Alzaïmour, grand gagnant de la première édition du FICMAN

ALZHAIMOUR - afficheLes festivals de cinéma sont une incroyable plateforme pour faire connaître et promouvoir le cinéma d’ici et d’ailleurs. On peut ainsi découvrir des univers uniques, tant en fiction qu’en documentaires, qu’en courts, moyens ou longs métrages. En ce sens, l’équipe de direction du Petit Septième est privilégiée de faire partie du jury du Festival international de courts-métrages d’auteurs et narratifs (FICMAN), produit par les Productions du 3 juin.

L’automne dernier, quatre prix ont été remis parmi l’ensemble des gagnants mensuels de la première édition de FICMAN : meilleur court-métrage, meilleur scénario, meilleure direction photo et coup de cœur du public. Le court-métrage Alzhaïmour de Pierre van de Kerckhove a remporté trois honneurs : meilleur court-métrage, meilleur scénario et coup de cœur du public. Des prix, l’on doit dire, tout à fait mérités!

Plutôt que de vous faire une critique traditionnelle de ce très bon court-métrage, nous vous proposons un entretien avec le réalisateur, Pierre van de Kerckhove. Ce dernier a d’ailleurs été d’une grande générosité.

Mais avant de vous lancer dans la lecture de l’entretien, prenez une minute pour visionner la bande-annonce du film.

Le Petit Septième – D’où vous est venu le projet de ce film?

Pierre van de Kerckhove
Pierre van de Kerckhove

Pierre van de Kerckhove – C’est suite à l’éclatement de ma famille que j’ai décidé de réaliser ma première fiction autour du thème de l’amour et de la mémoire du corps. « Même si l’esprit ne s’en rappelle plus, l’ADN du corps, de la peau, garde toujours un souvenir d’un amour fort ».

LPS – Votre film est empreint de beaucoup de tendresse et d’humanité. On ne parle que trop peu de l’amour entre personnes âgées. Vous montrez ici un amour profond, comme imprimé dans la chair. Avez-vous peiné à trouver les acteurs qui incarneraient Louise et Léo?

PVK – Non, je connaissais bien le vieil acteur (Léo). Je l’avais déjà vu jouer dans le court-métrage d’un ami que j’avais aidé à réaliser son film et quand je lui ai dit que j’avais repéré une comédienne qui pouvait convenir au rôle de sa compagne, il m’a dit : « Aaah… ça tombe bien, c’est ma compagne dans la vie! ». Incroyable. Du coup, ils avaient une complicité naturelle et les diriger a été assez simple. J’ai eu plus de difficultés avec le fils qui, en fait, n’est pas un vrai acteur mais scénariste. Ce film a été tourné sans aucun budget et il manquait quelqu’un pour le rôle du fils. C’est le seul rôle plus faible d’ailleurs et je ne ferai plus cette erreur. J’en ai conclu que ce n’est pas l’idéal de faire jouer des amis, ou des parents. En fait, ce n’est pas professionnel. Cela peut parfois fonctionner mais ça complique pas mal les choses.

LPS – L’un des points forts de votre scénario réside, à notre avis, dans votre souci du détail, du quotidien, de ce qui pourrait paraître, à première vue, anodin. Des scènes où, somme toute, peu de paroles sont échangées. La scène où Léo offre une gaufre à Louise en est un bon exemple, une scène particulièrement touchante et amusante. Le non-dit prime alors, c’est par le jeu des acteurs que passe l’émotion. Comment avez-vous travaillé vos dialogues?

PVK – Au départ, j’avais un scénario nettement plus long et pas mal de dialogues écrits. Le principe que j’ai adopté est de faire lire le scénario juste avant les prises et puis de dire aux acteurs qu’ils pouvaient oublier le texte et les laisser improviser…

J’ai fait du documentaire pendant une quinzaine d’années et j’étais certain de pouvoir retomber sur mes pattes s’il se passait quelque chose d’imprévu par rapport au scénario.

Par exemple, la scène de la gaufre est de cet ordre. Ce n’était pas dans le script mais quand ça s’est passé, je n’ai pas arrêté la caméra et j’ai laissé tourné, content de pouvoir insérer cette scène au montage. Il y eu plusieurs moments comme ça assez extraordinaires. On avait très peu de temps pour filmer. Tout s’est fait en deux jours et on n’avait pas plus de trois heures par jour pour réellement tourner. Entre les repas, les malades qui faisaient du bruit, les siestes, la radio, la TV, les activités, etc. il n’y avait pas beaucoup de temps pour la caméra et nous avons dû souvent nous adapter. Par exemple, le soleil éclatant dans la chambre de Louise quand elle arrange ses cheveux n’était pas prévu et on a spontanément profité de « quelques minutes » d’éclairage naturel assez extraordinaire… et il ne faut pas paniquer dans ces instants de grâce.

LPS – Votre film s’est mérité plusieurs honneurs dans différents festivals, dont trois prix dans le cadre du FICMAN. Alzhaïmour étant votre premier court métrage de fiction, comment qualifieriez-vous votre expérience?

PVK – Compliquée! Pas à cause du sujet mais parce que j’ai dû tourner sans aucun budget. Le projet a été refusé trois fois au Centre du Cinéma belge francophone. Incompréhensible. Heureusement toute l’équipe, composée d’anciens élèves (j’ai été prof), a voulu continuer et on s’est accroché. Ça c’était vraiment super…

LPS – Quels sont vos projets en cours?

Alzhaïmour de Pierre van de KerckhovePVK – Je suis actuellement à l’écriture d’un court-métrage de fiction « assez fou » dont le sujet est l’alcoolisme chez les artistes et je finalise en même temps le scénario d’un long-métrage de fiction, en partie autobiographique, dont le sujet est la recherche de mon homonyme aux USA. Le repérage a été fait, l’homonyme a réellement été trouvé et vous savez quoi? Il est atteint de la maladie d’Alzheimer.

Décidément j’ai un rapport particulier avec cette maladie que je ne connaissais pas au départ!

Il y a quelques semaines, j’ai appris par hasard qu’un cameraman (très connu chez nous) et à l’origine de ma carrière audiovisuelle, croupissait dans un home près de chez moi… atteint aussi de la maladie. C’est assez terrible d’en voir les effets sur quelqu’un qu’on a connu pendant plus de trente ans.

J’aimerais bien sûr tourner le long aux USA mais je n’ai pas encore de producteur ou coproducteur et je ne veux plus produire seul. J’aimerais me concentrer sur le tournage comme réalisateur uniquement. Si je ne trouve pas de budget, je le tournerai « peut-être » mais ce sera à Bruxelles, faute de moyen, et probablement mon dernier film…

« TOURNER, POUR NE PAS MAL TOURNER », dit-on chez nous!

En tout cas, merci encore de soutenir Alzhaïmour. L’intérêt extraordinaire du public, des festivals et cela dans le monde entier, a été très important pour nous.

*

Un grand merci à Pierre van de Kerckhove pour ce bel entretien.

Il y a de véritables petits bijoux de courts-métrages dont on ne parle que trop peu. Suivez les compétitions mensuelles afin de connaître certains d’eux. Et joignez-vous à nous, l’automne prochain, à la soirée de couronnement de cette seconde édition du FICMAN.

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