« — D’où tu viens comme ça?
— Je m’entrainais avec Madame Sophia.
— Qu’est-ce que tu trafiques? Tu veux nous apporter des problèmes? »
Mica (Zakaria Inan), enfant issu d’un bidonville de Meknès, est propulsé comme homme à tout faire dans un club de tennis de Casablanca fréquenté par la bourgeoisie marocaine. Prêt à tout pour changer son destin, il se fait remarquer par Sophia (Sabrina Ouazani), une ex-championne qui le prend sous son aile.
Avec Mica, actuellement présenté partout au Canada dans le cadre du festival jeunesse de Cinéfranco, Ismaël Ferroukhi propose un conte sur un sujet sensible et grave, à l’intérieur d’un film plein d’espoir.
Qui dit cinéma jeunesse, dit cinéma cute et souvent animé. N’est-ce pas? Hé bien sachez qu’il y a de très bons films qui visent un jeune public. Mica entre dans cette catégorie.
En arabe, mica signifie « sac plastique ». En surnommant le jeune garçon Mica, on lui a retiré toute humanité, toute identité. Mica représente ces jeunes enfants marocains qui doivent travailler pour aider à nourrir leur famille. Son père étant très malade, il ne peut plus travailler.
Le choix du nom de l’enfant n’est pas un hasard. Le sac plastique est l’objet le plus vendu par les enfants pauvres dans les souks. Mais, c’est aussi parce que c’est polluant, un peu comme on voit les enfants des rues dans les sociétés des pays à fortes disparités sociales que ce soit en Afrique du Nord ou ailleurs. C’est aussi ce qui constitue l’essentiel des déchets dans les océans, et les enfants qui tentent la traversée de la Méditerranée finissent, malheureusement, souvent ainsi. L’image est franchement forte. Quand je vous disais qu’un film jeunesse pouvait être profond. 😉
Mica a donc deux choix dans la vie : traverser la Méditerranée au risque de sa vie et tenter sa chance en Europe; ou bien rester dans son pays et se battre pour s’en sortir. Mica est arraché de son milieu familial à la campagne pour travailler dans un club de tennis à Casablanca, où il va se confronter brutalement à un monde qu’il ne connaissait pas. Comme il doit subvenir aux besoins de sa famille, il devra accepter les humiliations et le mépris, sans se rebeller.
Mais le long métrage de Ferroukhi est aussi rempli d’espoir. Bien qu’aux yeux de la société, il n’existe pas en tant qu’enfant : Mica est un garçon résilient qui est prêt à se battre.
Pour montrer l’espoir et comment elle se développe chez l’enfant, le réalisateur utilise le passage du temps. Parce que pour que ce conte reste crédible, Mica doit être en mesure de cheminer et d’apprendre à jouer au tennis. On ne devient pas performant dans ce sport du jour au lendemain. Il y a donc quelques ellipses liées au sport ou à la langue qui permettent de faire passer du temps. On constate que Mica comprend et parle de mieux en mieux le français. Il comprend mieux les codes. Il a accepté aussi son enfermement.
Le film est bien fait pour qu’un enfant d’une dizaine d’années puisse s’identifier au personnage principal, et ce, même s’il n’est pas un marocain en situation de pauvreté.
Les choix d’utiliser la langue et le tennis pour montrer la situation sociale de Mica sont efficaces. Parler français au Maroc, c’est déjà faire partie d’une certaine élite. Beaucoup de gens modestes au Maghreb apprennent le français à leurs enfants. Ils savent que c’est important pour leur avenir afin qu’ils aient plus de chances de s’en sortir plus tard. Quant au tennis, il est souvent vu comme un sport d’élite. Et c’est exactement par la maitrise de ces deux choses que le garçon tentera de gravir les échelons de la société.
Je termine ce texte sur une citation du réalisateur qui explique pourquoi son film est porteur d’espoir, malgré ses thématiques très sombres :
« Pour moi, l’enfance est à la fois l’innocence et l’apprentissage, mais aussi un moment où tous les rêves sont possibles. Faire un film sur l’enfance me permet de rester dans la légèreté même dans les situations les plus graves. »
Ismaël Ferroukhi
Mica est présenté au Festival jeunesse de Cinéfranco, du 22 février au 9 mars 2022.
Bande-annonce
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