« Si on n’arrive pas à concilier l’économie et l’écologie, on est foutus. »
Hubert Reeves
La sixième extinction est en marche. Hubert Reeves nous partage sa vision et expose l’état de la biodiversité. Avec lui, des hommes et des femmes engagés; scientifiques, philosophes, auteurs et artistes nous rappellent à quel point le vivant sous toutes ses formes demeure un fascinant et touchant mystère alors même qu’il disparaît sous nos yeux. Ils nous aident à comprendre pourquoi nous en sommes là et surtout, nous accompagnent vers des solutions diversifiées, ingénieuses et inspirantes. Parce qu’au final, l’avenir nous appartient.
La terre vue du cœur d’Iolande Cadrin-Rossignol est le troisième volet d’une trilogie avec Hubert Reeves, qui comprend également Hubert Reeves – conteur d’étoiles (2002) et Du Big Bang au vivant (long-métrage, mini-série, web, 2010). Le dernier volet est un cri du cœur d’Hubert Reeves et de nombreux autres intervenants – Frédéric Lenoir, Karel Mayrand, Emmanuelle Pouydebat, Robin Wall Kimmerer, Jérome Dupras, Edith Widder, Michel Labrecque, Mario Cyr, Karine Péloffy, Élyse Desaulniers, Stefan Sopkowiak – pour la préservation de la biodiversité.
« La terre vue du cœur, pour moi [Hubert Reeves], ce n’est pas simplement le regard qui essaie de comprendre, le regard scientifique, mais c’est le regard qui essaie de sentir. La façon scientifique, c’est de dire il y a des molécules, il y a des atomes, il y a des lois de la nature, etc. La façon vue du cœur, c’est de prendre conscience de la totale interdépendance de tous les êtres vivants sur la terre. »
Ainsi, comment se fait-il que, malgré cette interdépendance de tous les êtres vivants sur la terre, collectivement, nous travaillions si fort pour détruire la planète? Je sais que plusieurs groupes environnementaux militent pour la préservation de la planète, mais il n’en reste pas moins que l’environnement se dégrade à une vitesse hallucinante, comme jamais auparavant.
« La nature est devenue, dans notre civilisation occidentale, une marchandise, c’est combien ça vaut. […] Il n’y a plus ce rapport affectif avec la nature, c’est-à-dire tout devient marchandisé. », rappelle Reeves. On détruit d’immenses territoires, on rase des forêts, on extermine des espèces animales pour produire des biens, pour posséder des biens. On ne se soucie pas (ou trop peu) de ce qui restera aux générations futures, de ce que nous léguerons à nos enfants et à nos petits-enfants.
Les océans sont maintenant si pollués que plusieurs espèces aquatiques disparaissent. Certaines espèces encore inconnues disparaitront parce que les fonds marins recèlent encore de nombreux mystères. Edith A. Widder nous parle de ses découvertes en eaux profondes grâce à la bioluminescence, la lumière produite chimiquement par plusieurs organismes océaniques. Ce qu’elle découvre est absolument magnifique et méconnu, et grandement menacé…
De plus en plus d’études montrent que les espèces animales sont aussi pourvues d’intelligence. L’humain n’est pas le seul qui en possède. Et certaines espèces, dont les tortues, sont parvenues à s’adapter, ce à quoi l’humain ne parvient visiblement pas. Serait-ce là un manque d’intelligence?
Il n’y a pas que les espèces animales, tant terrestres qu’aquatiques, qui soient menacées. La végétation l’est tout autant. Les poumons de la planète sont rasés par l’humain.
Depuis peu, des scientifiques sont arrivés à la conclusion que les arbres parviennent à communiquer entre eux. Les arbres sont, pour la botaniste et professeure Robin Wall Kimmerer, des « personnes debout »; ce sont des êtres vivants et non pas des objets. Ils communiquent par « des composés chimiques qui sont libérés dans le vent. Et ces messages chimiques alertent les autres arbres à propos d’une attente d’insectes, d’une maladie, d’une sécheresse…Ils s’envoient des messages entre eux à l’aide du vent. » Dans le sol, un autre type de communication est possible par les réseaux de mycorhizes.
La nature a ainsi sa propre intelligence. Depuis une trentaine d’années, des scientifiques peuvent explorer la canopée des arbres des forêts tropicales grâce au Radeau des cimes. Avec de gros ballons, ils survolent les forêts et découvrent une biodiversité qui leur est impossible de voir du sol. Un voyage qui semble des plus impressionnants!
Contrairement à d’autres films environnementaux, on mise, dans La terre vue du cœur, sur la beauté du monde. Des passionnés nous parlent de leurs objets d’étude, de l’importance de préserver la planète pour l’ensemble des espèces animales et végétales.
Parviendrons-nous, collectivement, à changer ce qui semble être inévitable? « Tous les grands changements ont d’abord été des utopies », rappelle le philosophe et sociologue français Frédéric Lenoir. Les luttes environnementales sont présentement le plus grand mouvement citoyen dans le monde. Il faut travailler ensemble et faire en sorte que les gens au pouvoir travaillent dans le même sens : pour l’environnement, pour la justice pour toute la création.
La terre vue du cœur, c’est de nombreux témoignages pleins d’émotions, c’est un amour partagé pour la nature – je suis d’ailleurs allée au Jardin botanique de Montréal le lendemain du visionnement pour admirer cette biodiversité. Les paysages, de même que les espèces animales et végétales qui sont montrées dans le documentaire sont tout simplement splendides. On ne peut que craindre pour leur disparition. Sans eux, la planète continuera de se détériorer, et l’on ne peut que craindre pour l’avenir de l’humanité.
L’intelligence, explique Emmanuelle Pouydebat, spécialiste de l’intelligence animale, c’est l’ensemble des comportements d’un individu qui lui permet de s’adapter à son environnement et de trouver des solutions à des problèmes nouveaux.
L’humain fait partie d’une biodiversité; il n’est pas au sommet, il ne domine pas l’ensemble des autres êtres vivants, pas plus que la nature. Les catastrophes naturelles (ouragans, tornades, tsunamis, tremblements de terre, etc.) contre lesquelles l’être humain ne peut rien en attestent.
La chanson « Plus rien » des Cowboys Frigants joue dans le film. Espérons que nous ne rendrons pas jusque-là, que des actions seront prises d’ici là…
Mais moi je n’ai vu qu’une planète désolante
Paysages lunaires et chaleur suffocante
Et tous mes amis mourir par la soif ou la faim
Comme tombent les mouches…
Jusqu’à c’qu’il n’y ait plus rien…
Hubert Reeves et les autres intervenants tentent de nous ouvrir les yeux sur les richesses qui nous entourent, des richesses à préserver, à entretenir, pour les générations futures.
Note : 8/10
S’il y avait plus de jeunes comme Xiuhtezcatl Martinez – un jeune activiste adolescent américain que je ne connaissais pas avant le visionnement du film –, le monde ne pourrait que mieux se porter.
© 2023 Le petit septième