En attendant Avril est une comédie policière, épique et romantique librement inspirée de chansons et de fables médiévales recueillies par le conteur Michel Faubert. La détective Haffigan enquête sur un os chantant, mystérieux grigri doté de pouvoirs délétères, et convoité par une panoplie de mécréants de bas étage. L’os s’avère être en la possession de Mithridate, séduisant acteur affublé d’un bras de gorille. Haffigan tombe sous le charme, mais Mithridate préfère initier une liaison duplice avec une employée de la Banque du Brouillard Permanent qui promet de le libérer de la malédiction de l’os.
Avec En attendant Avril, Olivier Godin nous livre son troisième long métrage. Tout comme dans son film précédent, l’intrigue est centrée autour d’un objet hors du commun. La Bible annotée par Pierre Maheu laisse cette fois-ci place à un os chantant qui, selon la légende, révèle la vérité. Le travail de Godin est grandement influencé par l’esthétisme de conteurs québécois, notamment Jacques Ferron. À bien des moments, il a fait de nous des Tinamer de Portanqueu qui trouvent dans la forêt de Maskinongé un univers plein de fantaisie, de magie et d’onirisme.
Tout comme la forêt, lieu par excellence des contes et légendes, peut être déroutante, le film de Godin peut lui aussi déstabiliser un spectateur habitué à des récits linéaires. Si l’intrigue suit un fil, ce dernier semble souvent interrompu par l’enchaînement non conventionnel des événements. Visionner ce film, c’est s’exposer à ne pas avoir en mains toutes les clés de lecture. Cependant, en se laissant embarquer dans cette aventure, on expérimente avec un grand plaisir l’ivresse de la désorientation.
La magie du conte est aussi portée par le timbre mélodieux de Michel Faubert qui nous livre plusieurs contes québécois aux origines médiévales. Il y dépeint la forêt comme un lieu merveilleux, mais effrayant, qui renferme les clés du mystère de l’os chantant.
C’est Baudelaire qui le dit. Chez Godin, la beauté va de pair avec l’absurde.
La beauté dans l’absurdité, c’est celle d’un acteur à la main de gorille qui parle couramment le langage des oiseaux. Cette même main redéfinira d’ailleurs le cadrage du film, annonçant souvent le passage d’une scène à une autre. L’absurdité dans la beauté, ce sont aussi ces dialogues loufoques, véritables supports de la trame narrative qui confèrent au film toute sa force et son originalité.
La beauté absurde est surtout incarnée par la détective Haffigan, dont l’interprétation inspirée de Johanna Nutter permet de bien mettre en valeur le potentiel comique du personnage. En plus de maîtriser comme personne le champ lexical de l’étron, Haffigan n’hésite pas à exiger une coiffure dans un salon réservé aux femmes noires ou encore à tuer une centaine de méchants, parce qu’ils sont méchants.
Sous le couvert de l’absurde, Godin traite de sujets sociétaux importants, comme la difficulté des relations interpersonnelles, surtout quand ces dernières sont marquées du sceau de l’altérité. La beauté du conte réside aussi dans le fait qu’il s’ancre dans l’hier pour conter l’aujourd’hui.
Note : 7.5/10
© 2023 Le petit septième