Août 1715. À son retour de promenade, Louis XIV ressent une vive douleur à la jambe. Les jours suivants, le Roi poursuit ses obligations mais ses nuits sont agitées, la fièvre le gagne. Il se nourrit peu et s’affaiblit de plus en plus. C’est le début de la lente agonie du plus grand Roi de France, entouré de ses fidèles et de ses médecins.
Qui d’autre que Jean-Pierre Léaud pour interpréter un monarque finissant? Ce comédien, préféré du cinéma de Truffault, a commencé sa carrière dans les 400 coups à l’âge de 14 ans. Aujourd’hui, à 72 ans, il interprète Louis XIV mourant dans La mort de Louis XIV.
Pour une quatrième fois consécutive, Albert Serra, réalisateur catalan, s’attaque à un personnage historique. Cette fois, loin du faste et du clinquant, on s’intéresse à l’aspect le plus dénué de supériorité : la mort. Pas la mort dans son aspect tragique ou dramatique, mais plutôt dans son aspect personnel, physique et presque biologique.
L’accent mis sur le côté réaliste avec une importance donnée à l’agonie profonde apporte un film qui dure 115 minutes, mais qui fait bien sa longueur. Les scènes sont très lentes, avec très peu de dialogues. Le réalisateur s’est inspiré des Mémoires de Saint-Simon et des Mémoires du Marquis de Dangeau. Dommage que les tirades apprises par Jean-Pierre Léaud n’apparaissent finalement pas à l’écran. Le manque d’action n’est pas fortuit, il a été choisi. L’agonie du roi a duré deux semaines en vérité, et on ressent très bien la pesanteur et le désarroi de la cour pendant cette durée.
Cette lenteur met finalement l’accent sur des détails fabuleux. L’ambiance lourde et pesante de la chambre qui sert de huis clos. On ressent le poids des lourds rideaux de velours, la pénombre de la pièce éclairée par quelques chandelles. Malgré tout, nous ne pouvons échapper aux perruques si imposantes. Le roi devient décrépi jour après jour, heure après heure, on ne le voit plus qu’à peine au milieu de ces perruques toutes plus fantasques les unes que les autres.
Dès les premières plaintes du roi, il est alité et affaibli. Sa cour se veut pourtant enthousiaste et demande beaucoup à son souverain. Les jeunes filles souhaitent encore voir le monarque les saluer avec son chapeau. Ce qui donne un contraste édifiant : c’est celui qui part (ou va partir) qui doit amuser la galerie. Il y a un côté un peu gâteux qui est donné à ce personnage historique, autant avec ses sujets qu’avec ses chiens, on a l’impression qu’il est devenu complètement abruti par sa maladie. Au fur et à mesure que la maladie progresse, les courtisans se font moins voir. Les tout derniers jours ressemblent à une veillée funèbre réduite au plus minuscule cortège de fidèles.
Ceux qui resteront jusqu’au dernier souffle, ce seront ses docteurs. On se serait cru en pleine pièce de Molière avec des médecins qui n’ont aucune idée de quoi ils parlent. On s’aperçoit que l’homme de sciences de cette époque connaît davantage le corps humain mort que vivant. Les raisons des symptômes sont inconnues, la manière de les soulager et de les anéantir l’est encore plus. Même les docteurs de la Sorbonne ne font que rechigner de la tête, mais n’ont aucune solution à proposer.
La mise en scène et le choix des accessoires et des détails de La mort de Louis XIV sont magiquement bien choisis. Une comparaison oculaire avec un véritable échantillonnage d’yeux fait son effet devant la caméra. Dès cet instant, on comprend que nous n’avons pas les mêmes outillages médicaux qu’aujourd’hui. Enfin, les différents premiers plans sur la jambe noircissante du roi jour après jour nous rapprochent un peu plus de sa fin.
Malgré tous ses efforts, qui nous semblent bien peu pour nous, hommes du XXIe siècle, ce sera Fagon, le docteur du roi qui prendra sur ses épaules toute la responsabilité de la déchéance de son monarque.
S’en vient alors une dissection royale. Le roi avait choisi de faire parvenir son cœur à la chapelle des Jésuites. Les médecins s’en donneront à cœur joie dans l’examen des viscères du roi. Ce qui tranche assurément entre les discours enrobés de politesse en trop du vivant du roi et cet empressement de sortir ses tripes encore tièdes de leurs mains nues…
Note : 6,5/10
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