Épisode 2 de 5
La série documentaire Vieillir dans la nature porte sur le vieillissement des animaux dans la nature. Parce qu’après tout, que savons-nous du processus de vieillissement animal? Peu de choses, mais de plus en plus de scientifiques mènent des études de longue haleine afin de mieux comprendre ce phénomène. Et peut-être comprendrons-nous des choses sur notre propre vieillissement.
Le premier épisode Vivre longtemps présentait 5 espèces à la longue espérance de vie, du moins, pour leur espèce. On en apprenait ainsi sur la tortue géante des Seychelles (qui peut vivre jusqu’à 250 ans!), sur l’éléphant d’Afrique, la mouette tridactyle, la chauve-souris, l’abeille et l’hydre. Cette semaine, on s’attarde aux caractéristiques du cycle reproducteur de 5 espèces tant terrestres, aquatiques qu’aérienne.
La reproduction n’est pas qu’une affaire de jeunes : cet épisode de Vieillir dans la nature aborde de façon tantôt amusante, tantôt sérieuse, la question de la vie sexuelle et de la camaraderie chez les animaux âgés. Nous dévoilons par exemple, le lien qui existe entre l’âge d’un chimpanzé et son succès reproducteur. Quels changements ces animaux vivent-ils en matière de reproduction à mesure qu’ils avancent en âge? Nous observons ici comment évolue au fil du temps un des moteurs les plus puissants de la vie : la transmission des gènes.
Reproducteurs à tout prix sera diffusé sur les ondes de TV5 le jeudi 8 juin à 19 h, et rediffusé le vendredi 9 juin à 10 h et le samedi 10 juin à 4 h.
Vieillir signifie souvent gagner en expérience parentale. Chez les animaux, certaines espèces ne connaissent pas la ménopause. L’histoire de la lionne Selenkay sort de l’ordinaire. Cette mère compte maintenant 5 générations de lionceaux alors que beaucoup d’individus tombent sous les lances et les empoisonnements. Elle est audacieuse et fera tout pour protéger et nourrir ses petits.
On fait un tour au Kenya pour suivre Selenkay. C’est le « super » exemple, en ce sens que cette lionne a un instinct maternel extrêmement développé. Si la nourriture venait à manquer, elle n’hésitait pas à attaquer des troupeaux de chèvres, se mettant les habitants à dos. Il faut dire qu’en plus de ses petits, elle a souvent pris soin des petits de l’une de ses sœurs qui, elle, préférait partir avec les mâles plutôt que de materner. Et chez les lions, comme chez d’autres espèces, les mâles ne s’occupent que très peu de l’éducation des petits. La tâche incombe à la femelle.
Il s’agit bien ici du chevreuil qui vit en Europe, et non du cerf de Virginie. Chaque année, dans les confins d’un petit village de France, Jean-Michel Gaillard met à contribution tous les villageois pour ses recherches. Le but, capturer les femelles du coin pour vérifier si elles sont gestantes ou non. C’est une sorte de chasse aux signes de la sénescence animale, dont l’un des paramètres est la capacité reproductive.
C’est une véritable chasse annuelle aux chevreuils, sans arme et sans mort. Des filets sont installés, des chiens sont lâchés dans les bois, suivi de près par ceux qui mènent les recherches. Les bêtes étant identifiées, lorsqu’une d’entre elles est capturée, on peut compléter son dossier, voir son évolution. On fait des échographies aux femelles pour voir si elles portent un ou des petits, les grossesses gémellaires étant fréquentes.
C’est un oiseau qui s’unit pour la vie… une vie qui peut durer 30 ans! Comment le couple réussit-il à élever le petit alors que la nourriture est difficile à trouver, alors que les alentours du nid sont dangereux? À cela, s’ajoutent les contraintes des changements climatiques. Les plus expérimentés sauront-ils perpétuer l’espèce dont les colonies en Amérique du Nord se comptent sur les doigts d’une main?
Bon, je n’ai pu m’empêcher ici de penser au roman Les fous de Bassan d’Anne Hébert, mais ce n’est là qu’une déformation professionnelle. Ce qui m’a tout particulièrement troublée dans cette section de l’émission, c’est de voir à quel point la reproduction animale peut être affectée par les changements climatiques. Si pendant la saison de la reproduction des fous de Bassan, le poisson vient à manquer ou nage trop profondément – ce qui revient au même –, les oiseaux ne peuvent plus nourrir les petits qui dépendent entièrement de leurs parents (tant la femelle que le mâle) pendant les trois premiers mois de leur vie. L’équilibre planétaire est fragile…
Dans la réserve forestière de Budongo, dans l’ouest de Ouganda, Catherine Hobaiter observe et documente tous les aspects de la communauté Sonso. À travers l’évolution de leur sexualité au fil du temps et des enjeux sociaux liés à la reproduction, faut-il s’étonner de voir un peu de nous à travers eux?
On a souvent entendu dire que le chimpanzé était l’animal le plus proche de l’homme et on n’en doute pas après ce segment. Les jeux de pouvoir et les clans en sont un bon exemple. Si un mâle est battu pour un autre mâle dominant, il est exclu du groupe. Les autres membres du groupe l’ignorent totalement et refusent dès lors de s’accoupler avec lui. Cette solitude, ce rejet, ce mépris sont si semblables aux comportements humains, c’en est troublant.
La reproduction des vieilles tortues est peu étudiée. Au Michigan, Justin Congdon fait le suivi sur chaque individu qui vit dans les marais de la réserve Edwin S. George. Depuis les années 1970, sur les trois espèces présentes de l’endroit – tortues peinte, serpentine et mouchetée – il fait découvre des faits tout à fait surprenants; les tortues âgées sont de meilleures reproductrices que les plus jeunes. Il a même vu une tortue de 82 ans qui s’apprêtait à pondre!
Justin Congdon a dédié sa vie à cette recherche. Il est maintenant professeur retraité, mais il continue ses recherches année après année. L’homme n’échappant pas au vieillissement, il ne pourra continuer éternellement. Y aura-t-il une relève pour ses recherches qui évoluent avec la flore où se reproduisent ces tortues? Eh oui, les œufs de tortue ont besoin de beaucoup de chaleur et de lumière pour éclore, mais les arbres ayant beaucoup grandi au fil du temps, ils font maintenant beaucoup d’ombre. Et c’est sans parler des prédateurs qui déterrent les œufs pour les manger. Certaines années, c’est 100 % des nids qui sont détruits. Comment une espèce peut-elle survivre à de tels désastres? Réussira-t-elle à s’adapter? Il faut dire que les tortues sont parmi les plus vieilles espèces, peut-être réussiront-elles à nous surprendre.
À l’image de l’homme, les espèces animales connaissent un déclin progressif. Toutes leurs facultés ne cessent pas de fonctionner simultanément. Certaines espèces se reproduisent presque jusqu’à leur mort, d’autres cessent quand leur poids commence à décliner, d’autres connaissent une forme de ménopause. Comprendre le vieillissement du monde animal permet de mieux comprendre le vieillissement de l’espèce humaine. Nous ne sommes pas toujours si différents…
Le réalisateur Ari A. Cohen avait ces préoccupations en tête : « Notre vieillissement est étroitement lié à l’environnement, à notre état de santé, à nos niveaux de stress et à nos chances de survie, autant de facteurs auxquels doivent faire face certains animaux également. Nous partageons tout cela avec eux. Nous sommes une espèce parmi d’autres. »
© 2023 Le petit septième