« Ils peuvent pas être inactifs. Ils rêvent! »
Des histoires inventées est un long métrage documentaire qui se veut un portrait d’auteur « sur et avec » André Forcier. C’est l’histoire d’un cinéaste d’exception et incontournable dans le paysage, un pilier de l’identité de notre cinéma national. C’est une occasion unique de revisiter l’ensemble de ses œuvres, reconnues comme étant fortement teintées de réalisme magique, par le biais de scènes recréées de chacun des films de sa cinématographie. C’est une promenade au milieu de son monde : apparaissant parfois comme un souvenir, une trace ou une mémoire.
André Forcier est un personnage en soi. On pourrait l’écouter parler et raconter son – ses – histoire encore et encore. Et c’est une idée sublime qu’a eu Jean-Marc E. Roy de faire un film sur ce maitre du 7e art. Et quelle façon unique de le faire!
Comment se fait-il que personne ne l’ait fait avant? Forcier est sans l’ombre d’un doute un des cinéastes les plus importants de l’histoire du cinéma québécois. Il représente, en ce que ça a de plus beau, le cinéma d’auteur. Comme il le dit lui-même dans Des histoires inventées, « un film de Forcier c’est un film de Forcier, comme un film de Morin c’est un film de Morin. »
En créant des films de réalisme magique, il pose un regard sur la société dans laquelle il vit. Mais encore plus important, il poétise notre univers afin de créer quelque chose d’unique, de fort, de beau. Plusieurs de ses films ont marqué l’histoire du cinéma d’ici. Je pense entre autres à L’eau chaude, l’eau frette, Au clair de la lune (un de mes films préférés), ou encore Le vent du Wyoming (qu’il considère comme son meilleur).
Des histoires inventées est bien plus qu’un documentaire. C’est une œuvre originale, unique, qui nous amène carrément dans l’œuvre de Forcier. Et encore mieux, un documentaire qui amène Forcier dans son (ses) œuvre.
En mettant en scène les films du maitre, en les recréant, Jean-Marc E. Roy permet non seulement à Forcier d’expliquer ce qu’il a fait pour tel ou tel film, mais permet au spectateur d’imaginer une certaine proximité entre le créateur et le récit. Voir Forcier interagir avec Duplessis (Michel Barrette) dans une scène de Je me souviens, c’est jouissif.
Ces scènes qui ont été recréées spécialement pour le documentaire sont tellement bien faites qu’on pourrait pratiquement croire que le réalisateur a simplement été inséré numériquement. Et on n’a pas besoin d’avoir vu tous les films de Forcier pour apprécier Des histoires inventées. Honnêtement, il y en a plusieurs dans sa longue filmographie que je n’ai pas vus. Par contre, il y en a quelques-uns que je verrai très certainement dans un avenir rapproché.
Mais il n’y a pas de meilleure preuve de la grandeur d’un réalisateur que de savoir que beaucoup d’acteurs jouent pour lui « pour des peanuts ». D’ailleurs, dans le documentaire on peut en avoir un bel exemple. Forcier le dit lui-même. Il a eu la chance de travailler avec des grands. Dans Des histoires inventées défilent : Marie Tifo, Rémy Girard, Juliette Gosselin, Émile Schneider, Michel Barrette, Céline Bonnier, David Boutin, France Castel, Donald Pilon, Renaud Pinet-Forcier, Charlotte Aubin, Sandrine Bisson, Michel Côté, Gaston Lepage, Louise Marleau, Angelo Cadet, Marc Messier, Robin Aubert, François Pinet-Forcier, Geneviève Brouillette, Roy Dupuis et, évidemment, André Forcier.
J’adore écouter cet homme. Il a une façon d’imager ses propos… Par exemple, ici, dans une scène au salon funéraire, il explique que même en vieillissant la peur de la mort ne s’estompe pas. Et il ajoute : « Mais c’est tough de voir mourir un paquet de chums autour de soi. J’t’en tain de faire le ménage dans mon carnet d’adresses, pis laisse-moi te dire qui a ben des morts. »
Forcier est souvent vu comme un grincheux, un chialeux. Simplement parce qu’il n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Mais peut-être qu’il est temps de le voir simplement comme l’un des grands de notre cinématographie.
Des histoires inventées, c’est un hommage à un homme, un créateur, un artiste. Et surtout, c’est un film qu’il faut aller voir!
Note : 9/10
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