L’immense navire Megaride, équipé d’étranges et de puissantes merveilles technologiques, a jeté l’ancre dans le port de Naples et a nourri l’espoir et les ambitions des habitants de la ville. Du moins jusqu’à ce qu’une trahison entraîne la mort de Basile, le constructeur avant-gardiste du bateau. Le rêve de voir des jours meilleurs pour Naples a ainsi été anéanti et la fille bien-aimée du constructeur, Mia, a été abandonnée aux mains de sa cruelle belle-mère et de ses vicieuses filles. Alors que le Megaride, jadis grandiose, et le port sombrent en décrépitude, les années passent et Mia, morose et silencieuse, atteint l’âge adulte. Son sort, par contre, a déjà été scellé par sa belle-mère et par Salvatore Lo Giusto, un mafioso diabolique aussi appelé le « King ». Contrairement aux fantômes holographiques qui hantent les couloirs du Megaride, la menace pesant sur Mia est bien réelle…
Un scientifique d’âge mûr a le projet fou de créer un navire qui sera un véritable hub technologique dans le port de Naples. Le bateau a la capacité technique d’enregistrer la mémoire de ceux qui y pénètrent et de la conserver sous forme d’hologramme. Père d’une fillette de 3 ans, il est lâchement assassiné le jour de ses noces, laissant l’orpheline sous la responsabilité de sa nouvelle belle-mère… et de ses demi-sœurs. La suite ne sera pas un conte de fées, la petite étant l’esclave de la famille. Un prince charmant la sauvera-t-il de ce cauchemar?
L’adaptation animée réalisée ici par Alessandro Rak, Cinderella the Cat (Gatta Cenerentola), est un hommage criant à la première version écrite occidentale de l’histoire de Cendrillon de Giambattista Basile. Le père de l’héroïne porte d’ailleurs le nom de famille de l’auteur en guise d’hommage.
Les noms des personnages n’ont pas été choisis au hasard. L’orpheline s’appelle Mia, qui veut dire princesse, amante du dieu Amon. Selon l’étymologie, celle qui porte le prénom Mia est une personne avec un caractère fort et décisif, elle aime travailler dur et sait combiner son imagination avec des choses concrètes. Elle est dotée d’une intuition particulière. Cet élément prend alors tout son sens dans l’œuvre : Mia travaille dur et arrive à endurer sa misère, et combine les révélations des hologrammes avec la réalité à laquelle elle doit faire face.
Également, l’air irrespirable est suffocant de cendres tombantes, rappelant sans aucun doute l’éruption du Vésuve, mais faisant allusion au nom littéral de Gatta Cenerentola du poète et auteur italien, que l’on peut traduire par la chatte des cendres. Mia est surnommée le chat par sa belle-famille, car elle minaude partout comme l’animal.
Enfin, les personnages masculins ne sont pas en reste. Les deux principaux protagonistes s’appellent Primo Gemito, littéralement, le 1er, soit le prince qui gémit ou se lamente (qui fait un équilibre intéressant avec la petite Mia qui est devenue muette) et Salvatore Lo Giusto, le sauveur, le juste, le droit, qui se fait appeler le roi. Mais l’un d’entre eux sauvera-t-il la petite de son cauchemar?
Un peu à la manière d’un film d’enquête, l’héroïne, comme une amnésique, va redécouvrir la réalité à travers la réminiscence de certains morceaux du passé, mais sous forme d’hologrammes.
Dès le début du film d’animation, nous comprenons que le passé, le présent et le futur cohabitent dans l’instant. Enfant des années ’80, cela m’a tout de suite fait penser à la trilogie Retour vers le futur, notamment le 2e opus. En effet, après le décès de Vittorio Basile, la ville de Naples sombre dans le crime, la violence, la pollution, la noirceur, un peu à l’image de Hill Valley lorsque Biff Tannen en est le maire. Les chansons de Salvatore Lo Giusto décrivent très précisément l’état de la ville d’ailleurs. Pour couronner le tout, le Megaride, qui devait être un navire de mémoire aux multiples possibilités devient une maison close.
L’autre thème récurrent du scénario réside autour de la notion de l’illusion ou de la réalité. Qu’est-ce qui est vrai ou faux de ce qui nous est dit ou montré? Tout au long de l’histoire, à travers Mia, devenue une jeune femme, nous nous poserons en témoin du passé qui a créé le sombre présent qui nous est présenté. Finalement, la fin bouclera la boucle avec une explosion hollywoodienne qui rappellera le feu d’artifice victorieux de l’ouverture du film.
En résumé, Cinderella the Cat, c’est un scénario qui semble facile d’approche, mais qui devient beaucoup plus intéressant lorsque nous levons le voile des symboles et des significations à peine cachées. En véritable conte, la morale de l’histoire, souvent controversée dans les différentes versions de l’histoire de Cendrillon, nous montre une fin violente pour certains, mais où la petite aux cendres ne pardonnera ni ne condamnera ceux qui sont à l’origine de la tragédie de son histoire. Finalement, bien mal acquis ne profite jamais…
Note : 8/10
Cinderella the Cat est présenté à Fantasia les 28 et 30 juillet 2018.
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