Surtout connu pour ses courts métrages, le réalisateur Brent Cote nous offre avec Tainted un second long métrage, treize ans après Zero Hour. Avec ce film, il nous emmène dans l’univers de Lance, un homme d’une violence inouïe qui sème la mort partout où il passe.
Le film s’ouvre sur le corps d’un homme gisant dans son propre sang. La caméra avance et dévoile à nos yeux la scène d’un véritable carnage, le tout accompagné d’une musique qui contraste avec la violence des images. Se succèdent ensuite plusieurs courtes scènes : les différentes pièces du puzzle se mettent en place. On saisit alors rapidement l’univers qui s’offre à nous : un monde de mafia, de drogue, de violence, mais aussi de musique.
Lance est l’anti-héros typique. Ancien prisonnier, tout autour de lui est glauque : son lieu de travail, son appartement, le bar qu’il fréquente. Très rapidement entre en scène Anna, sa voisine de pallier, jeune musicienne qui se produit dans ce même bar, et dont la voix et la guitare rythment l’intrigue. Ce cadre contraste avec celui de Greger, propriétaire d’une petite boulangerie, avec sa femme Adalina¹, qui vit dans une maison éclairée, spacieuse, luxueuse. Tout ceci n’est cependant qu’un écran qui cache la grande violence de cette sommité du monde interlope. Dès lors, on comprend que les deux univers ne peuvent que s’affronter.
Dans Tainted, les quinze premières minutes servent à l’agencement du décor. L’action prend beaucoup de temps à se mettre en place, et se poursuit sur un faux rythme qui nous fait sortir du récit à plusieurs reprises. Greger est contacté par Vladimir, un parrain de la mafia russe interprété par John Rhys-Davies, pour qu’il s’occupe d’un meurtre. Greger contacte à ce moment Lance, qui est l’homme de la situation, notamment à cause de ce passé qui lui colle à la peau et dont il tente de se défaire à plusieurs reprises. En effet, il est la personne idoine pour infiltrer un groupe néonazi, lui qui a une croix gammée tatouée sur la poitrine.
Ce faisant, Lance devient ce faux-frère qui salue d’une main pour mieux poignarder de l’autre. On assiste alors à une violence très graphique avec des combats au corps à corps, des échanges de coups de couteaux et de coups de feu. L’infiltré, seul contre tous, terrasse ses adversaires et s’en sort triomphant. On peut d’ailleurs regretter que Cote n’apporte pas d’éclairage nouveau sur ce type de figure bien ancré dans l’imaginaire : à aucun moment, on ne doute qu’il va réussir à s’en sortir.
En n’assurant pas totalement ses arrières, Lance laisse derrière lui un jeune garçon, témoin occulaire du massacre des néonazis. Face à cette « bavure », Greger, et avec lui tous ses hommes, n’ont d’autre choix que d’éliminer Lance : c’est la guerre! Je laisse bien sûr au spectateur le soin de découvrir la mise en scène de tout ce drame; j’aimerais revenir toutefois sur une scène qui l’illustre parfaitement à mes yeux. Anna se produit dans le bar. Elle ne quitte pas Lance des yeux tout au long de sa chanson, probablement persuadée qu’il est venu pour la voir. Lance disparait au milieu de sa performance; Anna le cherche du regard mais ne le trouve plus. À la fin de sa chanson, elle descend de l’estrade et se met à sa recherche, le spectateur l’accompagne dans cette entreprise. Anna entend des cris provenant des toilettes des hommes. Intriguée, elle ouvre la porte; s’offre à elle une vision sanglante, crue et désenchantée : celle d’un homme dont on fracasse la tête contre les murs des toilettes.
Un des intérêts du film de Cote est la partition qu’il fait jouer à ses actrices. Il leur donne des dialogues forts par lesquels elles refusent d’être de simples faire-valoir ou encore des demoiselles en détresse.
Lorsque Lance veut dire à Anna quoi faire, elle lui réplique qu’elle n’a nul besoin d’être sauvée, et encore moins de l’entendre lui dire comment vivre sa vie. Aussi, plus tard dans le récit, après que Lance l’eut mise dans une situation pour le moins délicate, elle n’hésite pas à lui dire « I wish I’ve never met you. Fuck you » [J’aimerais ne t’avoir jamais rencontré. Va te faire foutre].
Le constat est aussi valide pour Adalina, l’épouse de Greger. Ce dernier ne veut surtout pas inquiéter sa femme et lui dit que tout se passe bien alors qu’elle voit pertinemment que ce n’est pas le cas. Adalina lui reproche alors de vouloir faire d’elle ce genre de femmes : celle qui « stay mute, smile » [reste muette, sourit], « a good woman [who doesn’t] ask question » [une bonne femme qui ne pose pas de questions]. Lorsqu’il répond qu’il est dans son intérêt d’être à l’écart, qu’elle préfèrerait sûrement ne rien savoir, elle lui réplique : « I hear, I see. Don’t tell me what I want or don’t want to know » [J’entends, je vois. Ne me dis pas ce que je veux ou ne veux pas savoir.]
On peut toutefois regretter que Cote ne soit pas allé au bout de sa démarche, puisqu’il retombe, surtout à la fin, dans les écueils des places traditionnellement occupées par les femmes dans ce genre de films.
Note : 6/10
© 2023 Le petit septième