« T’as dépensé les vingt balles dans de la bouffe pour chat? »
Jean-Gab (David Marsais) et Manu (Grégoire Ludig), deux amis simples d’esprit, trouvent une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture et se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent avec.
L’artiste de musique électronique (alias Mr. Oizo) et réalisateur français Quentin Dupieux est de retour sur nos écrans avec son tout nouvel opus intitulé Mandibules. Il s’agit d’une comédie sincère et légère sur l’amitié, mais qui reste aussi, grâce à la présence d’une mouche géante au cœur du récit, un film improbable qui navigue entre le fantastique et la crétinerie. Auparavant, les films de Quentin Dupieux étaient connus pour leurs univers très farfelus avec entre autres un pneu tueur en série ou des individus qui tombent amoureux d’une veste en daim. Il faut reconnaître que c’est l’un des rares cinéastes qui sait détourner les codes habituels de la Comédie-Française contemporaine en y intégrant sa propre manière de concevoir l’absurde.
Cette fois-ci, le metteur en scène nous partage son univers déformé avec une certaine cohérence et une bonne crédibilité tout au long de son œuvre, ce qui pourra satisfaire un plus large public. Après plusieurs comédies sombres où s’accumulent les cadavres (Steak, Rubber, Réalité ou Le Daim), Mandibules est également son premier film sans décès à l’écran!
« Depuis mes débuts, j’ai le sentiment de creuser un sillon qui m’appartient totalement : réalités déformées, rapports humains tordus à l’infini, portraits surréalistes de notre société, délires enfantins et profonds… Avec Mandibules, j’abandonne enfin la mort pour m’intéresser à la vie » raconte le cinéaste.
Cependant, d’éternelles questions persistent. Est-ce que ce film pourra convaincre les personnes qui ne sont pas habituées aux concepts déjantés imaginés par Quentin Dupieux? À l’inverse, si vous faites partie des admirateurs de ce prolifique réalisateur français, est-ce que cette nouvelle comédie en vaut la peine? Quelques points qui pourront peut-être vous encourager à le visionner.
Mandibules, c’est avant tout un festival d’influences cinématographiques avec entre autres E.T, l’extraterrestre de Spielberg ou La mouche de Cronenberg où l’on retrouve des personnages qui s’attachent en fin de compte à la créature qu’ils doivent cacher. Également à Dumb & Dumber de Peter Farrelly pour les mésaventures de deux crétins finis qui se retrouvent propulsés contre leurs grés dans une affaire semi-mafieuse. Mais aussi à Pulp Fiction de Quentin Tarantino pour toutes les virées en voiture et la principale mission de récupération d’une mallette au contenu mystérieux. Et enfin, No Country for Old Men des frères Coen pour l’atmosphère pleinement revendiquée par Dupieux.
Si vous aimez les grands espaces ensoleillés, le doux chant des cigales et l’huile d’olive sur vos tomates/mozzarella, sachez que Mandibules est tourné quasi intégralement en extérieur dans les magnifiques paysages du Var en France. D’ailleurs, ce film nous confirme le goût très prononcé du cinéaste pour les road movies. De plus, nos deux individus « losers attachants » sont habillés comme des éternels touristes en vagabondant dans leur voiture volée entre plages, routes sauvages, caravane vétuste pour finir se prélasser dans une villa autour d’une piscine pour une plus courte durée.
Parce que Quentin Dupieux sait toujours bien s’entourer avec une distribution de qualité, notamment avec son duo du Palmashow Grégoire Ludig/David Marsais en filmant leur complicité et leur légèreté avec beaucoup de bienveillance. On retrouve également Adèle Exarchopoulos (récompensée à Cannes en 2013 pour sa prestation dans La Vie d’Adèle, gagnant de la Palme d’or, d’Abdellatif Kechiche) avec un personnage quelque peu surprenant. Elle excelle ici dans un registre comique aux frontières du malaise. De même, s’ajoute à ce casting hilarant : Bruno Lochet (venu du théâtre et de la troupe des Deschiens), India Hair (révélée dans des comédies d’auteur de Noémie Lvovsky) et Coralie Russier (dans les césarisés pour 120 battements par minute).
Mais pour la bestiole, bien sûr! Dupieux collabore une fois de plus avec l’Atelier 69 pour mettre au point le design de cet insecte. Il y a eu plusieurs moulages pour arriver à la version qu’on voit dans le film et un gros travail autour de la sculpture et des proportions pour fabriquer la mouche. Cette sculpture est devenue une marionnette avec un marionnettiste (David Chapman) qui la faisait bouger en gardant ses mains à l’intérieur. Les pattes de la mouche sont animées en numérique.
« C’est un mix de très vieilles méthodes, à la Dark Crystal, mélangées à la 3D la plus high-tech d’aujourd’hui. Sans être contre la 3D, je trouve ce mélange bien plus intéressant… » ajoute le réalisateur.
Rassurez-vous, nous restons quand même dans l’absurdité, car, trouver une mouche géante dans le coffre d’une voiture volée et tenter de la dompter afin qu’elle puisse braquer des banques ne sont pas les seuls éléments saugrenus de Mandibules. Sans trop voler de punch, dans son ensemble, le scénario enchaîne plutôt bien les événements de façon tout à fait incongrue mêlant discorde, malentendu et débilité profonde.
Pour la durée du film! Seulement 1h17. Mais si, je vous assure! C’est un argument valable ! Bon, soit, je viens de finir la trilogie de Godfather (Le Parrain) de Francis Ford Coppola avec au total 583 minutes soit 9 heures 43 minutes de visionnage. 1h17, ça passe très bien après coup!
Quentin Dupieux nous prépare déjà un nouveau film invraisemblable intitulé : Incroyable mais vrai avec Alain Chabat, Léa Drucker et Benoît Magimel. Il devrait voir le jour d’ici la fin de l’année 2021, mais en attendant, la mouche géante s’envole au cinéma à partir du 9 juillet chez nous. Ne la ratez pas!
Extrait d’Au Poste!, sorti en 2018 où l’on retrouve Grégoire Ludig avec Benoît Poelvooorde :
Note : 7.5 /10
Bande-annonce
Titre original : Mandibules
Durée : 77 minutes
Année : 2020
Pays : France/Belgique
Réalisateur : Quentin Dupieux
Scénario : Quentin Dupieux
© 2023 Le petit septième