Chef.fe.s de brousse explore les aventures gastronomiques et humaines de chefs qui, contre vents et marées, habitent les petites villes et les villages du Québec. Devant la caméra, ils se dévoilent comme acteurs de changement pour leur communauté rurale. Ils et elles sont devenus de véritables phares de la cuisine régionale et nationale.
Après sa phase « cabanes » (à sucre, à patates…), le réalisateur Nicolas Paquet invite, dans son plus récent documentaire, à une incursion instructive dans l’univers parfumé et savoureux de trois chefs québécois prônant une cuisine identitaire. Ingéniosité et créativité sont à l’honneur dans ce plaidoyer pour une bonne chère respectueuse des cycles de la nature.
Film porte-voix, Chef.fe.s de brousse rend compte de l’engagement de Colombe Saint-Pierre (Chez Saint-Pierre, Bic), de Pierre-Olivier Ferry (Estevan Lodge, Jardin de Métis) et de Kim Côté (Côté Est, Kamouraska). Au-delà d’une passion commune pour l’art culinaire, ces chefs partagent la conviction qu’une révolution dans l’assiette s’impose, celle-ci se traduisant par une valorisation des produits bas-laurentiens et de saison.
Nicolas Paquet, avec sa mosaïque de plans de fleurs, d’arbres, de berges, rend hommage à la nature généreuse qui, après tout, constitue le véritable personnage principal du documentaire. Dommage que ces plans méditatifs soient le plus souvent habillés d’une musique monotone.
Les chefs cuisiniers, lorsqu’ils sont portés à l’écran, sont fréquemment représentés en train de manœuvrer une armée de chaudrons, sous pression et dans l’urgence. Le réalisateur montre un pan plus inédit de cette profession en insistant sur la phase « idéation » qui précède la réalisation de tout menu gastronomique. Plus encore, les chefs sont présentés comme porteurs d’une tâche sociale significative.
Nicolas Paquet est sensible à la poésie du territoire et il en poursuit l’exploration fertile. Chef.fe.s de brousse, à l’instar D’esprit de cantine, déjoue les préjugés en faisant rimer ruralité et dynamisme. Comme l’écrit à juste titre le réalisateur, « tout n’est pas dévitalisation, exode et perte d’emplois ».
Le réalisateur explore aussi la dimension humaine de la restauration. Si le spectateur assiste aux moments de complicité entre les membres des brigades, il assiste aussi à celui où le surmenage a raison d’un cuisinier. « J’ai poussé mon corps à l’extrême », se rend à l’évidence Pierre-Olivier Ferry. Kim Côté, mi-figue, mi-raisin, tranche qu’il faut être un peu fou pour être restaurateur tant les heures travaillées s’accumulent. Fou, ou généreux de nature.
Si Chef.fe.s de brousse contient quelques longueurs (par exemple l’appel conférence de Colombe Saint-Pierre), il n’en demeure pas moins que la réussite du film est double : il nourrit la tête en plus de donner l’eau à la bouche.
Note : 7/10
© 2023 Le petit septième