The Souvenir Part I : Au début des années 80, Julie, une jeune étudiante en cinéma qui se cherche encore, rencontre Anthony, un « dandy » aussi charismatique que mystérieux. Prise sous le charme de cet homme plus âgé, elle se lance aveuglément dans ce qui s’avère être sa première véritable histoire d’amour.
The Souvenir Part II : Sortant durement éprouvée de sa liaison avec Anthony, homme séduisant et manipulateur, Julie a une idée un peu folle : et si elle consacrait son film de fin d’études à cette douloureuse histoire d’amour ? Peut-on vaincre ses blessures en mettant en scène un épisode de sa propre vie ?
Impossible de ne pas rester fasciné par le geste cinématographique de Joanna Hogg qui se remémore ses jeunes années, quarante ans plus tard, à travers « The Souvenir Part I & II ». Aujourd’hui, cette cinéaste Londonienne est reconnue depuis plus de dix ans en Angleterre. Entourée de Martin Scorsese comme producteur, elle s’est inspirée de son propre vécu pour raconter ce récit intimiste ancré à Londres au début des années 1980. « The Souvenir, Part I & II » sont donc des œuvres très personnelles qui peuvent fonctionner aussi bien conjointement que séparément. Cependant, ensemble, ils offrent une unité et une complémentarité qu’il serait dommage de n’en voir qu’une moitié seulement.
« The Souvenir. Part I » fait resurgir dans le souvenir et la mélancolie une histoire d’amour toxique et tourmentée qui se noue entre Julie (Honor Swinton Byrne), une jeune étudiante en cinéma naïve et retranchée derrière son appareil photographique, et Anthony (Tom Burke), un « dandy » aussi séduisant que mystérieux. Julie incarne ainsi l’ignorance des privilèges des classes moyennes et supérieures sous les traits d’une étudiante financée par sa famille qui veut et croit être capable de vivre en dehors de sa bulle. Anthony, quant à lui, a au tout début une influence plutôt positive sur elle, mais au fur et à mesure du récit, sera incapable de garder ses deux vies séparées. Il laisse place à un personnage perfide, mythomane et cleptomane. Ainsi, tranquillement, la toxicité de la relation se révèle, s’imprègne et détériore cet amour pur et innocent au sein du couple.
À travers cette psychanalyse cinématographique, Joanna Hogg se livre avec une subtilité remarquable soutenue par la très belle photographie de David Raedeker. L’œuvre comporte des couleurs très pâles, légèrement brumeuses avec un petit effet poudré. Nous suivons à travers cet effet de nostalgie transporté par l’énergie de la musique des années 80, un amour qui semble concilier modernité et état semi-chimérique destructeur. Julie s’engouffre dans un désespoir malsain malgré la sincérité de son amour. Même si ce lien permet à notre jeune héroïne de s’épanouir comme une femme, il bouscule aussi sa vie, ses études et son univers. Hogg met ainsi en lumière cette part d’obscurité qu’elle porte en elle depuis si longtemps, comme un filet de lumière à travers les ténèbres; on retrouve dans le second acte indissociable, cette mise en bouche bouleversante.
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Dans « The Souvenir Part II » nous cueillons donc Julie au moment du deuil. On joue en permanence sur des sous-entendus et des non-dits, ce qui nous incite forcément à nous demander si on a loupé quelque chose. Cette deuxième œuvre riche et foisonnante mêle différents genres, et même différentes tonalités cinématographiques. Sous l’œil de la caméra de David Raedeker encore une fois, Hogg parvient à reprendre la thématique qu’elle avait commencé à développer dans son premier volet : le fait que le vécu et la réalité sont parfois différents comme le personnage d’Anthony pouvait le vivre. Nous pouvons alors nous demander si la réalité telle qu’elle est perçue fait vraiment du sens. « The Souvenir. Part II » illustre magnifiquement combien la traversée du deuil, aussi infernale et tourmentée soit elle, pourra permettre l’éclosion d’une vocation artistique de notre héroïne tout en se montrant nourricière dans l’élaboration de son œuvre.
Comme le souvenir d’un mauvais rêve, « The Souvenir. Part II » clôture cet amour à présent cicatrisé et immortalisé à tout jamais sur la pellicule. Un premier amour ne s’oublie pas.
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