« On dit que les gens disparaissent dans le désert. »
Argentine, 1975. Claudio (Dario Grandinetti), avocat réputé et notable local, mène une existence confortable, acceptant de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à parti par un inconnu et l’altercation vire au drame. Claudio fait en sorte d’étouffer l’affaire, sans se douter que cette décision va l’entraîner dans une spirale sans fin.
Avec Rojo, Benjamìn Naishtat se penche sur l’Argentine d’avant le coup d’État de 1976. Un film à l’atmosphère lourde qui garde le spectateur en haleine.
Afin de recréer les années 70, le réalisateur ne s’est pas contenté d’habiller ses personnages comme c’était le cas à ce moment de l’histoire. Il est allé jusqu’à recréer le style visuel des films de l’époque.
Rojo reprend donc la grammaire cinématographique argentine des années 70… Les fondus, les zooms, le mixage en mono, l’image avec une teinte de film argentique. C’est donc le fruit de la collaboration entre l’équipe de la photographie et celle des décors. Le réalisateur explique que, « pour ce qui est de l’image, les lentilles que nous avons utilisées (Panavision) sont d’époque. Nous avons choisi une palette de couleur très minutieuse (vert, ocre et rouge) à l’image de cette période et surtout du rendu de l’argentique utilisé alors. Nous avons également eu recours aux ralentis, un usage de l’époque qu’on trouve, par exemple, chez Sam Peckinpah. »
Le son a été lui aussi été traité avec de vieux compresseurs qui génèrent une égalisation sonore particulière, typique de la technologie existante alors. Et, évidemment, la musique originale, avec ses instruments et ses arrangements, a été composée en référence aux musiques de ces années-là.
Derrière ses apparences de polar, le film dresse le portrait d’une situation sociale et politique d’un pays où règne le silence et la complicité, aux heures les plus sombres de son histoire : le climat social étouffant de l’Argentine d’avant le coup d’État de 1976.
Mais la tension et les non dits qui caractérisaient ce moment de l’histoire permet au réalisateur de bien intégrer ses personnage et de rendre justifiable des situations qui pourraient sembler illogiques.
Les personnages de Rojo sont très bien créés. À commencer par le personnage de Claudio qui, au début, nous donne l’impression d’être le héros typique. Comme tout gentil l’aurait fait, il cède sa place à un abruti qui le menace dans un restaurant. Mais ce n’est que pour ensuite l’humilier à coup d’arguments et de paroles bien placées. Et là tout dérape pour Claudio. Sortant du restaurant, notre héros découvre qu’un abruti c’est parfois dangereux. L’homme s’en prend à lui dans une altercation où il finit par se tirer une balle dans la tête… mais ne meurt pas. De là s’ensuivront un série de décisions douteuses de la part du héros.
Alors que, au début, il hésite et se sent coupable lorsqu’il doit agir de façon malhonnête, il finira par accepter de vivre avec ses secrets, tout comme le reste du pays. En parallèle, il voit que l’Argentine se prépare pour une dictature militaire, qu’un génocide s’ensuivra très probablement, et il l’accepte avec un cynisme total.
Il se retrouve donc, à plusieurs reprises, devant la possibilité de choisir entre l’honnêteté et son intérêt personnel… et il choisira toujours la seconde option. Malgré cela, en tant que spectateur, on ne rejette pas le héro. On reste derrière lui. C’est probablement dû au réalisme qui le caractérise. Qui n’aurait pas agit, à un certain point, comme lui?
Thriller angoissant, Rojo aborde de manière inédite ce fait marquant de l’histoire de l’Argentine.
Et si vous êtes un amateur de polar, vous ne voudrez pas le rater!
Note : 8.5/10
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