« Toi quand t’étais jeune, étais-tu du genre à dépasser dans les cahiers à colorier? »
Mylia (Émilie Bierre), une enfant timide et farouche de 12 ans, s’apprête à quitter sa campagne natale pour la grande école. À la recherche de repères dans ce milieu qui lui semble hostile, elle apprendra à mieux se connaître à travers la rencontre de Jimmy (Jacob Whiteduck-Lavoie), un jeune autochtone marginal de la réserve voisine. Mylia avancera comme elle peut, parfois maladroitement, en se frottant à l’absurdité de l’adolescence, à ses malaises et à ses petites victoires.
Avec Une colonie, Geneviève Dulude-De Celles se penche sur les difficultés reliées au début de l’adolescence et aux changements qui s’y rattachent. Un film qui a fait le tour du monde et qui est nommé dans la catégorie du meilleur film au gala Québec Cinéma 2019.
Il n’y a pas tant de films qui traitent de la réalité des jeunes de 13-14 ans. Et il y en a encore moins qui le font de façon réaliste. Dulude-De Celles y parvient admirablement.
On découvre, à mesure que le film avance, une jeune femme seule, amère et triste. Laissé sans explications et sans indices au départ, on en vient tranquillement à comprendre le mal-être de Mylia. Et le film est monté de façon à nous amener à poser les mêmes constats (ou à supposer les mêmes choses) que les divers personnages qui entourent les protagonistes principaux. « Est-ce que c’est vrai que ta mère est danseuse? » Cette phrase si anodine laisse transpirer tout ce qui rend la vie difficile pour Mylia. C’est quoi une danseuse? Comme le justifie l’adolescente (car ce genre de question/réponse doit se justifier), elle était danseuse contemporaine, pas stripteaseuse…
Mais cet âge ingrat, c’est aussi la difficulté de se faire accepter pour une ado timide ou solitaire. Jusqu’où une jeune de 13 ans est prête à aller pour se faire accepter? C’est la question qui surplombe Une colonie. Émilie Bierre offre une performance vraie, impressionnante. Ça parait que cette période n’est pas si loin dans sa tête et dans son cœur. En tant qu’adulte, on a tendance à oublier que cet âge n’est pas si facile.
La présence de Jimmy, un jeune autochtone, permet à la réalisatrice d’incorporer un questionnement plus large à son film : la relation entre les descendants des Européens et les descendants des Autochtones. Venant d’une ville très majoritairement constituée de blancs francophones originaires du Québec, je n’ai jamais connu de situations similaires à ce qu’on peut voir dans Une colonie. Mais le malaise est palpable lorsque la professeure d’histoire aborde le thème de la rencontre entre les Européens et les Autochtones au 16e siècle.
Comment réagiraient des jeunes « blancs » en entendant que les « Amérindiens » étaient des simplets non violents et qu’ils étaient faciles à exploiter? Et la réaction de Jimmy est, ou elle semble être, totalement réaliste et justifiée. Clairement, la prof n’est pas outillée pour dealer avec ce genre de situations. Et clairement, ce genre de situations de crise doit se produire dans nos écoles.
Avec ce personnage secondaire important, la réalisatrice réussit à éduquer le spectateur. Une touche qui fait une différence dans la valeur de l’œuvre. D’autant plus que ce sujet est d’actualité. Oui, nous aurons eu besoin de presque 500 ans pour ouvrir la blessure et tenter de trouver une solution.
Une colonie avait tout pour me décevoir. Une histoire d’adolescents, un film dont on entend parler depuis très longtemps, un long métrage maintes fois vanté… Je savais que je serais au moins un peu déçu.
Mais non! Au final, j’ai été extrêmement satisfait. Une colonie est un film presque parfait. C’est un film qui saura plaire autant aux critiques qu’au public en général. C’est un film qui parle de nous, les Québécois. C’est un film qui touche à un sujet difficile d’approche. C’est un film qui frappe juste. C’est un film que vous devez voir car il risque fort de remporter d’autres prix…
Note : 9/10
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