« Non! Je veux te sauver, toi! Je peux toujours avoir un autre enfant. »
Une lycéenne s’est suicidée. La vérité est inconnue. Pourquoi l’incident s’est-il produit?
Une cicatrice qui s’est discrètement creusée dans ce qui semblait être une vie quotidienne normale. Une mère qui ne sait pas aimer et une fille qui veut être aimée. Elles devraient se remémorer à peu près la même époque et le même événement, mais leurs histoires divergent peu à peu… Les terrifiants secrets dont la mère et la fille parlent chacune – les deux aveux tournent l’incident à 180 degrés, et finissent par conduire à une fin choquante.
Avec Motherhood (母性), Ryuichi Hiroki s’attaque à un tabou fort : l’amour inconditionnel d’une mère pour sa fille. Avec ce film, il questionne, choque, bouleverse et offre une œuvre forte.
La société est remplie de tabous. Un peu plus tôt cette semaine, je vous parlais de Altri cannibali qui, lui aussi, traitait d’un tabou : le cannibalisme. Mais avec Motherhood, le réalisateur japonais s’attaque à un tabou probablement encore plus grand avec la maternité. Ou plutôt avec la notion qu’une mère peut ne pas aimer sa fille.
Rumiko (Erika Toda) aime beaucoup sa mère Hanae (Mao Daichi), mais qui est incapable de ressentir la même chose pour sa fille Sayaka (Mei Nagano). Il y a d’ailleurs une phrase assez marquante prononcée par la maîtresse du père de Sayaka. Elle dit qu’il y a deux types de femmes : les mères et celles qui veulent avoir une mère. Dans le fond, elle suggère que Hanae était une mère, alors que Rumiko est incapable d’être une mère, car elle n’est en mesure d’être qu’une chose à la fois et que, comme elle aime sa mère plus que tout, elle ne peut pas être une mère pour Sayaka.
La notion est perturbante, choquante, et pour la jeune femme, destructrice. On le sait, un enfant ne veut qu’une chose : plaire à ses parents et en être aimé au-delà de tout. Et de façon générale, c’est ce qui se produit. Mais dans son film, Ryuichi Hiroki, joue avec l’esprit de la tragédie grecque pour montrer qu’il arrive que des mères soient incapables d’aimer leur enfant.
N’est-ce pas là une pensée terrifiante pour un homme que d’imaginer qu’il seraient concevable que la femme avec qui il fera un enfant ne serait pas en mesure d’aimer cet enfant?
Raconté à la fois du point de vue de Rumiko et de Sayaka, Motherhood analyse la psychologie des deux femmes, mettant à nu les fractures qui empêchent l’affection de se transmettre à travers la lignée familiale. C’est une histoire triste, mais qui laisse place à la compassion et à la tendresse au milieu de la dureté.
Le réalisateur laisse aussi le soin du jugement au spectateur. C’est une façon efficace de l’amener à réfléchir sur la société japonaise et sur ce qui devrait évoluer, encore de nos jours.
Ce double point de vue montre aussi qu’à toute vérité, il y a une zone grise. Qui de Sayako ou de Rumiko dit la vérité? Ou, à tout le moins, laquelle a un souvenir juste de chaque événement? Il serait facile de juger Rumiko, surtout dans la scène de l’incendie. Pourtant, on hésite à le faire. Et ça, c’est tout à l’honneur du réalisateur.
De par ses choix visuels, Hiroki affiche une sensibilité particulière, mais très évocatrice. Par moment, son film prend une esthétique de maison de poupée, d’une beauté ordonnée et fragile. Par moment, il prend des tons bleutés ramenant le spectateur dans une atmosphère plus tragique. Hiroki parvient aussi à dresser un portrait différent de la passion frustrée de chaque interprète principal. Nous sommes habitués à supposer que le parent et l’enfant doivent s’aimer, au moins d’une certaine manière.
Mais grâce à une histoire bouleversante sur la maternité entre une mère qui ne sait pas aimer et une fille qui veut être aimée, Motherhood remet en question cette hypothèse et assez puissante pour susciter la plus profonde sympathie.
Motherhood est présenté au VIFF les 5 et 7 octobre 2022.
Bande-annonce
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