Un café avec… Alexa-Jeanne Dubé

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter une toute nouvelle formule : Un café avec…

Alexa-Jeanne Dubé - Un café avec...
Alexa-Jeanne Dubé

Le concept est assez simple. Je vais prendre un café avec un réalisateur ou une réalisatrice et on discute de ses œuvres, de ses inspirations. Pour entamer ce nouveau concept, j’ai eu le grand plaisir de rencontrer Alexa-Jeanne Dubé, une jeune actrice et réalisatrice québécoise.

Voici l’essentiel dont nous avons eu l’occasion de discuter :

Rencontre avec Alexa-Jeanne Dubé

Scopique

François Grondin Je regardais le dépliant de Pleins Écrans, pis je savais pas trop quoi regarder. J’étais indécis. Pis j’ai vu ton truc et je me suis dit : « ça l’air spécial ».

Alexa-Jeanne Dubé (rires)

F.G. Pis moi, ben, j’aime les trucs spéciaux… J’aime beaucoup Lars Von Trier. Ça te donne une idée?

Fait que là j’ai lu le descriptif, mais j’étais pas convaincu. En même temps, je me disais que c’était différent. Je me suis dit : « on va regarder voir ce que c’est. Pis je me suis dit que c’était pas trop long, donc si c’est poche, ça va passer vite.

A-J. D. Ouais, c’est 11 minutes.

F.G. Finalement, j’l’écoute. Pis là je suis pas sûr de mon feeling, tsé.

A-J. D. Ok…

F.G. Pis ça c’est bon signe. Ça veut dire que j’ai été déstabilisé. Finalement, j’ai vraiment aimé ça. C’est fucking spécial…

A-J. D. Quand même oui. Je comprends c’que tu veux dire.

F.G. En fait, il y a deux volets je pense. Il y a le côté entrevues… Si je me fie à ton document, c’est véridique les témoignages?

A-J. D. Oui.

F.G. Et les images qui n’ont pas nécessairement rapport avec ce qui est dit. Pis je dirais même, en fait, qu’elles sont un peu à l’opposé…

A-J. D. Oui. Parfois, oui.

F.G. Je trouvais ça intéressant. Comme la vieille dame – que si j’ai bien compris c’est ta grand-mère?

A-J. D. Oui.

F.G. Qui raconte un truc qui est super mignon fondamentalement. Ils se sont rencontrés jeunes…

A-J. D. Ils ont couché avec personne d’autre…

F.G. Pis en même temps t’as comme une espèce d’orgie. En fait pas une espèce là.

A-J. D. C’en est une, oui. (rires)

F.G. Pis là j’étais comme… c’est vraiment décalé, tsé.

scopique - afficheDans la première partie, aussi, t’as des images qui sont, somme toute, assez romantiques. T’as des amoureux dans une chaloupe. Je trouvais la narration intéressante. Ça vient aussi un peu à l’encontre de l’image plutôt romantique. Puis je trouvais le fun, en comparaison avec la deuxième partie, où t’as l’histoire du gars romantique qui a une occasion du type qui se présente jamais là – de coucher avec deux belles filles – qui dit non parce qu’il a une blonde pis qu’il est un gars « correct » tsé. Pis le lendemain, il se fait dumper. C’est comme le cauchemar de tout jeune homme. Pis t’as l’image qui est zéro romantique, de deux hommes dans un parking en séance de sexe oral.

Tout ça a fait que, une fois que j’avais digéré la désorientation que j’ai vécue avec ton film, j’en suis venu à la conclusion que j’ai vraiment tripé.

A-J. D. (rires) Il faut comme juste passer à travers, tsé.

F.G. Ben c’est effectivement différent. J’avais jamais vu quelque chose comme ça. T’as réussi quelque chose là, ça c’est clair.

As-tu eu des retours de Pleins Écrans? As-tu eu un bon feedback?

A-J. D. Vraiment, vraiment…

F.G. Parce que ça reste un festival qui est tout de même assez large public. Donc je me demandais si Scopique avait été bien reçu.

