Été 85 – Une romance funèbre qui flirte avec l’éphémère

« Quand on a choisi la mort comme passe-temps c’est qu’on est dingue. Attention, j’ai dit dingue, pas fou. Faudrait pas me prendre pour un détraqué.»

Été 85 - afficheL’été de ses 16 ans, Alexis (Félix Lefebvre), lors d’une sortie en mer sur la côte normande, est sauvé héroïquement du naufrage par David (Benjamin Voisin), 18 ans. Alexis vient de rencontrer l’ami de ses rêves. Mais le rêve durera-t-il plus qu’un été ? L’Été 85.

Été 85, un titre qui sent bon le sable fin, les côtes normandes, les walkmans dernier cri de chez Sony, les marinières Jean Paul Gaultier, les virées en scooters sans casque, les amours innocents sur un air de The Cure, le tout englobé d’un doux parfum macabre. 

Se relever de son premier naufrage afin d’affronter d’autres tempêtes

ÉTÉ 85 - Se relever de son premier naufrage
Alexis (Félix Lefebvre) et (Benjamin Voisin)

À travers le roman d’Aidan Chambers : Dance on my Grave (1983), Ozon nous plonge dans une dualité amour/mort sur des airs de carte postale nostalgiques des années 80. Même si sa lecture l’avait profondément marqué durant son adolescence, il l’a laissé dans son tiroir depuis un moment: il aura fallu trente-huit ans pour que ce roman soit adapté à l’écran. 

« J’ai lu ce roman en 1985, quand j’avais dix-sept ans, et je l’avais adoré. Il parlait intimement à l’adolescent que j’étais », confie le réalisateur dans le cadre d’une entrevue sur la présentation du film à Cannes. « Alex et David s’aiment et le fait que ce soient deux garçons n’est jamais vraiment le sujet. C’est pour ça qu’en tant qu’adolescent, je rêvais de voir ce film, car les représentations de l’homosexualité dans le cinéma des années 80 étaient très sombres, douloureuses, même avant l’arrivée du Sida » poursuit Ozon lors de l’entrevue.

Dès les premières minutes du film, nous retrouvons Alexis dans les couloirs d’un Palais de Justice, sur le banc des accusés. Un drame est arrivé. David, son amour, est décédé. Mais que s’est-il vraiment passé? 

Été 85 retransmet ainsi les pensées et les remords d’Alexis, racontant son histoire d’amour au vitriol qui ne dure qu’un été avec un beau jeune homme aux mèches rebelles qui l’a sauvé d’un naufrage. 

Appuyé par un récit singulier regroupant les paradoxes de la légèreté et de la gravité, on se laisse plonger dans cette histoire mêlée entre le fantasme et la fiction. « Est-ce qu’on invente toujours les gens qu’on aime ? » Qu’y a-t-il derrière ses propos ? Doit-on comprendre qu’Alexis romance ce qui lui est arrivé pour échapper à quelque chose ? 

Inventer celui qu’on aime en évoquant la vie du cadavre que l’on a aimé

ÉTÉ 85 - InventerÉté 85 doit se voir avant tout comme un film sur les sentiments d’un jeune garçon. Après tout, la véritable problématique c’est bel et bien la force du premier amour vécu durant un été. Au fur et à mesure que l’histoire se place, Ozon s’écarte bien vite de sa trajectoire première pour décrire le déchirement, la non-réciprocité des sentiments et la culpabilité d’un garçon naïf hanté par une promesse faite à un mort : aller, non pas cracher, mais danser sur sa tombe. En revanche, malgré l’expérience du réalisateur (Été 85 est son dix-neuvième film), la beauté et le fini des cadrages (filmé  en pellicule 16 mm), l’œuvre d’Ozon reste de temps en temps détachée au niveau de la profondeur de ses dialogues et de sa voix-off. Cette retenue laisse transparaître un aspect plutôt superficiel dans certaines scènes. Cependant, Félix Lefebvre (Alexis) et Benjamin Voisin (David) portent le film sur leurs épaules. Ils sont charismatiques, beaux et impétueux et nous livrent une performance épatante digne du duo Chalamet/Hammer tout aussi magnétique et bouleversant dans Call Me By Your Name de Luca Guadagnino.

« Le verbe le plus rare et le plus difficile : le verbe aimer. » Amélie Nothomb.
Hygiène de l’assassin (1992)

Le film sera disponible sur la plateforme de visionnement du cinéma du parc et du cinéma beaubien prochainement.

Note : 7.5 /10

Bande-annonce

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