« There is no hope left for a man like me. But at least now, I have this. »
[Il n’y a plus d’espoir pour un homme comme moi. Mais au moins maintenant, j’ai ça.]
En temps de guerre mondiale, Philippe (Martin Dubreuil), un déserteur québécois, trouve refuge dans l’Ouest américain en participant à des concours d’imitation de Charlie Chaplin. La rencontre de personnages sous l’emprise d’une folie destructrice propre en ces temps chaotiques, fera du retour de Philippe à la maison un parcours initiatique halluciné, à la rencontre du rêve américain capitaliste à la fois sombre, fascinant et violent.
Avec La grande noirceur, Maxime Giroux nous amène dans un univers qui n’est pas sans rappeler celui de David Lynch. C’est une preuve que le cinéma québécois est aussi capable d’explorer les coins sombres de l’âme…
Ce qui m’a frappé dès le début du film, c’est à quel point on semble se promener dans l’univers de David Lynch. L’insolite est au rendez-vous!
On en sait peu sur le personnage de Philippe. Il parle peu, sauf à sa mère à qui il téléphone à quelques reprises. Il sort de son spectacle d’imitation de Charlot et s’en va, comme ça, au milieu de nulle part. Il prend une douche dans un lieu étrange, glauque, et se fait voler. Et, lorsqu’il quitte finalement cet endroit, il se retrouve dans le milieu du désert. On ne sait pas vraiment où il est, ni pourquoi il s’y retrouve. Il rencontre d’étranges personnages avec qui il a des échanges plutôt inusités.
Puis, d’une rencontre à l’autre, on le retrouve, toujours coincé entre des gens qui lui veulent du mal. Mais toujours sans que l’on sache réellement pourquoi. C’est génial de se faire trimballer ainsi d’un lieu à un autre et d’un personnage à un autre tout en restant bien accroché à l’histoire. Mon seul bémol est l’introduction de la chanson Everybody Hurts de REM. Clairement cette pièce a une importance dans le film. Sinon, elle ne serait qu’anachronique. Et La grande noirceur est trop bien ficelée pour que cela ne soit pas voulu. Mais, à mon avis, la cible est ratée. Ce qui n’empêche pas le film d’être simplement magnifique.
D’ailleurs, une des caractéristiques qui font du film de Giroux un si bon long métrage, c’est la qualité de l’image. Pour être efficace, un film de ce genre a besoin d’une ambiance parfaite. Et pour créer la bonne ambiance, il faut une bonne musique, mais surtout, il faut une image qui permette de transmettre une émotion, une sensation.
C’est ce que Giroux parvient à faire pour chaque lieu en jouant avec les teintes et les éclairages. Parfois, on se retrouve même dans la noirceur totale, dans la grande noirceur vécue par le personnage…
Par moments, La grande noirceur se transforme en un pamphlet dans lequel le réalisateur s’en prend aux États-Unis. Ici, un personnage profère une phrase assassine sur le capitalisme brut. Là, c’est un personnage qui se lance dans une boutade à la gloire de la cigarette qui réussit à contrôler le monde. Mais ma séquence préférée est sans doute le long échange dans lequel un des personnages nous envoie du sarcasme plein la gueule pour nous parler des mérites de la guerre.
Et ce que ces critiques font, c’est de nous faire réaliser que rien n’a réellement changé dans les 100 dernières années aux USA. La même façon d’envisager le monde et l’économie perdure.
Non, la grande noirceur n’est pas un film grand public. La logique prend parfois le bord et on doit se creuser les méninges afin de bien suivre l’histoire. Mais c’est un film extraordinaire qui garde le spectateur en haleine du début à la fin.
Et que dire des acteurs qui sont superbes. C’est d’ailleurs un grand plaisir de voir Soko en prisonnière traitée comme un chien, attachée à une chaine, ne parlant presque pas. Oui, c’est le genre de choses que l’on peut voir dans ce film. Peut-être pas le film le plus facile. Mais clairement un film à voir!
Note : 8.5/10
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