Ne croyez surtout pas que je hurle – Si on regardait un film?

Ne croyez surtout pas que je hurle - AfficheEn 2016, à la suite d’une rupture, le cinéaste Frank Beauvais se retrouve cantonné dans un village d’Alsace, sans permis de conduire, sans vie sociale si ce n’est de sa mère et des visites de quelques amis. Pour chasser l’ennui et pour calmer son esprit tourmenté, Frank regarde entre trois et cinq films par jour. D’avril à octobre, il en a visionnés près de 400. 

Ne croyez surtout pas que je hurle - introDans Ne croyez surtout pas que je hurle, dont le montage est assuré par Thomas Marchand, Frank Beauvais a eu l’idée de raconter le récit de cette période creuse de sa vie sur un fond des images des films qu’il a visionnés durant ces longs mois. 

Ceux-ci ne sont plus une fenêtre sur le monde, mais plutôt le reflet de sa propre existence, dans laquelle il ne se passe rien. Ce sont les films des autres, qu’il regarde avidement, alors que lui ne fait rien. 

L’Alsace

Ne croyez surtout pas que je hurle - AlsaceLa beauté et le calme du pays ne suffisent pas à apaiser l’esprit tourmenté de Frank qui souffre dans sa solitude et dans son vide existentiel. 

Plusieurs crises et plusieurs attentats vont secouer le monde durant cette période. Frank, refusant de se mêler aux gens du pays, observe à l’écart les rassemblements citoyens qui ont lieux à la suite des attentats. Il ressent de la sympathie pour les rebelles qui se soulèvent, mais son aversion pour les phénomènes de groupes le garde à l’écart.

Ces événements viennent alimenter l’angoisse que vit Frank face à sa complaisance dans le calme plat de ce petit village. De plus, la raideur de la tradition dans cette région d’Alsace ou l’Église a encore mainmise sur l’État crée un terreau peu fertile pour un artiste.  

L’angoisse

À un moment, Frank revient sur le décès de son père survenu il y a trois ans. Ce père absent avec qui il n’avait rien en commun. Un père qui est venu mourir chez lui, alors qu’ils regardaient un film et vivaient le premier et seul moment de leur complicité père-fils.

Cet événement secoue Frank en lui rappelant la fragilité de la vie. Il s’imagine mourir en regardant tous ses films dans ce petit village austère d’Alsace. Cette vision de sa vie lui paraît si médiocre qu’il souhaite même s’éteindre. Mais, quelque chose en lui veut encore vivre. L’angoisse de Frank consume sa créativité, l’un et l’autre s’alimentant jusqu’à l’implosion.
Le choix des mots, la rapidité du montage d’images dures et criantes, répétitives, nous donne l’impression de perdre pied. On retient notre souffle; on ressent bien la crise, l’effroi. Ne croyez surtout pas que je hurle est une montagne russe qui plonge et qui nous mène immanquablement vers une fin, un besoin d’aller vers l’avant. 

Le déménagement

Les cours séjours de Frank à Paris et au Portugal se présentent comme des interludes vivifiants qui viennent entrecouper son existence aride. Il apprend que son calvaire prendra fin en octobre, date à laquelle il retournera à Paris vivre avec un ancien amoureux. C’est comme une bouffée d’air autant pour Frank que pour le public. 

Il y voit une lumière au bout du tunnel, mais il est étourdi par l’ampleur des tâches à accomplir pour y arriver.  La perspective de quitter cette vie, aussi séduisante soit-elle, l’effraie. Coincé dans ce qu’il qualifie d’un syndrome de Stockholm, il est anxieux de devoir se séparer de toutes ces piles de films, de disques et de livres derrières lesquelles il s’est emmuré, se séquestrant lui-même. 

Le film, pour se donner une raison d’exister

Ne croyez surtout pas que je hurle - Pour se donner une raisonFrank s’observe avec une certaine complaisance mais, sans pour autant manquer de lucidité. La réalisation même de ce film entraîne chez lui une certaine inquiétude existentielle. Est-ce là une tentative narcissique et de mauvaise foi de justifier sa boulimie cinématographique?
Paradoxalement, il réussit son pari de créer une œuvre belle et touchante en se basant sur une période vide de sa vie. Son récit, quoique long par moments, n’en est pas moins magnifique. La trame narrative est belle, le choix des mots est juste, comme une belle poésie. 

S’agit-il d’un documentaire? Je crois qu’il s’agit plutôt d’une chronique sur une période de passage à vide qui a suscité nombres d’angoisses et d’humeurs amères chez le cinéaste. Cette période de sa vie, elle était peut-être stérile en termes d’expériences, mais infiniment riche en termes d’intensité et d’émotions. J’y vois aussi une réflexion sur la nécessité de parfois prendre le temps de s’arrêter. Un répit parfois douloureux, mais nécessaire pour reprendre son souffle et repartir.

Note 7/10

Ne croyez surtout pas que je hurle est présenté aux RIDM les 20 et 23 novembre 2019.

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