« One does not create by adding, but by taking away. »
[On ne crée pas en ajoutant, mais en retirant.]
Mettant en scène sept histoires de sept auteurs du monde entier, le film raconte ce moment sans précédent, et est une véritable lettre d’amour au pouvoir du cinéma et de ses conteurs.
The Year of the Everlasting Storm est un film d’anthologie américain, réalisé par Jafar Panahi, Anthony Chen, Malik Vitthal, Laura Poitras, Dominga Sotomayor, David Lowery et Apichatpong Weerasethakul. C’est aussi une œuvre mémoire de cette interminable année de confinement provoquée par la Covid19.
Les cinéastes Jafar Panahi (Iran), Anthony Chen (Singapour), Malik Vitthal (États-Unis), Laura Poitras (États-Unis), Dominga Sotomayor (Chili), David Lowery (États-Unis) et Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande) collaborent à ce projet collectif présenté en séance spéciale au Festival de Cannes. Et qui sera présenté en exclusivité au Cinéma du Musée.
Non, The Year of the Everlasting Storm n’est pas un film joyeux. Par contre, il raconte merveilleusement la réalité qu’a vécue toute la planète. Chaque court film représente un sentiment différent.
Le premier film, celui de Jafar Panahi, montre une forme de résilience. Malgré la situation difficile, la famille de Jafar reste unie, mais d’une façon différente à ce que ses membres sont habitués. On y voit aussi la pensée de bien des personnes âgées. L’aînée de la famille ne veut pas mourir avant de revoir ses enfants et surtout ses petits-enfants. Vêtu d’une tenue qui nous aurait semblé sortie d’un film de science-fiction il y a à peine 2 ans, la femme rend visite à sa fille. Ce film met en relation la vieillesse et la jeunesse, la naissance et la mort.
Le second film, d’Anthony Chen, montre une jeune famille qui souffre du confinement. Le manque de travail, l’impossibilité de sortir, le travail de la maison et surtout, un couple qui n’a pas l’habitude d’être ensemble 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Rester coincé dans un petit appartement, à 3 (ou plus), a été la cause de beaucoup de séparation l’année dernière. C’est ce que montre ce film. Je dois souligner la magnifique performance de la jeune actrice.
Le court métrage de Malik Vitthal, quant à lui, nous montre un père de famille qui a perdu ses enfants à cause des bêtises qu’il a commis étant plus jeune. Maintenant, il tente de rester en contact avec eux, qui vivent chacun dans une famille d’accueil différente. Et ce n’est pas évident lorsqu’on ne peut pas s’approcher physiquement de ceux qu’on aime.
Laura Poitras offre quelque chose de complètement différent des autres. En format documentaire, elle retrace l’enquête complexe qu’ont menée un groupe de journalistes sur une entreprise qui espionnait les gens grâce à leurs téléphones intelligents.
Le cinquième film, de Dominga Sotomayor, nous amène au Chili, alors qu’un couple cherche une excuse légale pour sortir, pendant le confinement, afin de voir leur neveu, tout juste né, à la maison.
David Lowery, lui, propose un film sombre, d’un homme qui part à la recherche du corps de son petit frère, enterré quelque part par leur père avant de se faire arrêter. Je dois dire que ce segment ne semble pas tout à fait s’insérer dans le reste du film de façon logique. Le seul lien réel est la solitude. Mais bon… Le segment reste vraiment captivant.
Finalement, Apichatpong Weerasethakul déstabilisera le cinéphile le plus averti avec son hypnotisant film qui met en scène un lit, une main, et un tas d’insectes… Je ne sais pas pourquoi, mais c’est probablement le film qui a le plus suscité d’émotion en moi. Et j’en suis encore perturbé.
Il y en a des courts métrages qui se sont cassé le nez en essayant de traiter de la pandémie de Covid19. Le manque de recul est certainement un des éléments qui y contribue. Mais The Year of the Everlasting Storm réussit là où la grande majorité ont échoués. Pourquoi? Voyons voir…
Le point principal vient probablement du fait que les autres ont surtout tenté de montrer les effets de la pandémie et du confinement sur les villes. Mais de regarder pendant 10 minutes des grandes villes désertes, sans réelle mise en scène, ça devient rapidement ennuyant et inintéressant. Mais, ici, l’accent est plutôt mis sur les personnages, sur la vie. C’est donc l’émotion qui prend le dessus sur le simple vide extérieur.
2020 n’est pas très loin derrière. Et pourtant, on a parfois l’impression que ça fait des années, qu’il s’agit d’un lointain souvenir. Ce sentiment nous frappe à plusieurs reprises pendant le film. C’est étrange, car même après tout ce temps en confinement ou en semi-confinement, on dirait que je ne le réalise pas toujours. Peut-être est-ce là l’intérêt réel du sixième segment. Il nous rappelle que tout le reste est bien réel et que c’était la triste réalité. Je parle au passé, mais ce qui s’est produit en 2019-2020 se poursuit toujours en 2021. La situation est différente, mais nous sommes toujours coincés dans cette pandémie qui ne semble jamais vouloir nous laisser tranquilles. Vous vous rappelez de la dernière fois où vous avez été à l’épicerie sans porter un masque?
En 2020, combien de gens se sont ennuyés de leur famille, combien de couples se sont séparés, combien de familles brisées, combien de gens sont morts? The Year of the Everlasting Storm représente la mémoire de ce qui s’est passé, de ce qui se passe. Espérons qu’un jour ce ne sera plus qu’un souvenir.
En attendant, vous pouvez toujours regarder ce long métrage pour ses qualités : sa qualité visuelle, ses histoires bien écrites et réalisées, et son côté touchant de par ses thèmes doux-amers.
Note : 8.5/10
Bande-annonce
Titre original : The Year of the Everlasting Storm
Durée : 121 minutes
Année : 2021
Pays : États-Unis
Réalisateur : Jafar Panahi, Anthony Chen, Malik Vitthal, Laura Poitras, Dominga Sotomayor, David Lowery et Apichatpong Weerasethakul
Scénario : Collectif
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