« Live before you lie. »
[Vis avant de mentir.]
Dix ans après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un jeune acteur se remémore la correspondance écrite jadis entretenue avec cet homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.
Dans The Death and Life of John F. Donovan, Xavier Dolan livre un récit touchant mais convenu sur l’intolérance, l’affirmation de soi et le rôle parfois marquant de certaines figures qui accompagnent notre parcours.
Oui, ce film traite encore d’homosexualité, de rapport trouble avec la figure maternelle et de recherche identitaire; on reconnaît bien là Xavier Dolan. Néanmoins, The Death and Life of John F. Donavan utilise un prétexte intéressant pour ce faire: le rapport particulier et épistolaire entretenu entre un jeune garçon de 11 ans, Rupert (Jacob Tremblay), et son idole, John F. Donovan (Kit Harington), un acteur célèbre. Toute l’histoire est relatée à travers la lunette de Rupert, adulte (Ben Schnetzer), devenu à son tour acteur et auteur, lors d’une entrevue donnée à une journaliste (Thandie Newton), qui semble avoir gagné beaucoup de cette relation en termes d’acceptation de soi.
Non seulement la morale est très présente, mais en plus elle est énoncée clairement par quelques-uns des protagonistes de l’histoire. Un vieux concierge qui croise le chemin d’un John démoli vers la fin, qui surgit d’ailleurs telle une apparition, le rassure avec de sages paroles : « How could you have stolen a place that was made just for you? » [Comment aurais-tu pu voler une place qui était faite juste pour toi ?] On voit aussi inscrite à quelques reprises sur des affiches montrant John la citation « Style is knowing who you are », une affirmation à peine dissimulée de l’importance de s’accepter.
Mais c’est dans le rôle du Rupert adulte que cette énonciation de la morale se fait la plus frappante : « This is a story about intolerance. » [C’est une histoire qui traite d’intolérance.] A-t-on vraiment besoin de prendre autant le spectateur par la main? L’auteur devient une belle mise en abyme du réalisateur du film, de Dolan lui-même : l’interview de Rupert adulte qui raconte son histoire donne presque l’impression que c’est le réalisateur lui-même qui raconte le film à son auditoire. Une figure de style intéressante, mais dont le discours manque de finesse, de subtilité.
Il n’y a pas que la morale qui manque de subtilité. J’ai souvent apprécié les images symboliques de Dolan mais, ici, elles m’ont semblé trop évidentes. Le trou dans le mur qui cadre le visage de John, mis en parallèle avec l’ouverture du coffre sur celui de Rupert, évoque plus que clairement le sentiment d’enfermement que vivent les deux personnages ne pouvant montrer leur identité au grand jour. Hormis ces quelques occurrences, l’image est belle : les cadrages sont intéressants, les flous posés à des moments bien choisis.
La musique participe aussi avec force au film. Elle contribue merveilleusement bien à suggérer une atmosphère ou une émotion, au point malheureusement que parfois on se demande si les choix ne sont pas un peu clichés. L’ambiance festive d’un club de nuit, ou les retrouvailles entre Rupert et sa mère… Cela dit, visuellement et musicalement, le film transmet sans aucun doute le message souhaité et nous le fait ressentir.
On a beau reconnaître les thèmes de Dolan, le scénario transpire de clichés des films d’Hollywood. Le pire d’entre eux est sans conteste celui de la journaliste qui est obligée de donner une entrevue qu’elle n’a pas pu préparer et qu’elle n’a pas envie de faire… qui se voit évidemment tellement chamboulée par l’histoire de Rupert qu’elle accepte de manquer son vol. Ben oui ! Ensuite, la figure du jeune qui grandit au contact d’un mentor qui lui permet de se découvrir et s’accepter… Ça sonne plutôt déjà vu aussi malheureusement.
Bien qu’il n’y avait pas de doute sur la nature autobiographique du personnage de Rupert, il est intéressant de découvrir cette autre facette de Dolan, qui dit lui-même avoir été très influencé par les stars de la culture populaire qu’il suivait lorsqu’il était jeune. Le résultat est tout de même malheureusement un film plus convenu que novateur.
Au final, The Death and Life of John F. Donovan est un beau film touchant. La brochette d’acteurs est impressionnante et leur jeu poignant nous captive tout au long du film. Natalie Portman et Susan Sarandon sont superbes dans le rôle des mères de Rupert et John. On ne peut pas nier qu’on passe un bon moment. Mais ça s’arrête malheureusement là…
Note : 6/10
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