Le documentaire Ex-Pajé (Ex-Shaman) de Luiz Bolognesi pourrait très bien être un genre de film-allégorie, une presque fiction, mais le film raconte la vraie vie avec de vrais autochtones dans leur propre rôle.
On doit le classifier parmi les documentaires parce qu’il est tourné dans le milieu de vie de ces autochtones du Brésil, la jungle menacée de toutes parts par les Blancs.
Mais ce film raconte une histoire. L’histoire de familles au tournant de leur civilisation vers la modernité. On voit autant d’images qui parlent de traditions que de celles qui montrent des ordinateurs, des tablettes électroniques et des enfants qui jouent sur un portable. Des indigènes avec des lunettes.
On commence avec des images d’archives, tournées il y a quelques décennies, des Amazoniens dans leur milieu naturel, mais au début de la colonisation. Le drapeau brésilien flotte, les indigènes sont nus. Puis, de nos jours, l’endroit n’a pas beaucoup changé, mais ses habitants ont pris une partie de l’évolution du monde du 21e siècle.
Des images et des paroles nous guident dans la découverte de leur « évolution » : « Avant les gens utilisaient un shaman, maintenant, ils prennent une aspirine… » Cet indigène qui porte sa bonbonne de gaz à la ville pour la faire remplir et que l’on suit au supermarché où l’on constate l’abondance des produits.
Malgré les éléments de modernité qui s’ajoutent à leur vie, ils restent ancrés dans leurs croyances ancestrales. Comme : « l’esprit donne le poisson au pêcheur… » Comme aussi, lorsque la mère d’une famille est hospitalisée, mordue par un serpent, on croit tous qu’elle va mourir si l’on ne jeûne pas et si l’on ne tue pas le serpent.
Une belle illustration aussi des erreurs de l’Église. Le shaman dit que les gens ne viennent plus le voir parce que le prêtre a dit qu’il représentait le démon. « Ils viennent me parler seulement lorsque je sors de l’église. »
La présence de l’église vient donner une image anachronique à ces bonnes et pures personnes. On voit le shaman qui fait l’accueil à l’église en chemise blanche trop grande pour lui et en cravate. Ils fonctionnent avec la peur, la crainte de Dieu a gagné sur la crainte de l’ennemi réel, le serpent ou l’homme blanc qui défriche leur forêt.
Ils organisent une campagne contre la déforestation sur Facebook, avec leurs photos où une douzaine de jeunes hommes tiennent des armes.
Il y a un « avant » l’homme blanc et un « après » l’homme blanc. Le shaman dit que l’esprit de la forêt lui en veut parce qu’il l’a laissé tomber…
On entend un jeune dire qu’il préfère les frites aux plats traditionnels. Ils mangent du singe et du yam. Mais les frites semblent plaire davantage. Les parents ne veulent pas de la nourriture des Blancs. Ils résistent comme ils peuvent à la supposée évolution.
Le shaman se rend à l’hôpital, gêné, il chante en touchant le bras de sa femme qui est toujours inconsciente. Il sait que le prêtre ne va pas aimer ça. Un homme détruit une termitière, ce qu’il avait interdit aux plus jeunes, de peur que l’esprit de la forêt ne sauve pas la mère hospitalisée…
On voit ces scènes à travers les yeux d’un jeune garçon. Il représente l’avenir de ce peuple. Savoir tirer à l’arc pour chasser, mais avoir un I-Pad dans sa poche et manger des frites.
Finalement, la mère revient de l’hôpital sur ses pieds, on ne sait pas clairement si c’est l’hôpital ou les sacrifices de la famille qui l’ont guérie.
Ex-Pajé est bien fait, bien monté et ne souffre d’aucun amateurisme. Il donne le portrait du développement sauvage du capitalisme et aussi du désarroi des autochtones de l’Amazonie.
À voir!
Note : 9/10
Ex-Pajé est présenté au Festival Présence autochtone le 14 août 2018.
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