« Ce bébé que je porte, il n’est pas à moi… »
Sans hésiter, Diane (Clotilde Hesme) a accepté de porter l’enfant de Thomas (Thomas Suire) et Jacques (Grégory Montel), ses meilleurs amis. C’est dans ces circonstances, pas vraiment idéales, qu’elle tombe amoureuse de Fabrizio (Fabrizio Rongione).
Diane a les épaules, de Fabien Gorgeart, montre ce que ça peut être que de rendre service sans rien attendre en retour. Lorsque tu acceptes de porter un enfant pour des amis à qui tu le donneras après, on ne peut rien recevoir en retour qui pourra compenser ce don (ou cette perte).
Tantôt drôle, tantôt touchant, ce film nous rappelle le style de Judd Apatow ou encore l’humour de Lena Dunham. Je tiens d’ailleurs à souligner la performance de Clotilde Hesme qui était réellement enceinte lors du tournage. Et honnêtement, sans ça, le film n’aurait pas été le même.
Je dois dire, tout d’abord, que je suis un jeune papa. J’ai deux petits garçons de moins de 2 ans. Je comprends donc ce que signifie, ici, « don de soi ». Je ne les ai pas portés, évidemment. Et pourtant, à la naissance, j’étais déjà attaché à ces bébés. J’imagine donc que ce sentiment ne peut qu’être amplifié pour la mère qui l’a porté pendant 9 mois. Mais l’expérience que Diane va faire dépasse le don de soi puisqu’il s’agit à la fin de faire un don encore plus vertigineux : un don tout court… celui de donner un enfant.
Bien sûr, Diane le fait pour ses grands amis. Étant un couple homosexuel, ils ne peuvent pas en avoir un, naturellement. Mais l’amitié est-elle suffisante dans un tel cas? Je sais et je comprends qu’il y ait une différence entre porter un bébé pour le donner à un couple d’amis et porter un bébé pour s’en débarrasser après parce qu’on n’en veut pas.
Mais une fois que le bébé sera né et que Diane rendra visite à ses amis, comment se sentira-t-elle en voyant cette petite fille? On en a une petite idée à la fin du film. Mais je ne peux que me questionner sur la suite des choses… En tout cas, avec ce personnage, on s’interroge sur la notion du don.
Nous vivons à une époque où les territoires se redessinent au sein du couple, de la filiation, de l’appartenance au masculin ou au féminin. L’identité sexuelle n’est plus réduite aux catégories biologiques et les rapports de filiation s’affranchissent du modèle parental dit traditionnel. La société s’en trouve bousculée.
Et avec Diane a les épaules, Fabien Gorgeart va plus loin. On dépasse le film sur un couple homosexuel qui veut un bébé. Le fait que ce soit deux hommes n’est même pas un enjeu. Le réalisateur traite le sujet de la façon qu’il devrait, en réalité, l’être. Autrement dit, on s’en fout! Deux hommes, deux femmes, un homme et une femme… Un couple ne peut pas avoir de bébé, et une femme (une amie) leur offre la chance d’une vie.
Mais le film de Gorgeart focuse principalement sur Diane, créature hybride mi-femme libre, mi-femme ventre, qui porte l’enfant de façon détachée.
Mais qu’en est-il de cette chose qui frappe souvent alors qu’on ne la cherche pas? Car rien n’est jamais simple dans la vie. Diane rencontre Fabrizio lorsqu’elle en est à trois mois. Commencer une relation avec une femme enceinte ne doit pas être évident d’emblée. Mais lorsqu’elle porte un enfant qu’elle donnera, qu’en est-il?
À mesure que la relation entre Fabrizio et Diane se développe, celui-ci tente d’interagir avec le ventre et chaque fois Diane le repousse et l’engueule. Imaginez s’il fallait qu’elle s’attache à ce bébé qui n’est pas le sien. Pire encore : s’il fallait que le nouvel amoureux s’attache à ce bébé qui n’est pas le sien non plus.
Trois personnages masculins, trois types de père, trois instincts paternels.
De façon assez amusante, seuls les hommes semblent vouloir être parents de manière directe ou indirecte. Et chacun d’eux représente un modèle de paternité.
Thomas a tout du fanfaron – un adulte dans un corps d’enfant! –, mais, à trop vouloir partager l’intimité de cette grossesse avec Diane, ses angoisses irraisonnées prennent le dessus, le poussent à l’ingérence et menacent le rapport quasi sororal qui l’unit à la femme qui porte son enfant.
À l’opposé, Jacques mêle prestance et pudeur. Ses émotions affleurent pudiquement au milieu du tourbillon engendré par les autres. Sa seule demande à Diane : faire jouer une chanson au fœtus.
Fabrizio, lui, tente de composer avec cette jeune femme imprévisible, moderne, qui bouscule ses habitudes sentimentales. L’incertitude qui entoure son avenir avec Diane le pousse, lui aussi, à se comporter comme un futur père en étant le garant du bon déroulé de cette grossesse qui, à la base, ne le concerne même pas!
Si l’on appréhende le lien que Diane va avoir avec l’enfant, on ne mesure pas celui qui est en train de se créer avec Fabrizio. C’est aussi une autre manière de poser la question de la création du lien. N’est-ce pas en partageant une histoire forte avec quelqu’un que les liens se nouent? Et de toute façon, qu’est-ce qui fait d’une personne un parent? Le sang ou le lien créé?
Voilà donc ces quatre personnages qui se retrouvent impliqués dans l’arrivée d’un enfant, sans qu’on puisse circonscrire leur rôle aux fonctions biologiques. C’est ainsi balloté entre leur égoïsme et leur générosité, qu’ils révèlent ce qui les compose réellement : leur profonde humanité.
Note : 8/10
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