Doubles vies – Le déclin à la française

Doubles vies - afficheAlain (Guillaume Canet) possède et dirige une maison d’édition centenaire. Léonard écrit des autofictions. Il lui est impossible de créer autrement que de passer par ses propres expériences.

Léonard (Vincent Macaigne) est en couple avec Valérie (Nora Hamzawi), mais couche aussi avec Selena (Juliette Binoche), la femme d’Alain, qui, lui, couche aussi avec Laure (Christa Théret), une collaboratrice pour sa maison d’édition qui couche aussi avec des femmes.

Alain refuse le dernier manuscrit de Léonard parce qu’il parle trop directement de sa relation avec une animatrice télé alors que Léonard parle de Selena…

Doubles vies d’Olivier Assayas est un film très exigeant, mais qui en vaut la peine. On reçoit une surcharge de dialogues intellectuels qui tournent presque toujours autour de l’édition papier qui est en train de se faire remplacer par la techno. Les plus jeunes sont tous déjà orientés vers le langage du livre électronique, leurs discussions sont remplies de algorithme, appli, liseuse, smartphone, autobook (c’est très français comme vous voyez).

Doubles vies - Le film est parfois déroutantLe film est parfois déroutant, nous présentant sans avertissement deux personnes au lit sans que l’on ait eu le temps d’établir qui sont les vrais couples dans la vie quotidienne. En ce sens, ce film brille par son réalisme. En effet, les relations que l’on nous montre sont banalisées parce que courantes et normalisées dans la vie française. Reconnaissons le décalage entre la France et l’Amérique…

Cette œuvre nous plonge, dès la toute première image, dans ce monde d’intellectuels contemporains. Alain et Léonard discutent littérature et Alain se dit très inquiet face à la disparition du livre papier. Léonard, assez égocentrique bien qu’anarchiste, ne l’aide pas du tout. Puis, Alain refuse le manuscrit de Léonard. Selena fera des pressions très habiles et subtiles pour arriver à faire changer d’avis son mari.

Doubles vies - Parfois les films
Alain (Guillaume Canet) et Léonard (Vincent Macaigne)

Parfois, les films font de gros et parfois même de grossiers détours pour nous amener dans une réalité que l’on doit saisir pour ne pas passer à côté de l’histoire. Doubles vies nous fait confiance et ne prend aucun détour. Il nous faut être très vigilant, au moins pour le premier tiers du film, pour attraper les liens nécessaires à sa suite.

Des scènes de discussions intellectuelles improvisées parsèment le film dans le but de nous mettre dans le bain du propos. On comprend toutefois que le vrai objectif du film est de nous illustrer la vie des jeunes adultes (25 à 40 ans) français qui ont saisi les codes sociaux et ce que l’on pourrait appeler les nouvelles mœurs. Ainsi, Laure aime les femmes, mais aussi les hommes et il n’y a rien de plus normal.

Une scène montre Valérie qui débranche quatre appareils pour les apporter au travail : son téléphone, une tablette, et deux autres appareils non identifiés, mais qui illustrent l’époque dans laquelle vivent les jeunes que nous sommes encore ou que nous ne sommes plus.

Doubles vies - Aussi selena
Selena (Juliette Binoche)

Aussi, Selena est actrice pour des séries policières télé et sa présence dans les discussions intellectuelles pose un malaise parce que les femmes font semblant d’être intéressées par les séries télévisées pour plaire à Selena alors qu’elles considèrent la télé comme vulgaire.

Un réalisateur, qui est tellement à l’aise avec son film, va jusqu’à faire parler ses personnages de l’actrice Juliette Binoche pour un scénario qui serait tiré d’un livre, en présence de Juliette Binoche elle-même en Selena, et dit : « Je peux contacter son agent, on verra… »

Ce film très touffu réussit son pari de démontrer le monde dans lequel nous vivons (du moins en France) et comment les acteurs du monde de la diffusion nagent dans l’incertitude du changement techno. Des scènes touchantes parmi les scènes plus intellos parviennent à nous émouvoir et on en ressort avec le sentiment d’être davantage au parfum du monde dans lequel nous vivons.

À voir avec une dose de courage.

Note : 9/10

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