Certains films nous font faire un retour ironique dans l’histoire. C’est le cas de celui de Karim Aïnouz, Central Airport THF. Le documentaire nous fait découvrir cet ancien aéroport de Berlin inauguré en 1923, devenu le plus grand aéroport du monde sous Hitler, fermé en 2008. Aujourd’hui il sert de lieu d’hébergement pour de très nombreux migrants arrivés en Allemagne au cours des dernières années en attente du statut de réfugié.
Ils occupent des hangars aménagés en mini-villes entourées de clôtures. Les enfants courent dans d’immenses couloirs et les adultes s’ennuient la plupart du temps. Cet endroit qui devait offrir de l’hébergement d’urgence pour quelques jours devient un lieu de résidence pendant de longues semaines, qui se transforment en de longs mois, presque des années. Ibrahim, jeune migrant syrien dont le réalisateur chronique le séjour, y passera plus de quinze mois avant d’obtenir son statut de réfugié.
Le contraste entre l’immensité des lieux et le sentiment d’enfermement que ressentent les migrants est assez saisissant. Karim Aïnouz, formé en architecture, nous fait découvrir à la fois les grands espaces que sont ces hangars, mais aussi toutes les subdivisions qui restreignent la vie des occupants. Les chambres, de grands cubicules sans plafond et sans porte, offrent peu d’intimité et la nourriture de cafétéria n’est pas très appétissante. Le désœuvrement est à la mesure de ces grands espaces et l’attente presque insupportable.
Le réalisateur nous fait aussi voir les anciennes pistes de l’aéroport, clôturées, seul endroit où les habitants des hangars peuvent prendre l’air et se dégourdir. À travers ces clôtures, ils peuvent apercevoir le reste des terrains de cet aérodrome transformés en terrains de sport et en parc où des habitants de Berlin font la fête en famille ou entre amis. Le sentiment d’emprisonnement que ressentent ces migrants est encore plus intense.
Le personnage principal, le jeune Ibrahim, raconte son histoire au fil des mois. C’est la technique narrative qu’utilise le réalisateur. Chaque tableau débute par le nom du mois. Syrien originaire d’une toute petite ville située tout près de la frontière turque, Ibrahim parle de son village, de son amour de la ferme, de sa mère, de ses amis, des soirs de fête.
Autour de ces migrants, un groupe de personnes s’affairent à améliorer les conditions de santé, à leur apprendre la langue, à organiser des activités pour les femmes, les enfants. Malgré tout, les sentiments d’ennui et d’inquiétude sont tangibles.
Quand Ibrahim reçoit enfin la nouvelle qu’il obtient son statut de réfugié, on ressent enfin l’un des rares moments de joie du film. Ce n’est pas tout d’échapper à la guerre. Encore faut-il que l’avenir soit porteur d’un peu d’espoir. Mais les habitants de Central Airport THF, magnifiquement filmés par Karim Aïnouz, ont peu de raisons de croire à une vie meilleure. Ils n’ont que leur rêve.
Note : 8/10
Central Airport THF est présenté aux RIDM les 12 et 18 novembre 2018.
Visionnez la bande-annonce:
© 2023 Le petit septième