«— Zach m’a demandé de faire esco pendant la F-1.
— Hiiii! Ça veut dire qu’on va work ensemble?
— Ben non, j’ai pas dit oui.
— Dis oui. »
Noémie, une adolescente impétueuse de 15 ans, vit dans un centre jeunesse depuis trois ans. Lorsqu’elle perd tout espoir d’être reprise par sa mère, Noémie fugue du centre en quête de repères et de liberté. Elle va rejoindre son amie Léa, une ancienne du centre, qui l’introduit dans une bande de délinquants. Bientôt, elle tombe amoureuse du flamboyant Zach qui s’avère être un proxénète. Fin stratège aux sentiments amoureux ambigus, Zach incite Noémie à se prostituer. Récalcitrante au départ, Noémie dit oui.
Avec Noémie dit oui, Geneviève Albert plonge le spectateur dans les coulisses de la prostitution juvénile et d’une réalité peu abordée des grands événements comme le Grand prix du Canada.
On ne se le cachera pas, Noémie dit oui traite d’un sujet dur, mal connu et délicat. En effet, la prostitution juvénile est mal connue et souvent sous-estimée. Pour en traiter, Geneviève Albert utilise un angle différent en situant le regard du spectateur ailleurs que sur la « victime ». Par exemple, lors des scènes de prostitution, elle a choisi de pointer sa caméra vers les clients plutôt que sur Noémie. Ainsi, elle porte le regard sur les complices de l’abus plutôt que sur la fille qui la subit. S’ils jouissent habituellement d’une invisibilité dans la société, les clients sont de chair et de sang dans ce film : ils ont un visage, un corps, une voix. Certains ont l’air plutôt corrects et d’autres ont l’air de gros salauds.
Ces scènes qui se déroulent lors du seul weekend de prostitution de Noémie montrent surtout la violence du nombre. Un décompte du nombre de clients s’affiche après certaines visites. Ainsi, le spectateur peut réaliser que l’horreur ne tient pas seulement dans la violence physique que pourrait recevoir la fille, mais aussi dans la quantité effarante de relations sexuelles qu’elle doit avoir en une seule journée. Ou 3, dans ce cas-ci.
D’ailleurs, on assiste à plusieurs de ces rapports sexuels. Ce parti pris de la répétition conjuguée à une mise en scène frontale permet de montrer efficacement que les clients (des hommes) sont concrets, ordinaires, et nombreux.
De plus, la caméra ne lâche pas la jeune fille pendant toute la durée du film. On reste collé contre elle, contre ses vacillements, ses furies, son corps frêle, son souffle court. On demeure aux premières loges de tout ce qu’elle traverse et qui la transperce. Ça peut rendre l’expérience difficile pour certaines personnes.
La réalisatrice a pris le pari de garder une lumière dans son film. Un angle positif, trop positif à mon avis. Au-delà de l’espoir que Noémie conserve tout au long du film, c’est la fin qui est vraiment décevante. La réalisatrice termine son film sur une note trop positive, ce qui tue carrément son message. On reste avec l’impression qu’au final, il est facile de se sortir de cette prostitution.
En comparaison, par exemple, une série comme Fugueuse crée une plus grosse prise de conscience chez le spectateur. La violence est présente et la manipulation est aussi plus montrée. Dans Noémie dit oui, outre la quantité dérangeante de clients que reçoit la jeune femme, il y a peu de moments choquants.
Je comprends le choix de la réalisatrice. Mais, encore une fois, le message est édulcoré et on en ressort surtout avec l’impression que des événements comme le Grand prix du Canada devraient être arrêtés. Ce qui reste un message important lorsqu’on sait ceci :
« Si j’ai choisi d’établir mon histoire pendant le Grand Prix, c’est parce qu’il s’agit de la période la plus achalandée en ce qui concerne le tourisme sexuel à Montréal. Durant cette fin de semaine, les centres jeunesse peinent à retenir les adolescentes qui fuguent pour aller combler la demande en services sexuels. De nombreuses jeunes filles s’y prostituent pour la première fois. Comme Noémie. J’ai donc trouvé intéressant de camper ce film dans un cadre sociétal plus large et de transformer le drame personnel de Noémie en un constat accablant sur le plan collectif. Cet évènement sportif m’a aussi grandement inspirée sur le plan formel. Les courses de monoplaces, c’est le vacarme incessant des voitures versus le silence de la chambre d’hôtel; c’est la médiatisation à grande échelle de l’évènement versus l’invisibilité de la prostitution; ce sont les fastes festivités versus le drame reclus de Noémie. »
Zach propose rapidement à Noémie d’être escorte le temps d’un weekend. Noémie dit non longtemps avant de finir par accepter. Clairement, elle décide de le faire pour se venger de l’abandon maternel qu’elle subit. J’imagine que c’est effectivement comme ça que beaucoup de filles se retrouvent dans cette situation.
Et oui, malgré le côté trop soft de Noémie dit oui, ça reste un film dur à regarder, car la situation qu’il dépeint est fâchante, brutale et dérangeante.
Noémie dit oui est présenté à Cinéfranco, le 6 novembre 2022.
Bande-annonce
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