvons Laure Calamy dans un rôle plus décalé que ses précédents mandats. Elle est soutenue par la brillante Suzanne Clément que nous retrouvons dans cette coproduction franco-canadienne. On ne présente plus Jacques Weber très convaincant dans le rôle du patriarche, ou Dominique Blanc, excellente dans son rôle d’épouse fantasque et d’acheteuse compulsive.
En outre, L’Origine du Mal nous amène vers quelque chose de très sombre et nous force à réfléchir sur le véritable sens de son titre. L’argent, le mensonge, la trahison sont parmi les pistes proposées pour nous faire remonter aux origines de ce mal incarné. Une famille est supposée se soutenir et s’entraider. Ici, nous donnerions tout, à l’inverse de Stéphane, pour prendre nos jambes à notre cou.
L’origine du mal est présenté à Cinemania les 10 et 12 novembre 2022.
Bande-annonce
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