« Je pense que toutes les bonnes choses arrivent par accident
– Janet Werner»
Au fil du temps, une ancienne usine de pâtes Catelli, située au confluent de La Petite-Patrie, du Mile-End et de la Petite-Italie, est devenue le refuge de nombreux artistes de renom. Un lieu de création important pour la peinture contemporaine montréalaise. Les rencontres fortuites, la proximité et les échanges qui y ont lieu enrichissent leur œuvre respective. Mais la spéculation immobilière à causé l’évincement d’artistes de l’atelier, précarisant leur pratique. Dans l’optique de lutter pour créer et créer pour lutter : ce documentaire nous ouvre la porte de ces lieux inspirants, qui bientôt ne le seront plus. Un voyage dans l’esprit de la création — malgré tout.
Maxime-Claude L’Écuyer est un réalisateur, scénariste et monteur avec sept courts métrages de fiction à son actif dont Zsofika qui a été récompensé par 8 prix en festival. Toute l’essence de son travail porte principalement sur l’absence et la mémoire. D’ailleurs, avec 305 Bellechasse, son premier long métrage documentaire, la mémoire est évoquée. Celle d’un lieu capté tout juste avant la vente de l’édifice. Même si l’objectif premier était de démystifier le travail des artistes puis de découvrir comment chacun se débrouille pour détourner les aléas de la création, ce documentaire trace définitivement le portrait du lieu, de son histoire et de son importance.
Chaque atelier est un personnage avec sa propre couleur et le bâtiment est le grand personnage qui les englobe tous, explique le réalisateur Maxime-Claude L’Écuyer.
L’immeuble au 305 rue Bellechasse est une belle grande bâtisse imposante, un vestige du siècle dernier. Sur quatre étages de briques rouges, avec ses angles droits, il passe un peu inaperçu dans l’environnement. Après avoir longtemps servi de manufacture, il a abrité des artistes, des architectes, des avocats, des designers. C’est le père d’Howard Shiff qui a acheté l’immeuble en 1948 pour y établir des ateliers de couture. Des années plus tard, Howard hérite de l’entièreté du bâtiment conjointement avec sa sœur au décès de leur père. Marc Séguin, l’un des artistes en arts visuels les plus connus du Québec, se cherchait un espace. Il a été l’un de ceux qui ont convaincu Howard Shiff de subdiviser ses grands espaces pour en faire des ateliers.
Cinq années ont servi au réalisateur pour regrouper ces images et ces témoignages. À travers un rythme de montage lent et pleinement assumé, nous plongeons littéralement dans chaque atelier. La caméra se promène, elle flotte doucement parmi les environs un peu secrets et difficiles d’accès en temps normal. En tant que spectateur, on se sent un peu privilégié. Nos yeux parcourent l’espace dans les moindres détails, nos pensées se perdent et se laissent bercer par la voix de chaque artiste qui présente son lieu, ses œuvres, sa méthode de travail. Les entrevues ont toutes été enregistrées de façon sonore, nous ne les verrons jamais à l’écran. C’est en quelque sorte un balado visuel qui favorise et encourage l’état méditatif. Le réalisateur a donc intentionnellement voulu créer cette intimité avec le spectateur face au travail des créateurs. Selon le cinéaste, « Il fallait donner toute la place aux artistes, offrir un moment de pause pour écouter ce qu’ils avaient à dire. Nous sommes bombardés dans la vie. Tout doit aller vite, tout doit se régler rapidement, il faut être performant. Est-il seulement possible de s’arrêter deux heures et d’absorber un film? »
Le 305 Bellechasse, ce lieu phare pour l’art contemporain, était un espace important pour la collectivité des artistes. Chaque atelier est à l’image de l’artiste qui l’occupe, on y retrouve leur quotidien, leurs défis dans le choix d’une vie créative également. Certains d’entre eux occupaient les lieux depuis 20 ans. Et 20 ans d’une vie, ce n’est pas rien. Les murs ont conservé les traces des œuvres passées, des œuvres en cours, des œuvres terminées ou mises de côté. Malgré tout, une page d’histoire s’est tournée. La famille Shiff a vendu son immense bâtiment à des promoteurs immobiliers. Il fait désormais partie d’un quadrilatère nommé « Îlot Bellechasse », faisant l’objet d’une vaste réflexion de la part de la Ville de Montréal et de l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie. À terme, un nouveau plan d’urbanisme doit être établi avec des projets de développement importants. L’évincement des artistes soulève un questionnement sur la pérennité des ateliers et des espaces créatifs à Montréal.
C’est un documentaire intime, vibrant et bienveillant qui lutte pour créer et qui crée pour lutter. Il reste un hommage à ce lieu si inspirant qui désormais, ne sera plus.
Avec la participation de Marc Séguin, Sylvain Bouthillette, Jean-Benoît Pouliot, Christine Major, Nicolas Grenier, David Elliott, David Lafrance, Alexis Lavoie, Janet Werner et Eliza Griffiths.
Bande-annonce
Canada | 2022 | 6 min – Français
Métaphore poétique, ce court-métrage aux images hypnotiques, illustre le bouleversement intérieur d’une rivière durant sa course inexorable vers sa disparition dans l’océan. En superposant des images d’eau vive aux mots du poète Khalil Gibran, la cinéaste propose un moment de méditation sur le parcours vers la disparition.
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