Laila at the Bridge de l’équipe Mirzaei nous amène au cœur même de l’enfer de la drogue, au centre de Kaboul, capitale de l’Afghanistan, triste royaume de la production d’opium où plus de 10 % de la population est accro à l’héroïne, à la cocaïne, au crystal. Nommez une drogue qui vous vient en tête et vous la trouverez si vous allez sous cet infâme pont au milieu des détritus et de la mort.
Laila Haidari a décidé de rescaper le plus grand nombre possible d’hommes et de femmes afghans de cet enfer, seule, sans moyens, envers et surtout contre le gouvernement corrompu, mais avec une volonté et une détermination inébranlables. Quitte à dormir avec un fusil à proximité de la main parce qu’elle se sait menacée par les mafias locales.
Laila opère un restaurant pour amasser un peu d’argent lui permettant de maintenir en vie le centre d’aide aux narcomanes dirigé par son frère, lui-même un rescapé de la drogue. Ici pas de thérapeute patenté, de programme soutenu par le gouvernement ou les institutions internationales. Mais une volonté profonde d’aider, une véritable mission pour Laila. Elle a été mariée enfant, réfugiée en Iran, a mis au monde trois enfants, terminé des études universitaires. Puis elle est rentrée au pays sans ses enfants parce que lorsqu’une femme divorce dans cette partie du monde, elle perd la garde des enfants.
Chaque jour ou presque, elle ose s’aventurer sous le pont où vivent ou plutôt survivent les toxicomanes. Elle réussit à en convaincre quelques-uns de la suivre à son « camp » qui offre une sorte de thérapie qui ressemble un peu aux Alcooliques anonymes, me semble-t-il, à coup d’eau froide, de travail et d’encouragements sans méthadone ou tout autre médicament.
Elle doit, un jour, se résoudre à fermer le camp des femmes par manque de moyens financiers. Mais elle continue à les voir dans leur environnement. J’ai souvent tourné avec des toxicomanes ici au Québec, au Canada, en Europe. Beaucoup parlé avec des femmes qui avaient perdu la garde de leurs enfants. J’ai vu beaucoup d’aiguilles, de plaies causées par ces aiguilles, les mauvaises conditions d’hygiène, etc.
Mais une des scènes de Laila at the Bridge m’a complètement bouleversée : une jeune femme, mère de 3 enfants dont une fillette de 2 ans peut-être, un bébé en somme, lui donne du sirop d’opium avec du jus pour la calmer. La petite s’endort évidemment. Et la jeune maman explique qu’elle cherche avant tout l’amour de cette enfant parce que ses deux garçons un peu plus âgés ne l’aiment plus, conscients de sa situation. C’est une scène insoutenable. C’est pour éviter de tels drames que se bat Laila Haidari.
Elle affronte la foule de badauds qui observent du pont « les damnés de la terre ». Et les chasse à coups de bâton. Seule femme au milieu de dizaines d’hommes. Quand son resto ne réussit plus à subventionner son camp, elle assiège les bureaux des différents ministères pour quêter leur aide, mais sans se gêner pour leur dire leurs quatre vérités.
Les hommes qu’elle rescape l’appellent mère. Elle sait qu’un bon nombre d’entre eux retourneront sous le pont. Mais elle n’abandonne pas. Une véritable leçon de vie filmée avec courage et dignité par Elizabeth et Gulistan Mirzaei.
Note : 9/10
Laila at the Bridge est présenté aux RIDM les 14 et 15 novembre 2018.
Regardez la bande-annonce:
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