« Quand l’enfance devient un vêtement trop étroit qu’il faut quitter. »
Pieds nus dans l’aube relate toute la richesse de cette enfance typique de l’entre-deux-guerres. Sans être fidèle au roman, l’adaptation cinématographique tisse des liens entre les personnages – forts et surprenants – avec des situations dramatiques ayant marqué profondément l’imaginaire de l’auteur. Réunis dans un seul et même film, des évènements inattendus viennent bouleverser la vie de village de cette famille habitant les rives du Saint-Maurice.
Il est toujours risqué d’adapter une œuvre littéraire, d’être accusé de l’avoir déformée, malmenée. C’était tout un pari pour Pieds nus dans l’aube de Félix Leclerc. Mais je crois que le réalisateur et fils de Félix Leclerc, Francis Leclerc, s’en est bien sorti. Il avait d’ailleurs choisi un très bon partenaire pour la scénarisation de son film : Fred Pellerin, dont j’adore la langue imagée et le talent de conteur. Ils ont su conserver une part de la poésie présente dans le premier roman de l’homme de lettres québécois.
Et s’ajoute à cela une belle distribution : Roy Dupuis (Léo Leclerc) – très bon comme toujours –, Claude Legault (Bérubé), Marianne Fortier (Garde Lemieux), Robert Lepage (oncle Rodolphe), Guy Thauvette (oncle Richard), Catherine Sénart (Fabiola), et j’en passe.
Dès le début du film, Félix (Justin Leyrolles-Bouchard) fait la rencontre de Fidor (Julien Leclerc), l’enfant qui va à « l’autre école, celle où il n’y a pas de pupitres vernis ». Les deux jeunes de 12 ans deviendront rapidement de bons amis malgré l’écart social. Félix vient d’une famille nombreuse qui s’en sort bien et Fidor est issu d’une famille pauvre. Une amitié sincère naîtra, Fidor devenant presque un frère pour Félix puisque Léo le prend aussi sous son aile.
Le tout s’inscrit dans un décor rural d’une autre époque. On est à la fin des années 1920, les Anglophones sont les patrons, ceux qui possèdent. Les Canadiens français travaillent dur, souvent pour bien peu.
La musique est très présente, orchestrale, et ajoute à l’émotion des personnages. Les plans sont soignés, montrant une nature impressionnante. Au début du film, les scènes d’hiver donnent envie de se cacher sous une couette; on ressent le froid extérieur tout comme la chaleur réconfortante du poêle à bois.
On découvre aussi le territoire sauvage, le canton Mayou tant aimé de Léo, ce territoire qui n’est relié au monde par aucune route ni aucun pont. Parce qu’il faut d’abord le rendre habitable, désirable. C’est un film qui donne envie de partir dans les bois quelques jours, moins peut-être les mouches noires… Un retour à l’essentiel que l’époque et les lieux rendent bien.
On assiste aussi à quelques scènes touchantes. Je pense entre autres à une scène où Léo doit abattre une bête à laquelle il tient pour lui éviter de souffrir davantage. Félix prend alors conscience qu’on ne fait pas toujours ce que l’on désire, mais parfois ce qu’il faut faire. Et à une autre scène où Félix se promène dans le bois, armé d’une branche – non, d’un sabre! –, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il ne sait plus où il est rendu. Une perte de repères qui le saisit de peur.
« Et nous ne voulions pas vieillir. Hélas, trop d’ennemis attaquent l’enfance : un sabre de bois est impuissant à les repousser tous. »
Même si le Pieds nus dans l’aube prend place à une époque assez éloignée, il saura, je crois, toucher les jeunes générations. Le désir de jouer, de profiter pleinement de l’enfance tout en espérant la quitter – ce qui ne se fait pas sans crainte puisque des responsabilités accompagnent ce changement d’âge –, et l’amitié sont toujours d’actualité. Le décor a beau changer, les sentiments restent les mêmes.
Et c’est par ce rapport à l’enfance que le réalisateur croit que son film saura parler aux gens : « Malgré les années qui séparent nos générations, l’enfance que dépeint mon père dans son roman est sans doute plus proche de la mienne et de celle de mon fils. Mêmes valeurs peut-être, mêmes peurs, mêmes sensibilités, je me retrouve, moi, Francis, dans Félix le personnage du roman autant que je peux voir mon propre fils (Léo) à travers toutes les scènes. Trois générations s’entremêlent dans ma tête. Dans les faits et gestes décrits dans le scénario, une confusion souhaitée, comprise, judicieusement choisie s’est amenée tout au long de l’écriture. Ce qui fait qu’il y a un peu de moi dans l’histoire, un peu de mon fils et, bien entendu, beaucoup de Félix. »
Pieds nus dans l’aube est l’histoire d’une amitié sincère qui coïncide avec la fin de l’enfance, celle dont on aurait voulu ne jamais complètement se départir.
Note : 7,5/10
Pour ceux qui veulent poursuivre l’aventure, Fides vient tout juste de publier l’album Pieds nus dans l’aube : du roman au grand écran. Les élèves de secondaire 1 ou 2 peuvent aussi participer à un concours littéraire en composant un texte de moins de 500 mots sur leur passage du primaire au secondaire.
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Un film. Bien tourner belle images. Beau décors les costumes bien utiliser histoire bien raconter . J’ai bien aimer la participation de Madame Sénart ou Marguerite Volant.