A-J. D. Je peux te dire, déjà, que j’suis clairement pas le film qui a eu le plus de visionnements. Il y en a que c’est comme 40 000 visionnements. Moi, c’est pas ça là. Mais, somme toute, il y a quand même des gens qui m’ont écrit pis qui ont aimé le film. Après, bon, les gens qui n’ont pas aimé m’écrivent pas nécessairement. Mais il y a des gens que j’estime qui m’ont dit bravo.

Durant tout mon parcours, j’ai vraiment eu de bons échos aussi. J’ai gagné comme, quelques prix tsé.

F.G. Oui, j’ai vu que tu avais gagné à SPASME.

A-J. D. Ouin, j’ai gagné à SPASME, le prix du jury. Pis j’ai gagné deux prix en Espagne… J’ai gagné des prix aussi à Prends ça court! Ça fait que…

F.G. Non mais c’est bien Prends ça court!

A-J. D. Ben c’est le fun, parce que ça me permet aussi de – parce que c’est souvent des prix avec des partenariats – mettre de l’argent dans mon prochain film que je vais tourner fin février. Pas tant de l’argent, mais des services que j’ai gagnés avec Scopique.

Tout ça pour dire que ça m’a quand même surprise parce que c’est vraiment un film que j’ai fait sans compromis, de façon 100 % indépendante. Quand j’avais le temps. J’ai vraiment fait ce que moi j’avais envie de faire. J’ai pas essayé de me dire : « qu’est-ce qui serait bon, ou qu’est-ce qui marcherait? »

F.G. Clairement tu as fait un film « pour toi ».

A-J. D. Oui. Ça, c’est mon univers. Je pense que c’est ça qui fait que c’est autant unique. C’est parce que j’ai vraiment juste fait ce que moi j’avais envie. C’est vraiment ÇA mon univers.

Pis même, je trouve qu’on le ressent dans les petits vidéos que j’avais fait en 2013 sur la plateforme rose. Il y a quelque chose de commun pour moi là-dedans. Qui parle d’intimité, les couleurs… Pour moi, il y a de quoi là-dedans qui est plus mon univers qui est comme plus poético-expérimental.

F.G. Je trouve ça intéressant, d’ailleurs, de voir que c’est une femme qui a fait ce film. Je ne sais pas si un homme avait fait la même chose, si ça passerait de la même façon. C’est un questionnement que j’ai en tant que gars.

A-J. D. Mais ça, c’est une vision de femme. Parce que, ben, forcément je suis une femme. Mais c’est un film qui parle d’abord d’intimité. Plus que de sexualité. Pour moi en tout cas.

F.G. Je pense aussi, mais moi j’ai l’impression, en tout cas, en tant que personne qui l’a vu, en tant que « voyeur » du film, qu’il y a comme une union entre les deux. Que l’intimité est liée à l’érotisme. Et en même temps, il y a un beau détachement, que tu montres, entre les discours et les images.

A-J. D. C’est parce que je voulais offrir une expérience voyeur, d’où le titre, de par les yeux, et de par ce qu’on entend. Je ne voulais pas redire ce qu’on voyait. On comprend l’idée. Après, est-ce que tu te laisses plus guider par ce que t’entend, par ce que tu vois? Je sais qu’il y en a qui accrochent plus sur l’histoire de ma grand-mère. Alors qu’il y en a d’autres qui n’entendent rien de l’histoire de ma grand-mère et qui se disent juste « oh my god, mais qu’est-ce qui se passe? ». Ça dépend vraiment. Tu prends ce que tu veux.

Et ma monteuse, elle a beaucoup monté de documentaires, et je trouve que dans sa façon d’avoir monté le film, d’avoir monté les narrations, aussi, c’était vraiment un plus.

F.G. Mais t’es entre fiction et documentaire. C’est le genre de film qu’on peut difficilement classer.

A-J. D. Je comprends ce que tu veux dire. Pis ça m’aurait pas vraiment intéressée d’écrire des textes d’intimité. Ce que j’aimais c’était la rencontre aussi.

F.G. T’avais besoin que ce soit vrai?

A-J. D. Oui! J’en ai fait vraiment plus que ce qu’on entend. J’en ai enregistré plein. Pis après, avec ma monteuse, on a dit « ça va être celle-là, celle-là… » Il y avait juste ma grand-mère que je savais que je voulais. Ça été le dernier segment qu’on a tourné aussi. L’ordre du film, c’est l’ordre dans lequel on l’a fait.

