Sarajevo, novembre 92, sept mois après le début du siège. Le reporter de guerre Paul Marchand nous plonge dans les entrailles d’un conflit fratricide, sous le regard impassible de la communauté internationale.
Le cinéma a beaucoup utilisé les conflits armés dans le but de raconter quelque chose sur le comportement humain. En effet, des événements chaotiques et durs pour le mental permettent de faire ressortir à la fois le bien et le mal d’un individu. Apocalypse Now, dans lequel Francis Ford Coppola a utilisé la Guerre du Vietnam pour démontrer les limites morales des soldats, ou J’ai serré la main du diable, qui prend le génocide rwandais comme exemple pour traiter de la frustration de l’inaction, en sont des bons exemples. Dans Sympathie pour le diable, de Guillaume de Fontenay, c’est le comportement neutre et objectif du journaliste qui se voit confronté à l’horreur du siège de Sarajevo. Et si les idées sont bonnes, le traitement l’est un peu moins.
Le long métrage a la particularité de mettre le spectateur devant le point de vue d’un journaliste, ici celui du correspondant de guerre Paul Marchand (Niels Schneider), qui a assisté au siège dès le début en 1992 jusqu’à son accident en 1993. Ce qui est intéressant, c’est qu’un journaliste devrait raconter tout ce dont il est témoin de manière objective, sans laisser de place à ses sentiments. À l’inverse, Marchand est dépeint au début du film comme un opportuniste, qui profite du conflit dans le but d’avoir la meilleure histoire. Au fil du récit, on le voit s’émouvoir progressivement pour les malheurs des habitants de la ville, notamment en se liant à une traductrice serbe (Ella Rumpf), et prendre pleinement part au conflit.
Le réalisateur nous fait alors questionner l’importance du devoir en montrant les journalistes internationaux installés à Sarajevo se la couler douce dans des bureaux sécurisés et dramatiser presque la guerre pour les reportages télévisés. De plus, le film nous permet d’avoir une bonne vision d’ensemble du travail d’un journaliste de guerre, ce qui peut être instructif pour les spectateurs qui n’en connaissent rien. Et même si l’idée de quelqu’un questionnant ce qu’il croit est un schéma scénaristique classique dans le cinéma, il est bien exploité dans le contexte du journalisme.
Les réflexions données par Guillaume de Fontenay sont très intéressantes mais sont, cela dit, gâchées par un traitement bancal.
Car le gros problème du film, c’est sa réalisation. La grande majorité du film est tournée en caméra à l’épaule. Si les effets de tremblement permettent à certains moments de bien s’immerger dans le chaos ambiant de la guerre, surtout lors d’une scène d’offensive couverte par Marchand et ses collègues, ils demeurent présents dans presque toutes les scènes, même les plus calmes. C’en est fatiguant de voir que l’image tremble dans une simple discussion sans aucune vraie raison valable. Ça fait en sorte que les scènes fortes utilisant ce procédé fatiguent plus le spectateur qu’elles ne le touchent au plan émotionnel.
Cela est réellement dommage car, les quelques fois où le plan est fixe, il possède une composition très bien pensée, surtout au début, avec un panorama de la ville de Sarajevo, accompagné d’une narration ponctuée d’explosions de fumée qui donnent l’impression que l’on assiste à une peinture vivante. Ce plan contraste brutalement avec le dernier, qui montre l’avion ramenant Marchand au bercail, toujours pourtant accompagné de la narration, dans lequel la caméra ne semble pas tenir sur l’épaule du technicien.
Ce mauvais traitement se voit aussi via le développement des personnages, qui est mal équilibré. Certains personnages secondaires n’ont pas réellement de fond, surtout le photographe (Vincent Rottiers) suivant Marchand partout, mais dont on ne sait pas grand-chose. Aussi, le revirement psychologique de Marchand est assez imprécis. On n’est pas trop sûr de comprendre ce qui l’a fait réagir, et à quel moment cela s’est véritablement produit. De plus, sa romance avec la traductrice arrive beaucoup trop rapidement dans l’histoire, sans avoir été développée correctement.
Cependant, ce mauvais traitement ne touche pas les performances d’acteurs, surtout celle de Niels Schneider, qui interprète le regretté journaliste superbement, dans ses aspects les plus humains et les plus tristes. De plus, l’acteur possède dans le film une grande ressemblance physique avec la figure réelle, comme on peut le voir dans le générique.
Sympathie pour le diable possède un très grand potentiel. Il présente des réflexions intéressantes sur le métier de journaliste et la guerre ainsi que de bonnes interprétations d’acteurs. Cependant, sa pauvre mise en scène et son manque de développement des personnages n’en font qu’un film moyen. Si Guillaume de Fontenay avait mieux maîtriser ces éléments, il aurait fait un très bon film. Mais, puisque c’est son premier film, il peut très bien apprendre de ses erreurs et créer un meilleur résultat dans l’avenir.
5/10
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