« Joseph a laissé son sac de billes derrière lui : c’est comme s’il abandonnait sa vie d’avant pour se projeter vers l’avenir. »
Dorian Le Clech
Dans la France occupée, Maurice (Batyste Fleurial Palmieri) et Joseph (Dorian Le Clech), deux jeunes frères juifs livrés à eux-mêmes font preuve d’une incroyable dose de malice, de courage et d’ingéniosité pour échapper à l’invasion ennemie et tenter de réunir leur famille à nouveau.
Un sac de billes de Christian Duguay est adapté de l’ouvrage de Joseph Joffo, publié en 1973. Le réalisateur a été très marqué par ce livre qu’il a découvert après avoir été approché par les trois producteurs du film, Nicolas Duval, Laurent Zeitoun et Yann Zenou : « En le découvrant j’ai été frappé par la ténacité, la conviction et la force de cette histoire pleine d’espoir. C’est une épopée lumineuse, racontée du point de vue des enfants, sur le monde autour d’eux et sur la manière dont la réalité les rattrape. L’histoire est si forte, mais surtout si malheureusement universelle qu’il est impossible de ne pas y voir l’actualité, la souffrance, et oui, parfois les moments de bonheur des populations en déplacement aujourd’hui dans le monde. »
Je dois avouer qu’à certain moment j’ai pensé au Voyage de Fanny qui montre la fuite d’un groupe d’enfants. Mais Un sac de billes va plus loin dans l’émotion. La relation familiale, bien que les enfants et les parents soient souvent et longuement séparés, est centrale et devient le moteur des actions des deux garçons.
C’est l’émotion des personnages qui priment sur l’histoire mondiale, mais on n’en fait évidemment pas abstraction. Il y a eu la Seconde Guerre mondiale, des milliers de Juifs ont été capturés et tués. On en a ici un aperçu, mais on ne s’y attarde pas en ce sens qu’on suit les deux frères. C’est leur histoire personnelle plus que l’Histoire du XXe siècle qui importe; c’est le point de vue des enfants qui oriente le récit.
Les parents (Patrick Bruel et Elsa Zylberstein) sont le noyau de cette famille. Au début du film, ils doivent prendre une déchirante décision : convaincre leurs deux plus jeunes fils de fuir, seuls. Pour être certain que le plus jeune des fils saura s’en tenir au rôle qu’on lui demande, soit de renier ses origines juives (son père l’avait jusque-là toujours encouragé à être fier de qui il était), le père le bousculera, l’affrontera. Cette scène est très difficile, puissante et déchirante. On comprend alors, (ironiquement) par la violence dont fait preuve le père, tout l’amour qu’il porte à son fils, à ses fils. L’émotion après leur départ est palpable.
Un amour inconditionnel uni les membres de cette famille qui seront très souvent séparés, sur une période de plus de deux ans.
Bien que le film traite d’un sujet difficile, il n’en reste pas moins lumineux à plusieurs endroits. Les deux frères vivent pleinement leur vie, malgré la fuite. Ils réussissent à avoir du plaisir par leur complicité. Maurice et Jospeh vivent comme si tout pouvait être leur dernier bon moment. Ils traverseront aussi de difficiles épreuves (capture, torture, etc.) qui forgeront leur caractère sans pour autant les priver de leur énergie.
Des liens d’amitié et de complicité uniront les enfants à d’autres personnes rencontrées dans leur fuite. Même une passion amoureuse se dessine pour l’un des deux jeunes. Certains hommes qu’ils ne les connaissent pas se porteront garants d’eux afin de les épargner. Dans les faits, juif ou pas, un enfant reste un enfant et, pour certains (heureusement), il était impensable de les sacrifier.
À travers des cris et des pleurs fusent des rires. L’une des belles scènes lumineuses du film est celle où la famille est réunie à Nice et durant laquelle la mère joue du violon. Ce court instant de bonheur montre l’unité de cette famille et donne un peu d’espoir. Peut-être pourront-ils, avec un peu de chance, revivre de tels moments…
Un sac de billes revient sur un pan sombre de l’Histoire. Mais même si l’action est située dans les années 1940, elle n’en reste pas moins d’actualité, comme le suggérait l’auteur Joseph Joffo dont la vie est dépeinte dans le film : « À l’heure actuelle, l’histoire que j’ai vécue résonne de manière particulièrement forte. À cause du terrorisme, des enfants sont contraints eux aussi de fuir. Comme nous il y a 50 ans, ils se retrouvent sur les routes, totalement isolés et livrés à eux-mêmes. J’espère que le film nous incitera à nous interroger sur le destin de ces enfants et de ces familles déchirées. »
Note : 8/10
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