« Mais ta fille, elle est où? »
Deux femmes, Janis (Penélope Cruz) et Ana (Milena Smit), se rencontrent dans une chambre d’hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d’âge mûr, n’a aucun regret et durant les heures qui précèdent l’accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu’elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l’hôpital. Les quelques mots qu’elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d’une manière qui changera leur vie à toutes les deux.
Avec Mères parallèles, Pedro Almodóvar démontre, une fois de plus, qu’il est un maitre du septième art. Ici, il traite d’un de ses sujets fétiches, les relations humaines problématiques.
Un film d’Almodóvar, c’est toujours une image très travaillée, très léchée. Mères parallèles ne fait pas exception.
Ce qui est différent de ses autres films, par contre, c’est l’utilisation d’une photographie très lumineuse pour une histoire sombre. On peut surtout penser à l’appartement de Janis, qui est très colorée. L’utilisation de couleurs vives rappelle Les amants passagers (Los amantes pasajeros), une comédie de mœurs. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le visuel très vivant ne nuit aucunement à cette histoire plutôt tragique. Au contraire, s’ajoute au sentiment d’étrangeté. Et ça fonctionne. Il faut dire que le réalisateur espagnol a un talent pour s’entourer d’actrices prolifiques.
Mères parallèles met en scène deux femmes abandonnées par leur mère respective. Chacune, à sa manière, aura su utiliser sa force de caractère pour surmonter les obstacles. C’est au moment de donner naissance que ces deux personnages extraordinaires se rencontrent. Dès lors, le réalisateur place ses pions.
À l’instar de sa propre mère et de sa grand-mère, Janis affronte avec énergie et en solitaire sa future maternité. Elle a toujours voulu être mère et bien qu’elle n’en ait pas choisi le moment, elle ne veut pas laisser passer cette opportunité. Sa grand-mère a été sa seule famille et Janis ressent le besoin d’être mère, de créer une famille.
Ana a 17 ans, et elle est apeurée et traumatisée face à sa maternité imminente. Janis s’apitoie sur elle et, à partir de ce moment-là, agit comme une mère pour Ana. Toutes les deux seront mères célibataires, tombées enceintes par accident. Une fois sorties de l’hôpital, elles vont mener des vies parallèles.
Malgré ces éléments qui appartiennent au mélodrame, Mères parallèles tombe rapidement dans le suspense psychologique, à partir du moment où les deux femmes se recroisent dans un café. Ces retrouvailles fortuites ont un parfum de Patricia Highsmith et d’Hitchcock. D’ailleurs, la musique n’est pas sans rappeler les films d’Hitchcock.
Je ne vais, évidemment, pas raconter le film en entier. Mais les deux femmes développeront une relation ambigüe qui mènera le spectateur aux confins de l’âme meurtrie des personnages. Pour Penélope Cruz, incarner Janis a été un véritable tour de force. Pendant une grande partie du film, son personnage agit avec une double intention. Tous ses actes sont marqués par la contradiction dans laquelle elle vit et par la peur. Cette contradiction très difficile à interpréter donne au spectateur une magnifique occasion d’apprécier le talent de l’actrice. Quant à Smit, elle offre une performance empreinte d’une incroyable vérité. Son innocence et sa pureté sont le contrepoint parfait, devant la plus sombre Janis.
Les charniers franquistes sont un sujet important que le réalisateur utilise brièvement tout au long du film. Un sujet traité en surface, mais qui a toute son importance à la fin du long métrage.
« Malgré le côté tragique de notre passé – la guerre civile –, le film entre dans une zone d’apaisement et d’émotion. Il n’y a ni règlements de comptes, ni sentiment de revanche dans les témoignages des proches des victimes. À la fin du film, les membres de l’ONG qui ont ouvert la fosse commune ainsi que quelques parents des victimes s’allongent au fond de la fosse qui a été vidée, en adoptant la posture dans laquelle ont été retrouvés les cadavres : l’hommage des vivants aux morts. »
Effectivement une belle façon pour le réalisateur de toucher un sujet sensible sans créer de polémique.
Mères parallèles arrivera enfin en salles, lui qui devait sortir juste après The human voice. Je vous encourage à aller le voir!
Bande-annonce
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