Tepulpaï et Naïra, deux enfants de la Cordillère des Andes, partent à la poursuite de la Pachamama, totem protecteur de leur village, confisqué par les Incas. Leur quête les mènera jusqu’à Cuzco, capitale royale assiégée par les conquistadors.
L’animation Pachamama de Juan Antin nous fait voyager dans le temps et l’espace, jusqu’à la civilisation de l’Amérique latine précolombienne. Le projet de ce film a débuté il y a 14 ans. Il a donc été longuement mûri et le résultat est tout à fait splendide.
Juan Antin explique le point de vue adopté dans son film : « Plutôt que de relater la colonisation de manière historique, j’ai voulu la raconter du point de vue des indigènes, à hauteur d’enfants. C’était important pour moi, car en Argentine, on apprend à l’école que les “bons” étaient les Espagnols, apportant civilisation et progrès, et les indigènes, des sauvages. Sur un billet de cent pesos argentin, on voit le portrait de Rocca, un président qui a fait tuer des millions d’Indiens. Le projet de conquête, c’était amener la civilisation européenne, s’emparer des ressources naturelles et exterminer les “sauvages”. Comme on n’enseigne pas cela à l’école, j’avais envie de raconter aux enfants que les conquistadors n’étaient pas des héros, mais des voleurs. »
Ce film était donc pour lui une manière de rétablir les faits historiques, de montrer que, entre ce qui est dit et la réalité, les rôles des bons et des méchants sont parfois inversés. Des communautés vivent d’ailleurs encore selon ces coutumes ancestrales, créant un juste équilibre entre ce qu’ils prennent et ce qu’ils redonnent à la terre.
Les personnages du village de Tepulpaï et Naïra vénèrent la terre-mère, par un principe d’échanges et d’offrandes. Tout est une question d’équilibre entre les hommes et la terre, et le chamanisme est au cœur de la vie de ces gens : « Le chamanisme existe dans toutes les cultures du monde, au Tibet comme en Sibérie. Mais autour de la Cordillère des Andes, il y a un lien particulièrement fort avec la Pachamama. », expliquait encore le réalisateur.
Le grand condor, symbole de force et de clairvoyance; les serpents, protecteurs de la grotte des ancêtres; un lama, ami fidèle de Naïra et guide dans les nuages; et un tatou, acolyte de Tepulpaï, sont autant de personnages qui montrent la force de l’union de l’homme et de la nature, de la nécessité des hommes de s’ouvrir aux êtres qui l’habitent.
Le thème de l’écologie est donc central dans ce film, un thème tout à fait d’à-propos. Si l’on redonnait un peu à la terre de ce qu’on lui prend, si l’on en prenait soin plutôt que de simplement l’exploiter, on pourrait espérer un monde meilleur pour nos enfants.
La musique, l’atmosphère sonore en général, est très réussie. Le réalisateur a travaillé avec le compositeur Pierre Hamon, un amoureux de la musique précolombienne. Ce dernier a utilisé des vases siffleurs, typique de cette période. Il a même utilisé, pour la musique de l’animation, des flûtes vieilles de 2000 ans.
Le rendu visuel est aussi magnifique. Les personnages semblent modelés tels des poteries en argile. Pour les formes paysages et les designs de la végétation, Maria Hellemeyer, la responsable de la création de l’univers visuel, disait s’être inspirée des motifs de tissus typiques de la période représentée.
L’introduction du film plutôt lente permet d’entrer en douceur dans cet univers aux formes particulières, coloré, dans lequel on plonge avec bonheur.
Pachamama est un film à voir en famille, pour le plaisir des yeux et des oreilles, mais aussi pour prendre conscience de la richesse de la terre.
Note : 8/10
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