Forcés de fuir leur Bangladesh natal, le jeune Fahim et son père quittent le reste de la famille pour Paris. Dès leur arrivée, ils entament un véritable parcours du combattant pour obtenir l’asile politique, avec la menace d’être expulsés à tout moment. Grâce à son don pour les échecs, Fahim rencontre Sylvain, l’un des meilleurs entraîneurs d’échecs de France. Entre méfiance et attirance, ils vont apprendre à se connaître et se lier d’amitié. Alors que le Championnat de France commence, la menace d’expulsion se fait pressante et Fahim n’a plus qu’une seule chance pour s’en sortir : être champion de France.
Pour écrire son film, Pierre-François Martin Laval, « Pef » pour les intimes, surtout connu pour sa participation à la troupe comique Les Robins des bois, s’est inspiré d’un fait réel : l’histoire de Fahim Mohammad, un jeune joueur d’échecs bangladeshi qui deviendra, en 2012, champion de France des moins de 12 ans. Rappelons les faits : en 2008, Nura Mohammad quitte le Bangladesh avec son fils Fahim, laissant derrière lui sa femme et sa fille, dans le but d’obtenir l’asile politique en France. Voyant sa demande rejetée, Nura se retrouve avec un statut très précaire, celui de sans-papiers. Parallèlement, le jeune Fahim, avec l’aide de Sylvain Charpentier, un entraîneur d’échecs à Créteil (banlieue parisienne), développe de si grandes habiletés aux échecs qu’il deviendra champion de France dans sa catégorie. De cette histoire est né un livre, Un roi clandestin (2014), dont la lecture a grandement touché Pef. En effet, dans une entrevue accordée au quotidien 20 minutes, le réalisateur admet que sa lecture l’a tant bouleversé qu’il a jugé important de faire connaître cette histoire, « ne serait-ce que parce qu’elle donne une image positive des migrants ».
Pari réussi pour le réalisateur français, puisque, aussi bien à travers le récit qu’il en fait, que les portraits qu’il dresse de ses personnages, il nous livre une véritable leçon d’humanité. Certes, c’est une histoire qui, comme le spectateur aurait pu s’y attendre, finit bien; et si le réalisateur ne parvient pas à éviter tous les écueils propres aux feel good movies, il n’en reste pas moins qu’il réussit à nous conscientiser sans tomber dans la morale, à nous inspirer sans tomber à l’excès dans le pathos et les sentiments dégoulinants.
Si le film porte justement le titre de Fahim, c’est aussi l’histoire de Nura, brillamment interprété par le comédien Mizanur Rahaman, et de ses échecs répétés. Échec à garder sa famille près de lui; échec à être légitime puisque le refus de sa demande d’asile fait de lui un clandestin destiné à se cacher sans cesse et à fuir. On observe donc le parcours d’un homme qui désire s’intégrer de toutes ses forces, mais qui ne parvient pas à surmonter les nombreuses barrières qui l’en empêchent : la recherche d’un logement et d’un travail, ainsi que l’apprentissage du français. Heureusement, les échecs seront pour lui et pour son fils une porte de sortie.
Même si l’histoire se passe en 2012, sept ans plus tard, les choses n’ont pas vraiment changé, elles ont même empiré. En effet, il est de plus en plus difficile pour les migrants de trouver une place au soleil. Toutefois, à travers son personnage, Pef nous livre une véritable ode à la résilience et à l’espoir.
Le jeune Fahim, lui aussi clandestin, est bien entendu affecté par toute cette situation. S’il ne peut contrôler tous les événements qui l’entourent, sur l’échiquier, il prend les choses en mains, allant de victoire et victoire jusqu’au titre de champion de France. Même le spectateur qui n’est pas familiarisé avec les règles du jeu sera happé par le rythme des parties, ainsi que par le sang froid et la stratégie dont le jeune garçon fait preuve.
Contrairement à Nura, Fahim n’est jamais seul; il connaîtra les bienfaits de la fraternité. Que ce soit à l’école ou au club d’échecs, il découvrira des camarades sur lesquels il pourra s’appuyer pour grandir. Et puis, il y a cette relation avec son professeur d’échecs, Sylvain Charpentier, interprété par nul autre que Gérard Depardieu. Dans un rôle taillé sur mesure, le monstre sacré du cinéma français nous livre une performance touchante et juste, dans la peau d’un professeur, certes sévère, bourru, mais empreint de poésie et d’une grande humanité. On ne peut terminer sans parler du jeune Assad Hamed, l’interprète du jeune Fahim, qui, aussi bien par ses regards que par ses sourires, transmet, non sans une certaine candeur, une palette d’émotions variées, allant de l’amertume à la douceur.
À voir absolument.
Note : 7/10
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