Le Cubain – Lorsque la musique est le pont entre nos histoires

The cuban - afficheQuand une étudiante en médecine nommée Mina obtient son premier emploi dans une résidence pour aînés, une amitié imprévue avec Luis, un vieux musicien cubain, rallume son amour de la musique et change sa vie pour toujours. 

L’entrée dans le film est musicale et invitante. Le spectateur découvre, au son de la guitare et des percussions, des aquarelles de La Havane : architecture, voitures d’une autre époque, habitants enjoués. À la fin du générique, le décor change du tout au tout : on se retrouve dans une ville canadienne, plus précisément dans le hall d’une résidence pour aînés où les scènes de la vie quotidienne s’égrainent au son d’un piano. Rapidement, la routine des résidents fait place à celle du personnel médical et des aidants. La table est mise pour nous raconter une histoire : celle de Mina Ayoub et de Luis Garcia.

« Viens voir les comédiens, voir les musiciens »

The Cuban
Mina et Luis

Le Cubain est une histoire d’amitié, d’amour peut-être, de tendresse sûrement. Luis est un vieil homme atteint de démence qui dépérit; Mina veut tout faire pour le sortir de sa léthargie. Comment une préposée aux bénéficiaires, qui passe ses journées entre ses études de médecine et son emploi éreintant, qui a des dizaines de patients dont il faut s’occuper, va s’intéresser à un vieillard qui se mure dans son silence? Il a suffi d’un unique poster affiché dans un décor austère pour lui montrer que, malgré leur différence d’âge, de culture, de milieu social, ils étaient unis par l’amour du jazz cubain.

Le Cubain, c’est surtout lui, Luis, un musicien hors pair, aussi connu sous le nom d’El guitarrista, qui a joué dans les plus beaux clubs de La Havane, avant de partir à la conquête de New York. On sait au final très peu de choses de sa vie; on ignore complètement comment il est arrivé dans cette résidence. Pourtant, au fur et à mesure que Mina l’expose à la nourriture et à la musique cubaine, Luis reprend vie, naviguant entre réalité, souvenirs et fantasmes, sans toujours parvenir à en définir les contours. Cela nous permet en tant que spectateur de le suivre souvent dans La Havane des années 1960, notamment au son du fameux boléro du compositeur cubain Osvaldo Farres, « Quizas, quizas, quizas ». 

Si Luis nous touche autant, c’est notamment grâce à la sublime interprétation qu’en fait Louis Gossett Jr qui donne vie sous ses traits à un vieillard magnifique, touchant, un peu malicieux, mais surtout plein de tendresse. Mentionnons également la photographie de Celiana Cardenas, qui a magnifiquement su traduire les moments d’allégresse ou de désarroi que connaissait Luis, ou encore la complicité dans les regards que s’échangent le vieil homme et son aidante.

 « Trop d’histoire tue l’homme »

The cuban 2Du moins, c’est ce que disait Nietzche. Si cette affirmation porte à débat, ce que je sais, c’est que trop d’histoires peuvent aussi tuer un film. Un film, comme un poème, est bon quand il est cette faille dans laquelle on s’engouffre pour n’en sortir qu’à la toute fin. Il devient cependant moins bon quand on en est souvent sorti. C’est le principal reproche que je peux faire à Sergio Navaretta : il perd à plusieurs reprises le fil conducteur de son histoire et le résultat n’est pas toujours heureux. En effet, lorsque le réalisateur concentre son intrigue uniquement sur l’univers de Mina, la magie a du mal à opérer : son histoire d’amour avec Kris est sans grand intérêt, le mariage sans amour de sa cousine est traité de façon trop superficielle pour que l’on puisse se sentir réellement interpelé (il s’agit de toute façon d’une autre histoire), son enfance à Kaboul est à peine évoquée; on s’attache tout de même à sa relation avec sa tante, en grande partie grâce à la performance de Shohreh Aghdashloo qui est une très grande actrice.

Trop d’histoires tuent l’homme. Lorsque l’on regarde la vie de Luis qui s’éteint à petit feu, les souvenirs qu’il revit, sa relation brisée avec les siens, on ne peut être que d’accord avec ça.  On aurait bien aimé en connaître un peu plus sur ces histoires, notamment celles avec le fils de Luis qui nous apprend qu’« El guitarrista » n’a pas toujours été aussi charmant. Certes, on en sait peu sur son passé, mais son présent s’écrit dans les yeux de Mina et, en ceci, Navaretta a fait du très bon travail.

Un amour sans fausse note

The cuban 3Au cœur de cette histoire, il y a donc une relation parfaite. Parce qu’elle montre que la musique peut être le pont qui relie les solitudes. En rencontrant Luis, Mina n’a pas juste fait la connaissance d’un homme en perte de repères, elle a vu prendre vie sous ses yeux les chansons que lui chantait son père et qu’elle n’avait connues alors qu’à travers la voix de ce dernier ou les rayures de disques de vinyle.

Dans un contexte de tensions raciales exacerbées, notamment par toutes les horreurs des derniers mois, il est beau de voir une relation entre deux humains qui n’est jamais entravée par des considérations de couleur.

Dans un contexte de crise sanitaire où beaucoup de nos aînés nous ont quittés, et lors duquel ils n’ont été pour plusieurs que des chiffres faisant croître le nombre de décès liés à la COVID, il est beau de voir une jeune personne se soucier du bien-être d’une personne plus âgée, il est précieux de voir comment nos aînés peuvent être beaux, lumineux, remplis d’histoire, notre histoire.

Regarder Le Cubain dans un tel contexte nous remplit d’espoir. Et l’on sort de là en se disant que peut-être, finalement, ça va bien aller.

Note : 7/10

Le cubain est présenté au FIFBM du 23 septembre au 4 octobre 2020.

Bande-annonce

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