Ça s’est fait en 1 an et demi. Mais tsé, quand on avait du temps, pas de budget. L’équipe, c’était vraiment moi et Yan Clément. C’était genre « es-tu dispo telle journée? » « Ok. »

F.G. C’est peut-être ça aussi qui t’as permis de faire vraiment ce que tu voulais.

A-J. D. Pis avec Sophie aussi, tsé. On montait un segment, puis je revenais quelques mois plus tard et on montait un autre segment. Ça a permis aussi une réflexion. C’est ça qui est cool avec le réel. L’aspect documentaire, justement. C’est une matière vivante, et tu prends ce que tu veux. Tu n’as pas tout choisi à l’avance. Tu peux te laisser surprendre aussi par ce processus-là.

F.G. Le drone. Pourquoi? Est-ce que c’était, d’emblée, dans ta tête de faire ça avec un drone?

A-J. D. Non. En fait, à la base, base, ce film-là, comment c’est né… Il y a une de mes amies, Sylvianne Rivest-Beauséjour, une auteure, qui a écrit une pièce qui s’appelle Chaloupe, qui a été présentée en 2018, à La Licorne, pis elle a demandé à plusieurs réalisateurs de faire un court vidéo basé sur sa pièce. Pis elle me l’a demandé. Fait que là je lis la pièce, pis je vois que c’est une histoire outre-mer, et qu’il y a un océan qui sépare les deux et que ça s’appelle chaloupe pis ça parle de sexe. Fait que je me dis « Han, je vais juste tourner du monde qui fourre dans une chaloupe. » Pis ça va être tout, tsé. Ah mais comment je vais faire pour filmer? Ah ben je vais prendre un drone…

Pis là j’ai fait le premier segment. Pis je me suis dit « Attends… Je pense que ça va être un film et pas juste une vidéo pour une pièce. » Pis ça m’a donné l’idée de rajouter des narrations, pis là « Ah je vais faire un triptyque », pis voilà.

Donc le drone s’est imposé de façon technique.

F.G. La dernière scène, c’est filmé où?

A-J. D. C’est dans une ancienne mine d’amiante à St-Rémi.

F.G. C’est un paysage impressionnant. Un peu étrange, mais vraiment impressionnant.

Et les gens qui jouent dans ton film, c’est des acteurs professionnels? Amateurs? Un peu des deux?

A-J. D. Pour les deux premiers segments, j’ai demandé à deux couples de comédiens. Je voulais qu’on sente qu’il y avait une chimie. Et je ne voulais pas avoir à guider les gestes. Surtout que nous, on était très loin. À l’inverse, pour l’orgie, je ne voulais personne en couple. Je ne voulais pas créer de « Oui mais là, mais moi mon chum… », non.

Donc j’ai demandé à quelques amis.es que j’avais – ben que j’ai encore là – que je sais qui sont à l’aise avec ce genre d’expérience-là. En plus, j’ai fait un appel, sur Facebook. Mais il y a eu une belle chimie, pis ç’a marché.

F.G. En effet. Pis les images sont belles. Mais sans que ça devienne pornographique ou excitant. Ça c’est très réussi aussi.

A-J. D. Merci.

Oui mais non

Oui mais non - AfficheF.G. Avec Oui mais non, on effectivement complètement ailleurs en termes de style.

C’est un beau film. Dans les thèmes qui t’intéressent, je comprends qu’il y a l’idée des relations intimes. Parle-moi-z’en un peu.

A-J. D. En fait, ce film-là c’est mon premier film « film ». Pis je voulais faire de quoi qui ressemblait plus à ce qu’on voit. C’était une fiction plus traditionnelle, moins expérimentale, pour ne pas me péter la gueule parce que je n’avais pas les outils pour nécessairement arriver au résultat que j’aurais voulu avec mes idées un peu flyés. Tu comprends?

F.G. C’est un bon premier film, ceci dit.

A-J. D. J’ai juste commencé en me disant « Regarde, je vais faire de quoi de simple, une petite histoire, une fiction pas trop compliquée, juste pour voir si 1. est-ce que je suis capable de raconter une histoire, pis 2. est-ce que j’aime ça le faire. »

Et il a quand même eu une bonne réponse.

