La réalisatrice Céline Baril s’est donné le devoir de parcourir la planète à la recherche non pas du temps perdu, mais plutôt du sens perdu de l’existence.
En 2015, elle a rencontré l’activiste américain David Bollier qui avait travaillé avec Ralf Nader et qui était venu à Montréal pour une conférence.
Elle avait lu ses écrits et, à partir de ce moment, son film a pris naissance.
Son premier David.
Pour donner une impulsion amusante à son film, Céline Baril s’est inspirée du prénom David, Davide, Dawud, Daouda, ce qui l’a certainement limitée, mais aussi inspirée et motivée à travers sa recherche.
On sent une improvisation calculée dans le film de Céline Baril et c’est, quelque part, heureux. Elle n’essaie pas de nous en mettre plein la vue, ni de nous impressionner. Elle essaie de nous donner l’heure juste. On y devine un amusement à composer une mosaïque des plus disparates. On devine le gambling qu’elle a pris en sautant du coq-à-l’âne, mais en gardant un fil conducteur assez large pour recevoir des réponses aussi différentes que déroutantes, toujours intéressantes pour le spectateur. Elle nous entraîne dans des bidonvilles en Colombie comme dans de prestigieuses universités nord-américaines.
Son film interroge autant les mystères de l’univers que le vivre ensemble des citoyens de la rue, dans la rue.
On n’assiste pas ici à une projection facile, à un cinéma de loisir. Elle nous oblige à réfléchir sur notre existence, sur ce que nous faisons pour l’améliorer, ce que nous faisons pour les autres et sur ce que nous laisserons à nos enfants.
Le spectateur est sollicité sans repos dans une réflexion passant des équations mathématiques post-einsteiniennes au recyclage des sacs de plastique qui traînent dans les rues de la capitale Togolaise.
J’ai dit plus haut que son choix de titre l’a limitée parce que, à quelques reprises, on assiste au témoignage de femmes connexes à un David et qui sont aussi très intéressantes. Je pense ici à la magnifique compagne d’un David africain qui nous présente, accompagnée d’un sourire extraordinaire, sa joie de vivre un projet au service de ses semblables.
On voit des Davids scientifiques qui sont déjà rendus dans d’autres galaxies et on entend des Davids de rue qui rêvent de refaire le monde, un sac de plastique ou un bidon d’eau à la fois. Le tour de force de la réalisatrice aura été de présenter tous ses Davids égaux en intérêt et en importance. Tous touchants et optimistes pour la suite du monde.
Il se trouve aussi un brin de folie à travers ces témoignages. Je pense à ce David à Londres qui soutient avec conviction que plus il y aura de gens au chômage, plus le monde va pouvoir évoluer parce qu’il se trouvera davantage de gens qui auront le temps de réfléchir à l’amélioration de notre existence.
Beaucoup des Davids filmés sont aussi des marginaux qui occupent des terrains illégalement, des canaux de navigation ou des parcs, en tentant de démontrer que la planète appartient à tout le monde et que les richesses devraient être partagées.
Ce film, quoiqu’imparfait et incomplet, ne propose aucunement de morale. Il pose quand même indirectement un regard très critique sur le monde actuel et son lendemain. Il nous oblige aussi à nous questionner sur notre existence de consommation effrénée et d’aveuglement volontaire de confort et de plaisirs.
Le film s’achève dans le camp des réfugiés de Pas-de-Calais en France et ce n’est sûrement pas par hasard. Même si le camp a été démantelé depuis le tournage, ce décor représente symboliquement l’image du monde actuel dans l’œil de Céline Baril : un immense camp de réfugiés.
24 Davids est une œuvre inachevée, mais un cliché formidable sur la société pris par une cinéaste intelligente et très humaine.
Je pense que l’on ne peut ressortir de ce film qu’avec plus d’humanité et étant davantage citoyen du monde.
Note : 7/10
* Le film est présenté aux RIDM les 9 et 11 novembre 2017.
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