« And then there were none »
Imaginez un verre en chute libre. Ne vous êtes-vous jamais posé la question s’il est possible de prédire le nombre de fragments? Après avoir réalisé de nombreuses expériences, une équipe de chercheurs a réussi cet exploit apparemment impossible. Le mystérieux professeur Cornelius, attiré par ce résultat surprenant, invite les scientifiques dans sa villa afin d’en savoir plus sur leurs études. Mais quand ils arrivent sur place, ils ne trouvent personne pour les accueillir, au contraire, ils trouvent une maquette de la villa sur laquelle des actions tout à fait normales mais étonnantes sont représentées.
On comprend bientôt qu’il s’agit d’une nouvelle expérience et les chercheurs devront jouer un rôle très différent à leur habitude : celui du verre en chute libre. Bienvenue dans The Laplace’s Demon (Il demone di Laplace) de Giordano Giulivi.
Le libre arbitre existe-t-il vraiment? Ou si au contraire le destin est déjà prédéterminé pour chacun d’entre nous?
Selon le mathématicien français Pierre Simon Laplace, non, il n’existe pas. Il y a 200 ans, il élaborait une théorie selon laquelle « l’univers est une énorme horloge où toutes les entités, y compris les hommes, agissent comme des engrenages, cela signifie qu’il n’y a pas de place pour la liberté de choix. »
C’est sur cette théorie qu’est basé Il demone di Laplace. Mais ne soyez pas inquiet. Nous ne sommes pas dans un documentaire scientifique, mais bien dans un thriller noir. Comme l’explique le réalisateur, « l’œuvre se développe avec un langage simple et accessible à travers une histoire riche de situations paradoxales où la philosophie n’est pas le thème central du film mais le moteur qui déclenche les événements et bouleverse les personnages. »
On ne peut faire autrement que de faire le parallèle avec le roman Dix petits nègres d’Agatha Christie. Bien que la méthode utilisée par le tueur est fondamentalement différente, et qu’il y a l’élément scientifique dans ce film-ci, la trame de fond est la même. Les membres d’un groupe disparaissent un à un dans un manoir situé sur une ile minuscule d’où ils ne peuvent partir. Et les petites statuettes sont remplacées par des pièces d’un jeu d’échec.
Mais qui donc est cruel à ce point?
The Laplace’s Demon ne se base pas sur des expédients banals comme des images brutales, des cris ou des effets spéciaux exagérés pour créer la peur, la tension. On se fie plutôt sur une histoire passionnante dans laquelle sont placés des éléments de tension (disparitions, bruits sourds, jeu des acteurs…). Ça donne un film de genre différent. Les producteurs expliquaient que « sous toutes ses formes (visuelle, verbale et physique) la violence apparaît désormais un élément essentiel pour les films d’horreur et les thrillers contemporains, comme si le public ne s’attendait rien qu’à cela. Nous, par contre, nous sommes persuadés qu’un suspense bien construit peut encore intéresser le public. » Et je crois que ça fonctionne bien.
Il y a aussi l’utilisation du noir et blanc qui donne un style différent au film. Cette petite touche vieillotte est bien utilisée grâce à une photographie qui préconise de forts contrastes et des décors faits à l’ancienne. Mais je ne veux pas révéler le secret ici. Bref, c’est un film dont le style ressemble à celui d’une époque passée tout en reprenant une structure narrative classique, mais en la développant d’une façon toute à fait nouvelle.
Disons que pour un film avec un tout petit budget, tourné dans le sous-sol d’une maison bien ordinaire, on a une œuvre de grande qualité, avec une touche classique. Un travail énorme qui a duré sept ans et demi au cours desquels les membres de l’équipe ont dû concilier les tournages avec les exigences d’un emploi, une maison, une famille.
The Laplace’s Demon est donc une grande réussite que je vous encourage à aller voir.
Note : 7.5/10
* Le film sera projeté à Fantasia les 21 et 24 juillet.
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