C’était un peu ça l’exercice. Puis suite à ça je me suis dit que maintenant je peux faire ce dont j’ai envie, c’est-à-dire des films bizarres. (rires)

F.G. Mais c’est cool que tu fasses des films bizarres, comme tu dis, parce qu’au Québec, on en fait pas beaucoup de films expérimentaux.

Tu joues dedans. Est-ce que d’emblée tu voulais jouer dedans, et pas dans Scopique, ou c’est un adon? Parce que les acteurs qui passent derrière la caméra vont souvent jouer dans leurs films.

A-J. D. En fait, à la base, je ne voulais pas être dedans. Sauf que Karelle Tremblay, l’autre actrice, m’a comme un peu fait comprendre « Fais-le sinon je le fais pas. » Je pense qu’elle voulait le faire avec quelqu’un avec qui elle était à l’aise.

Fait que j’ai dit ok, je vais le faire. Je pense que Karelle était pas tout à fait à l’aise avec la nudité. Il y a les scènes dans le bain.

F.G. Est-ce que c’est une bonne façon de mettre ton actrice à l’aise de le faire aussi.

A-J. D. Non. Je pense que ça changeait rien pour elle.

Mais bref, c’est pour ça que je l’ai fait à la base. Mais ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse de jouer dans mes films. J’aime vraiment mieux être derrière la caméra.

F.G. Comme pour séparer les choses?

A-J. D. Oui, oui. Vraiment, là.

Et ensuite…

F.G. Là tu prépares un autre film?

A-J. D. Oui.

F.G. C’est quoi?

A-J. D. Avant de t’expliquer, est-ce que tu connais le mouvement ASMR? Les vidéos ASMR sur YouTube.

F.G. Je pense pas…

Café - avec Alexa-Jeanne
Mon délicieux café

A-J. D. C’est un gros mouvement principalement sur YouTube, mais aussi sur Instagram, c’est des genres de vidéo où il y a une fille qui va chuchoter. Elles vont parler à la caméra, comme en caméra subjective, elles vont parler vraiment très bas, mais comme le son est vraiment crinqué, tu vas entendre tous les bruits de bouche pis tout ça. Puis elles ont des faux ongles pour faire toutes sortes de sons. Elles vont se brosser les cheveux, et tu entends tout le shhhhrrr. C’est comme pour calmer. C’est quelque chose d’hypnotisant. Il y en a de tous genres. Ça fait vraiment longtemps que je trouve ça intéressant c’t’affaire là, pis que je me dis qu’il faut que je fasse quelque chose avec ça.

Puis il y a Marjorie Armstrong, qui est une jeune auteure qui a écrit L’arène, une websérie. Puis elle avait écrit une nouvelle érotique. Encore une fois dans le thème de l’intimité… Pis elle m’a proposé de l’adapter au cinéma. J’ai dit ok.

C’est une histoire un peu classique là, d’un couple que le gars dit qu’il a trompé sa blonde, pis suite à ça ils font l’amour. Pis à la fin on comprend que la fille va le laisser, mettons. Là j’étais comme ok… Bon le récit, à proprement parler, est assez classique, mais je trouvais intéressant d’utiliser le « contenant » ASMR qui est complètement éclaté, pour raconter de quoi de plus factuel.

La narration se fait à travers un personnage qui est une Youtubeuse ASRM. Donc ça parle pas de ça, mais la narration se fait comme ça. Et en même temps on la voit vivre l’histoire. C’est vraiment flyé, mais ça va vraiment être cool!

F.G. C’est intrigant. À tout le moins…

A-J. D. On a commencé à faire des tests en studio pour le son. Parce que la prise de son – on veut du son 3D – est vraiment importante, parce que une prise de son 3D dans le cinéma ça ne se fait pas souvent. On est en train de décoder comment reproduire l’effet « headphone ». Parce que c’est fait pour être écouté dans des écouteurs. Donc c’est comment de reproduire ça en salle, mettons.

F.G. En tout cas, j’ai bien hâte de voir ça.

Alexa-Jeanne, merci.

A-J. D. Merci à toi.

2 réflexions sur “Un café avec… Alexa-Jeanne Dubé”

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