Aux origines de l’art et du cinéma iraniens

La nouvelle plateforme du Festival International du Film sur l’Art de Montréal, LeFIFA.com, vous offre actuellement de nombreux films gratuits en ligne pour découvrir l’art iranien. Si, comme moi, vous connaissez peu de la culture iranienne, vous pouvez même retourner à ses origines avec quelques courts métrages qui explorent les premières formes d’expression visuelle et cinématographique de la Perse : deux films d’animation, The Pottery Tale et Trapped in Time, et Missing Links, un documentaire sur les premières traces du cinéma iranien.

La première animation de l’histoire du cinéma?

Shahr-e Sokhteh, qui veut littéralement dire en persan « ville brulée », est une cité préhistorique iranienne inscrite au patrimoine de l’humanité de l’UNESCO. Avec sa superficie de 151 hectares, elle est l’un des plus grands sites néolithiques du monde. Des poteries peintes il y a 5200 ans ont été découvertes durant les fouilles archéologiques, menées entre 1966 et 1978 et reprises en 1997. Dans le court métrage documentaire Towards a Tree of Life, le réalisateur, Mohsen Ramezan zadeh, désigne la figuration schématique d’une chèvre sauvage allant à la rencontre d’un arbre sur une de ces céramiques peintes comme la toute première animation de l’histoire du cinéma.  

The Pottery Tale et Trapped in Time

The Pottery Tale
The Pottery Tale

L’animation de ces motifs se concrétise lorsque le récipient de terre cuite subit une rotation sur lui-même, faisant apparaître le récit figuré. Deux courts métrages respectivement réalisés en 2008 et en 2010, The Pottery Tale (Maryam Bayani) et Trapped in Time (Naghmeh Farzaneh), ont réanimé ces motifs grâce aux outils technologiques maintenant à notre disposition, déterrant l’histoire dont les poteries ont été les gardiennes tout ce temps. Chacune à leur manière, les deux créations permettent aux animaux, aux végétaux et aux hommes représentés de manière schématique d’échapper à la céramique où ils ont été confinés pendant 5200 ans.

Trapped in Time
Towards the tree of life

À cet égard, Farzaneh a davantage réussi à mettre en valeur la narrativité inhérente à la pratique artisanale. Alors que Bayani a mis l’accent sur la variété et la diversité des motifs, passant de l’un à l’autre par l’amplification et la translation des formes, Farzaneh les utilise pour créer un récit, dont la courte durée ne rend le propos que plus efficace. Le procédé utilisé pour montrer que les motifs sont issus des poteries est d’ailleurs visuellement beaucoup plus clair et intéressant chez Farzaneh. Bref, ces deux courts métrages ne prennent que quelques minutes à écouter, mais permettent de découvrir et d’entrer au coeur d’une pratique artistique aux fondements de la culture iranienne. 

Le premier film iranien?

Si la poterie de la ville brûlée constitue la toute première animation, elle déloge ce que les historiens du cinéma iranien considèrent comme le tout premier film : la bobine documentant la célébration de la Fête des Fleurs à Ostand, en Belgique, à laquelle le shah Mozaffar ed-Din a assisté le 18 août 1900. 

Missing Links (2005)

Missing Link
Missing Link

Des données encore plus concrètes suggèrent cependant que d’autres films ont été réalisés en Iran dans les six mois précédant cet événement. Dans Missing Links (2005), Mehrdad Zahedian raconte l’impressionnante découverte du professeur Shahriar Adl dans les archives du palais Golestan de Téhéran : de nombreuses bobines de film au nitrate de cette époque, captées par Akasbashi, le photographe officiel du Shah. Un document d’archives prouvent que la caméra et le matériel cinématographique commandé par le Shah sont arrivées en Iran six mois avant son voyage en Europe et laisse penser que la Fête des fleurs n’est pas le premier évènement capté sur pellicules par les Iraniens. 

Pour le démontrer, les experts doivent cependant procéder à la restauration des bobines – la dégradation des pellicules créées à base de nitrate étant inévitable après un siècle –, mais aussi à l’identification des lieux et à la datation de chacune des bobines, une tâche imposante. Leur travail est retracé au fil des séquences restaurées et présentées dans le documentaire, qui nous donnent donc un aperçu fascinant des premiers films iraniens produits sous le shah Mozaffar ed-Din. On y apprend notamment que les préoccupations des Iraniens, dont la quête du mouvement, sont similaires à celles des premiers cinéastes français, comme le montre la captation de l’arrivée d’un train en gare par Mirza Ebrahim, qui rappelle celle des frères Lumière.

Tout au long de ces séquences, nous espérons enfin découvrir LE film qui aurait été réalisé avant la Fête des fleurs belge, dont la découverte constituerait l’aboutissement des recherches que nous suivons avec enthousiasme… À cet égard, Missing Links est un peu décevant. La structure du scénario présente aussi quelques ruptures, qui nous laissent peut-être croire et anticiper ce que le film ne montre finalement pas. 

Néanmoins, le documentaire est captivant et permet de découvrir une page méconnue du cinéma des premiers temps. La mise en scène de l’introduction, qui montre les dessous de la production cinématographique, est finalement un clin d’oeil bien choisi pour un film qui traite justement de la matière même du cinéma.

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