« Et si la conscience de soi, la compassion et la pensée n’étaient pas le propre de l’humain? »
La baleine et le corbeau, de la réalisatrice Mirjam Leuze, met en relief les nombreux enjeux qui ont poussé les scientifiques, la Première Nation Gitga’at et le gouvernement de la Colombie-Britannique à s’engager dans un conflit complexe. Alors que la population de la forêt pluviale du Grand Ours lutte pour protéger son territoire contre la pression et les promesses de l’industrie gazière, les êtres innombrables qui habitent cette région se trouvent pris en otages.
À l’aide d’un récit animé, d’images spectaculaires et d’un environnement sonore composé d’enregistrements tirés du milieu naturel, La baleine et le corbeau, de Mirjam Leuze, brosse le portrait d’un remarquable écosystème marin.
La baleine et le corbeau nous amène sur l’île Gil, une terre inhabitée avoisinant la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique, où un réseau de haut-parleurs diffuse, à la surface, les échos de l’univers sous-marin. Il relaie les appels envoûtants des baleines qui se mêlent ponctuellement au clapotis des vagues et aux cris des corbeaux. Le vrombissement sourd d’un moteur vient soudain perturber la tranquillité ambiante. Le chercheur, qui étudie les baleines résidentes, s’empresse de souligner qu’un seul bateau suffit à provoquer ce bruit discordant.
À ce moment, le spectateur se demande qui peut bien être cet homme étrange qui enregistre le son d’un bateau cargo. Et réalise éventuellement que cet homme n’est pas qu’un simple passionné de baleines, mais un scientifique qui travaille à s’assurer que ce lieu spécial est bien protégé. Les baleines à bosse, les groupes d’orques, les rorquals communs et les marsouins s’alimentent, jouent et élèvent leurs petits dans ce lieu aux eaux calmes et abondantes en ressources alimentaires. Cet endroit, c’est l’entrée Caamano.
Le documentaire nous amène tranquillement à découvrir ce lieu unique, les communautés qui y habitent depuis des centaines d’années et ce couple de chercheurs adopté par les Premières Nations. Pour la réalisatrice, il est clair que ces trois éléments sont indissociables.
La réalisatrice tente de se montrer objective. Et je crois qu’elle y parvient plutôt bien. Mais le fond reste clair : les pétroliers n’ont pas d’affaire là. Mais comment une femme d’origine allemande s’est-elle retrouvée à tourner un documentaire au sein des Gitga’at, aux confins de la Colombie-Britannique ? « Trente-cinq ans après mon oncle, le meilleur ami de mon mari, Hermann, a également quitté l’Allemagne pour venir s’établir au Canada. Avec sa conjointe de l’époque, Janie, il a érigé une station de recherche à l’île Gil, sur le territoire traditionnel des Gitga’at, à 110 kilomètres de Kitimat. »
C’est donc grâce à cette connexion que la réalisatrice a pu gagner la confiance des habitants et tourner, après plusieurs mois de négociations, son film. Leur entente comprenait la mise sur pied d’un comité consultatif et la création de possibilités d’emploi pour les habitants du lieu. Ils ont aussi convenu du partage des images afin que les Gitga’at puissent les utiliser dans le cadre de leurs travaux et d’autres engagements.
En fin de compte, le documentaire reconnaît l’importance des entreprises minières et pétrolières en tant qu’employeur. Mais on comprend assez bien que des emplois pourraient être créés autrement qu’en détruisant l’environnement marin. Comme l’explique Hermann : « C’est une communauté qui partage une côte : chacun s’organise sans agression ni crainte de sortir perdant. Ces baleines ont une conscience sociale, et elles sont en avance sur nous. »
Vous avez déjà vu une baleine à bosse ? Dans ce documentaire, on voit Janie et la réalisatrice sur la terre ferme, à une dizaine de mètres de ces mammifères marins. Les plans sont impressionnants et donnent envie d’y être.
Les deux chercheurs considèrent les baleines, qui font l’objet de leurs recherches, comme des êtres rationnels et bienveillants méritant le respect et l’égalité des droits. Disons qu’il s’agit là d’une idée à mijoter.
S’il y a une chose à garder en tête après avoir vu La baleine et le corbeau, c’est que cette inestimable beauté nous rappelle que notre planète ne doit désormais sa survie qu’aux attentions et à la compassion profonde que nous lui témoignerons, ainsi qu’à la vigilance dont nous ferons preuve à son égard.
Note : 8/10
Bande-annonce
Titre original : The whale and the raven
Durée : 101 minutes
Année : 2019
Pays : Canada
Réalisateur : Mirjam Leuze
Scénario : Mirjam Leuze
Article minutieusement révisé par Révizio inc.
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