«Les autres maîtres dissimulent leurs coups de pinceaux. Moi, je me montre».
Reconnu comme l’une des plus grandes inspirations de la Renaissance italienne, Tintoretto a profondément changé le paysage artistique de son époque. Artiste extravagant et indomptable, il a laissé derrière lui une œuvre colossale. Essentiellement tourné à Venise, ce documentaire d’Erminio Perocco, présenté en grande première nord-américaine, nous convie à un voyage tout en beauté dans l’univers de cet artiste singulier. Appuyé par des témoignages d’experts, le film nous donne à analyser l’œuvre de Tintoretto d’un tout autre point de vue.
Pas de doute, Tintoretto: the Man who Killed Painting dépeint l’image d’un artiste d’exception. Le documentaire aurait cependant gagné à se limiter au mandat que son titre annonce.
Dans les premières minutes, on encense Tintoretto, communément appelé en français le Tintoret (1518-1594), un artiste vénitien qui a orné les murs des églises et des palais de sa ville natale dans un contexte de crise politique et religieuse. On cite les louanges des artistes modernes que sont Degas et Pollock, sans compter le fameux compliment de Jean-Paul Sartre qui le désigne comme le premier réalisateur; on compare sa touche à celle des autres maîtres de la Renaissance; on le présente comme le père de l’expressionnisme et du cinéma. Rien de moins. C’est un fil directeur intéressant et audacieux.
Évidemment, les connaisseurs de la peinture de Tintoretto ne seront pas surpris de voir émise une telle comparaison. Quiconque a pu observer ses oeuvres in situ (dans leur contexte d’origine) peut affirmer comment elles évoquent fascination, admiration, stupéfaction. L’empâtement et l’apparence de la touche sont évidentes; l’est peut-être moins l’importante réflexion de l’artiste sur la mise en espace, et ce peut-être même pour un oeil averti.
La force de Tintoretto: the Man who Killed Painting est d’avoir su montrer, notamment grâce à la reconstitution des oeuvres sous forme de tableaux vivants, la construction de l’espace particulière et la mise en scène des fresques du Tintoret. Même pour une historienne de l’art qui était au fait de cet enjeu, ce procédé donne l’impression de voir les peintures sous un jour nouveau. Que dire de la Crucifixion de la Scuola Grande di San Rocco… Voyez le film pour comprendre.
Mais le film, qui ne dure pourtant que 52 minutes, s’éparpille un peu. À ce procédé s’ajoute la fictionnalisation du peintre, qui s’adresse directement au spectateur pour exprimer ses désirs et ses sources d’inspiration, un procédé qui ne contribue pas au propos. Le réalisateur s’intéresse aussi à d’autres questions: celles de localiser l’atelier de l’artiste, de sa relation avec sa fille illégitime, de la place des femmes dans son oeuvre ou encore de l’impact du contexte de la Réforme protestante sur son discours pictural.
Alors qu’il affirme présenter une nouvelle facette de l’artiste, Tintoretto: the Man who Killed Painting se perd un peu. Cela en fait néanmoins un aperçu intéressant de la vie et de l’oeuvre d’un maître méconnu de la Renaissance italienne, qui a pourtant serti d’or une ville parmi les plus visitées du monde entier. Un film accessible; une belle porte d’entrée pour qui s’y intéresse, mais qui connaît peu.
Ne manquez pas les autres films disponibles durant le FIFA qui traitent des maîtres italiens de la Renaissance:
La programmation complète du FIFA est disponible sur le site du festival.
Les films seront disponibles en ligne jusqu’au 29 mars 2020.
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